L’enrichissement sans cause
Cas d'application de la théorie de l'enrichissement sans cause (7/7)
L'enrichissement sans cause fait l'objet d'applications diverses en jurisprudence.
La théorie de l'enrichissement a notamment été appliquée dans des litiges opposant un héritier et un généalogiste qui, en dehors de tout contrat, révèle une succession dont l'héritier n'avait pas connaissance et réclame ensuite une rémunération58.
En matière familiale, l'enrichissement sans cause en cas de services rendus est plus difficilement admis. Les cours et tribunaux estiment en effet généralement que la personne qui s'est appauvrie a été animée d'une intention libérale59. Certaines décisions ont toutefois accueillis l'action de in rem verso60.
La Cour d'appel de Liège a notamment considéré que lorsque des époux, mariés sous le régime de la séparation de biens, n'organisent pas leurs rapports patrimoniaux, la théorie de l'enrichissement trouve à s'appliquer à la part que l'épouse a prise par son travail personnel dans l'augmentation de la valeur du fonds de commerce propre à son mari. En effet, la plus-value acquise par le fonds de commerce du mari découle des investissements de travail effectuées par l'épouse et constitue dès lors un appauvrissement injuste de cette dernière puisque celle-ci ne devient pas copropriétaire du fonds de commerce, et un enrichissement sans de cause dans le chef de l'époux61.
La Cour d'appel, de Bruxelles, a quant à elle estime qu'une fille qui a longuement hébergé sa mère malade et lui a prodigué des soins peut invoquer l'enrichissement sans cause contre la succession pour autant que ses prestations dépassent l'exécution d'une simple obligation naturelle62.
De même, une grand-tante qui a éduqué son arrière-neveu s'est vu reconnaître, à condition qu'elle démontre que son intervention n'était pas motivée par une intention libérale, le droit d'agir contre les parents de ce dernier sur le fondement de l'enrichissement sans cause car ils étaient tenus, en vertu de l'article 203 du Code civil, d'assurer l'éducation de leur enfant63.
L'occupation d'immeubles, donne également lieu à l'application de la théorie de l'enrichissement sans cause. Ainsi, l'occupation d'un bien par le locataire, après l'expiration du bail qui le lie au bailleur et alors qu'il s'est désisté de sa demande de nouvellement du bail, peut donner lieu à une indemnité d'occupation fixée sur base de la théorie de l'enrichissement sans cause64.
De même, le propriétaire d'un bien loué dans lequel le preneur a effectué des améliorations est tenu à une indemnité envers le preneur sur base de la théorie de l'enrichissement sans cause, à condition que bailleur ne se soit pas trouvé dans l'impossibilité d'en demander l'enlèvement et pour autant qu'aucune clause du bail ne règle cette situation65.
Par ailleurs, la Cour de cassation a considéré qu'un employeur qui a été contraint de verser à un travailleur une indemnité brute comprenant les cotisations sociales peut exercer l'action de in de rem verso contre son travailleur, lorsqu'il se trouve contraint de verser une seconde fois ces cotisations à l'ONSS car le travailleur n'a pas restitué les cotisations comprises dans l'indemnité brute qu'il a reçu66.
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58. Civ. Bruxelles, 29 mai 1969, Pas., 1971, III, p. 48 ; Civ. Bruxelles, 23 mars, 1965, Pas., 1965, III, p. 28.
59. Bruxelles, 4 juin 2003, J.T., 2004, p. 661 ; Bruxelles, 27 février 2001, R.W., 2001-2002, p. 844.
60. Voy. De Coninck, « A titre subsidiaire… l'enrichissement sans cause », in La théorie générale des obligations (suite), C.U.P., vol. 57, Liège, 2002, pp. 76-79.
61. Liège, 2 mars 2005, J.T., 2005, p. 557.
62. Bruxelles, 3 juin 1996, A.J.T., 1996-97, p. 328
63. Civ. Anvers, 24 juin 1966, R.W., 1966-1967, p. 604
64. Cass., 7 septembre 2001, Pas., I, p. 1344.
65. Cass., 18 avril 1991, Pas., I, p. 740.
66. Cass., 17 mai 2004, Pas., I, p. 84.