La compatibilité de l'activité de courtage immobilier avec le notariat
Présentation des faits 1
L'Institut professionnel des agents immobiliers a saisi le président du tribunal de commerce de Charleroi d'une action en cessation, se plaignant du fait que plusieurs notaires exercent une activité de courtage immobilier, alors que cette activité commerciale leur est en principe interdite.
Ces notaires interviennent dans la recherche d'acquéreurs en vue d'une vente immobilière de gré à gré, au moyen de publicités et d'annonces dans la presse ou sur support informatique, en contrepartie d'une rémunération proportionnelle au prix de vente annoncé et en vertu de conventions garantissant au notaire l'exclusivité de l'activité de courtage et imposant au vendeur le ministère du même notaire pour la passation de l'acte authentique de vente.
En première instance, le tribunal n'a pas fait droit à la demande de l'IPI. Ce dernier a interjeté appel.
La Cour d'appel a réformé ce jugement en considérant que l'activité de courtage immobilier était en contrariété avec les règles relatives à la pratique notariale. En outre, le notaire qui se livre à une activité de courtage immobilier porte atteinte aux intérêts professionnels des agents immobiliers. Cette décision a fait l'objet d'un pourvoi en cassation.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation rappelle qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, le notaire ne peut exercer, par lui-même ou par personne interposée, un commerce. Cette loi étant d'ordre public, les usages professionnels constants contraires à cette loi ne peuvent dispenser le notaire de la respecter. Ensuite, la Cour poursuit en rappelant que la réglementation qui encadre la profession d'agent immobilier prévoit que nul ne peut exercer cette profession s'il n'est inscrit au tableau requis, les activités pour lesquelles cette inscription est exigée étant notamment celles d'intermédiaire en vue de la vente, l'achat, l'échange, la location ou la cession de biens immobiliers.
Cependant, l'article 4 de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier exonère de cette inscription toute personne qui exerce ces activités en vertu de dispositions légales ou réglementaires ou d'usages professionnels constants, pour autant qu'elle soit soumise à la discipline d'une instance professionnelle légalement reconnue, ce qui est assurément le cas des notaires.
En ce sens, l'activité de courtage poursuivie par les notaires dans le respect des règles et usages de la profession ne leur est pas interdite pour autant que cette activité constitue un accessoire de la mission notariale principale, à savoir la passation des actes authentiques.
En outre, la prospection d'acquéreurs est la conséquence des prestations de service auxquelles le vendeur peut s'attendre de la part du notaire qui lui est indispensable, ce dernier étant tenu de passer l'acte authentique de vente, cette prospection constitue dès lors un accessoire de l'acte.
En conséquence, la Cour casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Mons.
Bon à savoir
Le courtage immobilier est l'activité par laquelle un intermédiaire indépendant se charge, à titre professionnel, de mettre en rapport deux ou plusieurs personnes en vue de leur permettre de conclure entre elles une opération juridique à laquelle il n'est pas lui-même partie. L'activité de courtage est un acte de commerce au sens de la loi 2. Or, l'article 6, alinéa 1er, 6° de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat interdit au notaire d'exercer, par lui-même ou par personne interposée, un commerce 3.
Toutefois, le courtage est autorisé au notaire lorsque cet acte est l'accessoire de la mission principale qui est de revoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique et d'en assurer la date, en conserver le dépôt et en délivrer des grosses 4.
Par conséquent, malgré le caractère commercial du courtage, cette activité 5 visant à prospecter des acquéreurs n'est pas interdite au notaire qui est appelé à passer l'acte authentique de vente 6.
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1. Cass., 11 juin 2010, J.L.M.B.,2010/29, p. 1352.
2. C. Jassogne (dir.), Traité pratique de droit commercial, t. 2, Malines, Kluwer, 1990, p. 625, n° 742.
3. P. Namur, Le Code de commerce belge, t. I, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1884, p. 120.
4. B. Khol, « Notariat et courtage immobilier : soleil à l'horizon », J.T., n° 6407, 31/2010, p. 529.
5. J. Borgers et S. Winnykamien, « L'agent immobilier », in Guide de droit immobilier, Waterloo, Kluwer, 1996, p. IV.7.4
6. Voyez également : Conseil d'Etat, arrêt n° 193.065 du 6 mai 2009, J.T., 2009, p. 575