Convention permettant à l'agent immobilier soit de lever l'option, soit de la céder
Présentation des faits 1
Dans le cadre d’une promesse de vente, les propriétaires et l’agent immobilier ont signé une convention contenant d’une part, une promesse unilatérale de vente et, d’autre part, une option d’achat cessible.
Ce contrat permet donc à l’agent immobilier, soit de lever l’option et de devenir acquéreur du bien, soit de céder sa créance à d’autres acquéreurs. Si l’agent immobilier cède l’option, sa commission sera constituée du supplément du prix fixé au départ par les vendeurs, c’est-à-dire 3.000.000 francs.
L'agent immobilier a choisi cette deuxième possibilité et a signé avec les époux S, un compromis de vente, pour le prix de 3.300.000 francs. Dans ce compromis, il est stipulé que l’agent se porte fort (s’engage) à l’égard des vendeurs.
Les vendeurs ont ratifié l’acte de vente et l’agent immobilier a reçu la commission.
Par après, les vendeurs ont contesté le montant de la commission et ont décidé de saisir le Tribunal de première instance. Ils ont invoqué le dol de l’agent immobilier, qui ne les a pas informés sur la valeur réelle de l’immeuble.
Le premier juge a estimé que l’agent immobilier qui n’a pas exercé l’option mais qui s’est porté fort à l’égard des vendeurs lors de la convention de vente, a décliné l’offre d’achat cessible.
Dès lors, le juge a décidé de résoudre le contrat de vente.
L'agent immobilier a interjeté appel du jugement rendu en première instance.
Décision de la Cour d’appel
La Cour constate que le document signé est une convention sui generis qui contient une promesse unilatérale de vente par laquelle les vendeurs s’engagent à vendre le bien mais également, un contrat de louage d’industrie, laissant à l'agent immobilier la possibilité de céder la créance à un autre acquéreur.
La Cour rappelle l’article 1690 alinéa 2 du Code civil selon lequel « La cession n'est opposable au débiteur cédé qu'à partir du moment où elle a été notifiée au débiteur cédé ou reconnue par celui-ci » 2.
Lorsqu’ils ont signé l’acte de vente sans évoquer la moindre critique à l’égard du cabinet immobilier, la Cour estime que les vendeurs ont reconnu, par ce fait, la cession de créance.
La Cour estime donc que la commission est due au cabinet immobilier.
Concernant le dol dans le chef du cabinet immobilier, la Cour déclare qu’il n’est pas fondé. En effet, la convention faisant état d’une commission, les vendeurs devaient savoir que le prix de vente serait plus élevé.
La Cour d’appel réforme le jugement de première instance déclarant que l’agent immobilier qui n’a pas exercé l’option, n’a pas renoncé au droit de céder sa créance.
Bon à savoir
Dans le cadre d’une promesse de vente, il arrive que les vendeurs concluent avec une agence immobilière un contrat qui confère deux possibilités à cette dernière : soit exercer elle-même l’option et devenir acquéreur du bien, soit céder son option à un tiers.
Il s’agit d’une convention sui generis qui contient une promesse unilatérale de vente par laquelle les vendeurs s’engagent à vendre le bien au bénéficiaire pendant un certain délai mais également, une offre d’achat cessible, laissant à l’agent immobilier, la possibilité de céder son option à un autre acquéreur.
Ce mécanisme permet à l’agent immobilier d’empêcher au propriétaire de vendre l’immeuble, pendant la durée du contrat de courtage. L’agent immobilier a donc le temps de chercher un acquéreur auprès duquel il cèdera son droit d’option contre un prix supérieur à celui de départ, s’assurant une rémunération 3.
En effet, il est généralement prévu que l’agent immobilier reçoive, sous forme de commission, le supplément du prix d’achat payé par le tiers acquéreur par rapport au prix fixé préalablement par le vendeur.
Selon l’article 1690 alinéa 2 du Code civil, la cession n'est opposable au débiteur cédé qu'à partir du moment où elle a été reconnue par celui-ci.
Par conséquent, la convention de cession ne produit pas ses effets externes de plein droit à l’égard du débiteur cédé. La notification ou la reconnaissance de la cession constituent des conditions d’opposabilité de la cession de créance au débiteur cédé et n’ont pas uniquement pour but d’avertir ce dernier. Une fois que la cession lui a été rendue opposable, le débiteur doit en supporter les conséquences 4.
Lorsqu’un agent immobilier qui a cédé sa créance conclut avec les acquéreurs une convention de vente et que les vendeurs ratifient celle-ci, il reconnaissent, de facto, la cession de créance et ne peuvent contester la vente ultérieurement.
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1. Liège, 28 février 2005, J.L.M.B., 2005/28, p. 1229.
2. Article 1690 alinéa 2 du Code civil.
3. B. KOHL, La vente immobilière, Chronique de jurisprudence 1990-2010, Bruxelles, Larcier, p. 36.
4. P. VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, t. III, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 1831.