L’enrichissement sans cause
Les conditions de l'enrichissement sans cause : l'absence de cause (1) (3/7)
Pour que l'enrichissement sans cause soit admis, il faut que ni l'enrichissement, ni l'appauvrissement ne trouve leur justification dans une cause. Il suffit donc que l'un ou l'autre ait une cause pour qu'il n'y ait pas lieu à restitution.
La notion de cause est ici bien plus large qu'en droit civil et donne lieu à de nombreuses controverses. En pratique, la doctrine et la jurisprudence majoritaire considère que la notion de cause couvre toute raison justificative de l'enrichissement ou de l'appauvrissement, quellequ'elle soit et de quelque ordre qu'elle soit22.
La Cour de cassation s'est exprimée, quant à elle, en ces termes : « Attendu que l'enrichissement sans cause n'est pas sans cause lorsque celui qui en profite peut se prévaloir d'un fait juridique légitimant l'accroissement de son patrimoine »23.
Les causes les plus couramment retenues pour exclure l'enrichissement sans cause sont l'existence d'un contrat, l'intention libérale ou la volonté de l'appauvri, l'effet de la loi, une obligation naturelle, l'effet d'une décision judicaire et enfin la faute de l'appauvri ou d'un tiers.
a) L'existence d'un contrat
L'enrichissement peut trouver sa cause dans l'existence d'un contrat entre l'enrichi et l'appauvri24, voire entre un tiers et l'appauvri ou l'enrichi25. Dans ce cas, il ne peut y avoir enrichissement sans cause de l'un au détriment de l'autre puisque la relation entre les parties est régie par la loi du contrat26.
Par conséquent, un vendeur qui vend à un prix élevé ou un débiteur qui profite de la dépréciation monétaire ne s'enrichit pas sans cause puisque le profit réalisé, fût-il anormalement élevé, trouve sa cause dans le contrat qui lie les parties27. Ce contrat pourra toutefois, dans certaines circonstances, être critiqué par le biais d'autre théorie que celle de l'enrichissement sans cause. En effet, si l'appauvri a consenti au contrat par erreur ou à la suite d'un dol ou d'une violence, une action en annulation est possible28.
b) L'intention libérale ou la volonté de l'appauvri
Lorsque l'enrichissement procède de la volonté même de l'appauvri, celle-ci lui sert de cause29. L'appauvrissement peut résider soit dans une intention libérale qui anime l'appauvri30, soit dans sa volonté de satisfaire son intérêt propre et exclusif ou encore dans le fait d'avoir spéculé « à ses risques et périls » sur un avantage attendu31.
C'est à l'appauvri, demandeur dans le cadre de l'action de in rem verso qu'il appartient de démontrer qu'il n'a pas agi dans une intention libérale.
En pratique, il est fréquent, qu'après la rupture de la vie commune, l'un des ex-concubins tente de récupérer, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, les frais exposés pour l'achat, la construction ou les travaux de rénovation de l'immeuble appartenant à son partenaire. Les cours et tribunaux ont néanmoins tendance à écarter cette action en considérant que les paiements ont été réalisés avec une intention libérale ou dans l'intérêt propre du demandeur dès lors qu'il trouvait une justification suffisante dans les agréments qu'allait lui procurer la cohabitation32.
De manière générale, l'action fondée sur l'enrichissement sans cause doit être rejetée chaque fois que l'appauvri a effectué une dépense dans le but d'obtenir un avantage aléatoire qu'il n'est finalement pas parvenu à obtenir33.
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22. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations , Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 1117.
23. Cass, 9 mars 1950, Arr. Cass., 1950, p.461; R.W., 1949-50, p.1499; T. Not., 1950, p.141 ; J.T., 1950, p.256; Pas., 1950, I, p.491 et R.C.J.B., 1952, p.5, note J. Dabin.
24. Cass, 25 juillet 1925, Pas., 1925, I, p.364.
25. Cass, 20 septembre 1984, Pas., 1985, I, p.97 ; Arr.Cass., 1984-1985, p.117 ; Bull., 1985, p.97 ; J.T., 1985, p.128.
26. A. Deleur, E. Montero et A. Putz, « Les quasi-contrats », Obligations - Traité théorique et pratique, Suppl. 15, Bruxelles, Kluwer, 2009, p.II.4.3-6.
27. Cass., 9 mars 1950, R.C.J.B., 1952, p. 5,
28. Liège, 19 avril 2005, Rev. trim. dr. fam.., 2007, p.266.
29. Civ. Dinant, 12 octobre 1988, Revue. not.b., 1989, p.201.
30. M. Planiol et G. Ribert, Traité pratique de droit civil français, t.VII, 2e éd., Paris, Esmein, 1954, n°760.
31. A. Rouast, « L'enrichissement sans cause et la jurisprudence civile », Rev. trim. dr. civ., 1992, pp.35 et s., n°18.
32. Mons, 24 mai 2005, J.T., 2005, p. 521 ; Liège, 29 septembre 2004, J.T., 2005, p. 522.
33. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 1115.