AGENT IMMO - La clause d'exonération des vices cachés
Présentation des faits 1
Une vente est conclue entre une vendeuse et un couple d'acquéreurs. Un peu plus de deux mois après la passation de l'acte authentique, les acquéreurs se plaignent d'importantes infiltrations d'humidité et estiment qu'il s'agit là d'un vice caché. L'agent immobilier, intervenu lors de la vente, conteste que sa cliente ait caché quoi que ce soit aux acquéreurs.
Un rapport d'expertise unilatéral est établi, lequel conclut à l'existence de vices cachés. Les acheteurs adressent par conséquent au vendeur un courrier l'avisant de leur intention d'introduire une action estimatoire, sauf solution amiable.
Aucune solution amiable ne pouvant être trouvée, les acquéreurs citent la vendeuse et son conjoint en vue d'obtenir leur condamnation solidaire à leur payer la somme de 9.000 euros au titre de moins-value. Par jugement, le tribunal déclare la demande non fondée à l'égard du conjoint de la vendeuse et désigne un expert judiciaire.
Après remise des conclusions de l'expert judiciaire, le tribunal décide que la mauvaise foi de la vendeuse n'est pas prouvée et qu'elle peut donc se prévaloir de la clause d'exonération de la garantie des vices cachés. Par conséquent, le tribunal déclare la demande des acquéreurs non fondée. Ces derniers font appel.
Décision de la Cour d'appel de Mons
En ce qui concerne la clause d'exonération de la garantie des vices cachés, l'article 1643 du Code civil autorise le vendeur à s'exonérer de la garantie pour autant qu'il ne connaisse pas l'existence des vices cachés.
La preuve de la connaissance par le vendeur de l'existence des vices appartient aux acquéreurs. A cet égard, il leur suffit d'établir que le vendeur avait connaissance de vices cachés, mais qu'il ne les en a pas informés.
En l'espèce, il ressort d'anciens travaux réalisés dans les années 1960 que le vendeur savait que l'immeuble était humide. La maison est d'ailleurs construite en zone humide. La Cour estime cependant que ces éléments ne suffisent pas à prouver que le vendeur avait conscience que l'immeuble présentait un degré d'humidité tel qu'il constituait un vice caché affectant la salubrité de l'immeuble, et ce d'autant plus qu'il a pu habiter normalement dans cet immeuble avec son époux et sa famille durant de nombreuses années.
Par ailleurs, l'immeuble vendu est une ancienne fermette, plus que centenaire, remontant à la fin du 19e siècle, ce qui n'a jamais été caché aux acquéreurs. Il ne peut par conséquent être reproché au vendeur d'avoir affirmé que le bien ne présentait à sa connaissance aucun vice caché.
En outre, en présence d'une clause exonératoire de responsabilité, la Cour estime qu'il appartient aux acquéreurs d'investiguer avant leur achat et d'éventuellement recourir à un expert immobilier afin de vérifier de manière approfondie le degré d'humidité et la salubrité de l'immeuble, ce qu'ils se sont malheureusement abstenus de faire, à leurs risques et périls.
Il en résulte qu'il y a lieu de considérer que les acquéreurs ont accepté la clause d'exonération de garantie des vices cachés. Ils ne peuvent dès lors prétendre ni à une réduction du prix d'achat, ni à des dommages et intérêts.
Bon à savoir
Conformément à l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus 2.
Les parties sont toutefois libres de modaliser la garantie des vices cachés en prévoyant des clauses extensives ou restrictives de la garantie 3. En effet, il découle de l'article 1643 du Code civil, que s'il ne connaît pas l'existence de vices cachés, le vendeur peut, en toute légalité, s'exonérer de la garantie 4.
Puisqu'elles dérogent au droit commun de la vente, les clauses limitatives ou exonératoires de la garantie des vices cachés sont d'interprétation stricte 5.
Seul le vendeur de bonne foi, c'est-à-dire celui qui ignorait l'existence du vice, peut se prévaloir d'une telle exonération 6. La bonne foi étant présumée, il appartient à l'acquéreur, qui veut faire échec à l'application de la clause d'exonération de garantie, de prouver la mauvaise foi du vendeur 7. Cette preuve peut être faite par toutes voies de droit.
Toutefois, le vendeur professionnel, tel qu'un agent immobilier, est présumé être de mauvaise foi. En effet, on considère qu'il connait en principe les vices dont la chose est affectée 8. Cette assimilation du vendeur professionnel au vendeur de mauvaise foi est cependant réfragable 9. Il peut donc s'exonérer en prouvant son ignorance invincible, à savoir le fait que tout vendeur du même degré de spécialisation, normalement prudent et diligent, n'aurait pas pu déceler le vice malgré un examen attentif de la chose 10.
Il découle de cette présomption de mauvaise foi, que le vendeur professionnel ne peut invoquer une quelconque disposition contractuelle limitant ou l'exonérant de son obligation de garantie des vices cachés à moins de prouver le caractère invincible de son ignorance 11.
Par ailleurs, l'article VI.83, 14° du Code de droit économique interdit, dans les contrats entre un vendeur professionnel et un consommateur, toute clause supprimant ou diminuant la garantie légale en matière de vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, 9 septembre 2013, 2015/7, p. 317.
2. Article 1641 du Code civil.
3. Voy. P.-A. Foriers , « Conformité et garantie dans la vente », in La Vente, Bruges, La Charte, 2002, p. 19.
4. Article 1643 du Code civil.
5. B. Dubuisson, « Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité ou de garantie en droit belge », in Les clauses applicables en cas d'inexécution des obligations contractuelle, Bruges, La Charte, 2001, p. 46.
6. Gand, 17 février 2004, NjW, 2004, p. 985
7. B. Kohl, La vente immobilière, Larcier, Bruxelles, 2012, p. 305.
8. J. Dewez, « Le régime des vices cachés dans les contrats de vente, de bail et d'entreprise », R.G.D.C., 2008/1, p. 52.
9. Cass., 18 octobre 2001, Arr. Cass., 2001-02, p. 1721.
10. Liège, 7 novembre 2005, R.G.D.C. 2006, p. 620.
11. Mons, 12 mars 2001, R.G.D.C. 2002, p. 245.