Le régime légal
Régime légal : Les actifs du patrimoine propre (2/7)
Lorsque les époux sont mariés sous le régime légal, chacun d'entre eux a un patrimoine propre. Le législateur a voulu limiter les propres appartenant à chacun des époux de sorte qu'il a défini limitativement ce qui entre ou reste dans le patrimoine propre. En outre, il a également déterminé et limité les biens qui sont acquis pendant le mariage et qui constituent un bien propre à un époux. 5
Ainsi, le législateur a prévu quatre catégories de biens qui peuvent être considérés comme appartenant au patrimoine propre d'un époux.
Il s'agit des actifs propres par nature, des biens assimilés aux propres par nature, des propres par origine et des propres par rattachement.
1. Les propres par nature
Certains biens meubles, corporels ou incorporels, sont attachés à la personne de l'époux. Eu égard à cet attachement, ces biens sont considérés comme étant un actif propre à l'époux 6.
L'attachement à un époux est tel que même si leurs acquisitions ont été financées par le patrimoine commun, ils restent des biens appartenant au patrimoine propre de l'époux. Il y a lieu de préciser qu'il n'y aura jamais de récompense due au patrimoine commun pour ce genre de biens.
L'article 1401 du Code civil détermine quels sont les biens qui sont propres par nature. Il s'agit : des vêtements et objets personnels 7, des droits de propriété littéraire, artistique ou industrielle 8, de droit à la réparation d'un préjudice corporel ou moral 9, des droits aux pensions et rentes viagères dont un époux est titulaire 10 et des droits attachés à des actions ou parts nominatives de société. 11
Concernant les vêtements et les objets personnels, il faut toutefois préciser qu'il ne faut pas que l'acquisition de ces biens aient été faits dans un but de placement ou d'investissement. Si tel est le cas, lesdits biens ne seront pas considérés comme des propres par nature.
Les droits intellectuels, à savoir les droits de propriété littéraire, artistique ou industrielle, sont considérés comme des biens appartenant au patrimoine propre. Cela étant, il faut toutefois préciser que, ce qui est propre, c'est le droit moral sur l'œuvre, ainsi que le droit de le mettre en exploitation, prendre un brevet et déposer une marque. 12
Ainsi, une fois que l'œuvre littéraire, artistique ou industrielle est divulguée, et que cette œuvre a été créée 13 pendant le mariage, elle devient un bien appartenant au patrimoine commun. 14 En sus, les revenus de cette œuvre ou le prix de sa vente sont des biens communs. 15
Dans la troisième catégorie de biens propres par nature, le législateur a prévu le droit à la réparation d'un préjudice corporel ou moral. Là aussi, il faut toutefois préciser que l'indemnisation est propre mais que les intérêts du capital sont communs. 16
Il en va de même pour ce qui concerne les intérêts des droits aux pensions et rentes viagères dont un époux est titulaire. 17
2. Les biens assimilés aux propres par nature
Sont assimilés aux biens propres (sauf récompense s'il y a lieu 18), d'une part, les droits résultant d'une assurance de personnes, souscrite par le bénéficiaire lui-même, acquis par lui au décès de son conjoint ou après la dissolution du régime 19 et, d'autre part, les outils et les instruments servant à l'exercice de la profession. 20
Pour ces deux types de biens, il faut préciser qu'ils sont propres mais que si leurs acquisitions ont été financées par le patrimoine commun des époux, une récompense sera due au moment de la dissolution du régime légal.
En ce qui concerne les outils professionnels, sont seuls visés comme étant des propres, les biens meubles corporels et les biens appartenant à un seul époux. Ne sont donc pas assimilés à des propres par natures, les droits incorporels21, le fonds de commerce constitué pendant le mariage, les marchandises, un stock, la clientèle professionnelle, etc.22
3. Les propres par origine
Il s'agit des biens qui, en raison de leur origine familiale, sont propres à chaque époux. Toutefois, si ces biens ont été acquis avec des fonds communs, une récompense sera due lors des opérations de liquidation-partage. 23
Les biens propres par origine sont : les biens et créances appartenant à chacun des époux au jour du mariage et ceux que chacun acquiert au cours du régime 24 par donation, succession ou testament 25; les biens cédés à l'un des époux par l'un de ses ascendants soit pour le remplir de ce qui lui est dû, soit à charge de payer une dette de l'ascendant envers un tiers 26, et la part acquise par l'un des époux pour un bien dont il est déjà copropriétaire. 27
Le législateur a donc prévu que les biens et les créances que possèdent les époux au jour du mariage sont des propres.
La preuve de ce bien propre, entre époux, se fait par toutes voies de droit. 28 Tandis qu'à l'égard des tiers, la propriété dans le chef de chacun des époux d'un bien qui n'a pas de caractère personnel doit être établie, à défaut d'inventaire ou à l'encontre d'une possession, par des titres ayant date certaine, des documents émanant d'un service public ou des mentions figurant dans des registres, documents ou bordereaux imposés par la loi ou consacrés par l'usage et régulièrement tenus ou établis. 29
4. Les propres par rattachement
Les biens par rattachement demeurent propres en raison du lien juridique ou économique qu'ils ont avec le patrimoine propre. 30 Il s'agit des propres par incorporation, des propres par subrogation 31, des accessoires immobiliers et des accessoires de valeurs mobilières, ainsi que des biens acquis par emploi ou remploi. 32
_______________
5. Voyez l'article 1405 du Code civil qui présume la communauté des biens acquis pendant le mariage.
6. Article 1401 du Code civil.
7. Par exemple les bijoux de famille : Cass. Franc., 23 mars 1983, Rev. not., 1985 , p. 161.
8. Ph. Malaurie, L. Aynes, Droit civil - les régimes matrimoniaux, éd. Cujas, 1994, n° 371.
9. Cass., 14 novembre 2000, Pas., 2000, p. 1475.
10. H. Casman, M. Van Look, Régimes matrimoniaux, Kluwer, III, 2, p. 96.
11. Articles 1401.1-1401.5 du Code civil.
12. Ph. De Page, « Le régime légal », in Le régime matrimonial, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 72.
13. L. Raucent, Droit patrimonial de la famille : Les régimes matrimoniaux, 1986, 3e éd., n° 70.
14. A contrario, l'œuvre inachevée reste propre. PH. Malaurie, L. Aynes, Droit civil - les régimes matrimoniaux, éd. Cujas, 1994, n° 371.
15. Article 1405.2 du Code civil.
16. Article 1405.2 du Code civil et PH. De Page, « Le régime légal » in Le régime matrimonial, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 72.
17. Voyez toutefois l'article 217 du Code civil.
18. Si les biens ont été acquis avec des fonds communs, une récompense sera due au moment de la liquidation-partage.
19. Article 1400.7 du Code civil.
20. Article 1400.6 du Code civil. Pour les outils professionnels, voyez. Mons, 17 avril 1990, Rev. not., 1990, p. 616.
21. Tel que le bail ou un logiciel.
22. Pour un aperçu de tous les outils professionnels exclus de l'article 1400.6 du Code civil, voyez PH. De Page, « Le régime légal » in Le régime matrimonial, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 86.
23. Article 1400, alinéa 1er du Code civil.
24. Civ. Bruxelles, 23 janvier 1985, J.T., 1985, p. 306.
25. Article 1399 du Code civil.
26. Article 1400.3 du Code civil.
27. Article 1400.4 du Code civil.
28. Article 1399 alinéa 3 du Code civil.
29. Article 1399 alinéa 2 du Code civil.
30. Ph. De Page, « Le régime légal », in Le régime matrimonial, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 94.
31. Bruxelles, 6 septembre 1995, R.T.D.F., 1996, p. 243.
32. Articles 1400.1, 1400.2, 1400.5 et 1402-1404 du Code civil.