La dissolution des contrats
La rescision pour lésion (6/6)
La lésion se définit comme un déséquilibre économique entre les prestations des parties existant au moment de la formation du contrat 36. Normalement une telle différence n'est pas interdite. En principe, un tel déséquilibre n'implique pas la remise en cause du contrat. En effet, le principe de liberté contractuelle permet aux parties de conclure les conventions qu'elles souhaitent pour autant qu'elles ne soient pas contraires à l'ordre public, aux bonnes mœurs ou aux règles impératives. C'est pourquoi la théorie de la lésion n'intervient que dans certains cas déterminés par la loi. Dans ces cas, la lésion peut entraîner la rescision du contrat qui correspond à son annulation.
Parmi les cas de lésion prévus par la loi, la lésion énorme est sans doute la plus connue. Il s'agit d'un type de lésion propre à la vente immobilière. La rescision pour lésion énorme ne peut être invoquée que lorsque le vendeur perçoit moins de cinq douzième de la valeur de l'immeuble au moment de la vente 37. En cas d'option consentie par une des parties, c'est au jour de la levée d'option que le contrat se forme et que la disproportion doit être appréciée 38.
L'action du vendeur doit être introduite dans les deux ans de la vente 39. Ce délai est un délai préfix qui n'est pas soumis aux différentes causes de suspension 40. Si la lésion est reconnue, la loi laisse le choix à l'acquéreur 41. Il peut soit restituer l'immeuble et récupérer le prix d'achat, soit il conserve le bien à charge de payer le supplément du juste prix. Le législateur désirant privilégier cette seconde possibilité admet que l'acquéreur puisse garder un dixième du prix total 42.
À côté des cas de lésion spécifiquement prévus par la loi existe la théorie de la lésion qualifiée. Bien que non consacrée par le Code civil, ce concept est généralement reçu par les cours et tribunaux. Aujourd'hui, la Cour de cassation considère qu'un contrat peut être annulé si la disproportion qui y est consacrée trouve sa source dans le comportement d'une des parties qui a abusé des besoins, des faiblesses, des passions ou de l'ignorance de son cocontractant 43. Tel peut être le cas lorsqu'une partie profite abusivement des problèmes financiers de son cocontractant pour lui imposer des obligations contractuelles exagérément lourdes compte tenu de sa situation. Quelle que soit la cause de la lésion, il est nécessaire que la personne qui en a profitée ait eu connaissance de cette cause au moment de la conclusion du contrat. Ce n'est qu'à cette condition que l'annulation du contrat peut valablement être prononcée 44.
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36. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations : Tome I, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 266.
37. Article 1674 du Code civil.
38. Appel Bruxelles, 30 juin 2003, J.T., 2004, p. 745.
39. Article 1676 du Code civil.
40. Cass., 7 juin 1951, Pas., 1951, I, p. 683.
41. Article 1681 du Code civil.
42. B. Kohl, La vente immobilière : Chronique de jurisprudence 1990-2010, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 130.
43. Cass., 29 avril 1993, J.T., 1994, p. 294.
44. Appel Liège, 12 septembre 2001, R.R.D., 2002, p. 195.