L'agent immobilier et la vente sous condition d'octroi d'un crédit hypothécaire
Présentation des faits 1
Le propriétaire d’un immeuble décide, par l’intermédiaire de sa sœur, de le mettre en vente et de confier à une agence immobilière la mission de rechercher un acheteur potentiel.
Quelque temps plus tard, un acquéreur formule une offre d’achat ferme et définitive. Cette offre est communiquée par l’agence à son client qui la contresigne. Les parties se présentent à l’étude d’un notaire pour y signer un compromis de vente contenant une condition suspensive d’octroi d’un crédit hypothécaire dans les quinze jours.
Suite à cela, l’agence immobilière invite le vendeur de l’immeuble à lui payer la commission qu’elle estime due. Le vendeur refuse au motif que, la condition ne s’étant pas réalisée, la vente est devenue caduque et que la commission n’est pas due. L’agence immobilière décide donc d’introduire une action judiciaire afin de percevoir cette commission.
Décision du Tribunal civil de Bruxelles
Devant le Tribunal, plusieurs questions sont examinées dont celles relatives à la clause du compromis insérant la condition suspensive d’octroi d’un crédit hypothécaire et à l’exécution de sa mission par l’agent immobilier.
Le Tribunal constate que les conditions prévues à la débition de la commission ne sont pas remplies. Par ailleurs, le Tribunal évoque dans sa décision l’arrêté royal du 12 janvier 2007 relatif aux clauses du contrat d’agent immobilier et particulièrement la disposition qui prévoit que dans le cas où la vente ou la location n’a pas lieu suite à la réalisation d’une condition, aucun honoraire, ni commission n’est dû par le consommateur 2.
Le Tribunal considère que l’agence immobilière a commis une faute en soumettant à son client une offre d’acquisition sans lui conseiller de soumettre l’offre à une condition suspensive de l’obtention d’un crédit. L’agence s’en est abstenue afin de pouvoir considérer la vente comme parfaite et percevoir ainsi sa commission. De la sorte, l’agence a plus agi dans son intérêt que dans celui du client. En conséquence, la demande de l’agence immobilière de percevoir cette commission est déclarée non fondée.
Bon à savoir
La vente d’un bien, sous réserve de l’obtention d’un prêt, est considérée comme une convention dont les obligations sont soumises à une condition suspensive 3. Il est de l’intérêt du vendeur d’un bien immobilier de conclure un contrat de vente sous condition suspensive de l’octroi d’un prêt hypothécaire à l’acquéreur. Cette pratique permet de protéger le vendeur contre l’insolvabilité de l’acquéreur et lui évite les coûts liés à une procédure judiciaire en exécution forcée ou en résolution.
En tant que professionnel de l’immobilier, l’agent immobilier a un devoir de conseil envers ses clients. Il doit tenir compte du fait que ses clients n’ont pas toujours les connaissances et la compréhension des situations juridiques relatives à la propriété immobilière 4. Le conseil doit notamment porter sur l’intérêt d’une telle condition suspensive pour le vendeur de l’immeuble. L’agent qui ne renseigne pas son client sur les bénéfices d’une telle clause commet une faute en privilégiant son intérêt économique à celui de ses clients.
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1. Tribunal civil de Bruxelles, 2 mai 2010, J.L.M.B., 2012/30, p. 1440.
2. Article 2, 8° de l’arrêté royal du 12 janvier 2007 relatif à l'usage de certaines clauses dans les contrats d'intermédiaire d'agents immobiliers.
3. S. Stijns, D. Van Gerven et P. Wéry, « Les obligations : le régime général de l’obligation (1985-1995) », J.T., 1999, pp. 821 et s.
4. Appel Bruxelles, 28 janvier 1999, J.T., 1999, p. 624.