L'obligation de recontacter le candidat acquéreur après réception de nouvelles offres
Présentation des faits 1
Un homme confie à une agence immobilière, la mission de rechercher un acquéreur pour un immeuble dont il est propriétaire. Le prix de vente annoncé est de 370.000 euros.
Un acquéreur se manifeste auprès de l'agence et transmet une offre de 350.000 euros. Cette offre est limitée à deux jours et n'est pas acceptée par le vendeur.
Un mois plus tard, un compromis de vente est signé entre le vendeur et un couple d'acquéreurs pour une somme de 360.000 euros.
Le même jour, le premier acquéreur fait une nouvelle offre par mail à hauteur de 365.000 euros, qu'il augmente de 5.000 euros le lendemain. L'agence lui répond que l'offre est tardive, le bien ayant été vendu.
Le premier acquéreur décide alors d'assigner l'agence immobilière et le vendeur en justice sur la base de l'article 1382 du Code civil car il estime qu'il y a eu rupture fautive de négociations et qu'en ne devenant pas propriétaire du bien qu'il convoitait, il a subi un préjudice moral et matériel. Partant, il demande la condamnation solidaire du vendeur et de l'agence immobilière à lui payer la somme de 18.500 euros à titre de dommages et intérêts.
Décision de la Cour d'appel de Liège
La Cour constate qu'en espèce la période des pourparlers a été très brève puisque le premier candidat acquéreur a formulé une offre le 27 juin 2011, laquelle était valide jusqu'au 29 juin. Au-delà de ce délai et avant cette période, on ne peut parler de pourparlers.
L'agence immobilière est, par ailleurs, tenue à un devoir de discrétion, lequel lui impose d'agir dans les limites du mandat qui lui a été confié par le propriétaire en ne divulguant pas à un tiers les documents intervenus entre les acquéreurs et l'agence et/ou le propriétaire.
Il en découle que lorsqu'un candidat acquéreur d'un immeuble remet une offre à une agence immobilière pour une durée de validité limitée et que le propriétaire n'accepte pas celle-ci, l'agence immobilière n'a pas l'obligation de reprendre contact avec lui, lorsqu'il reçoit ultérieurement l'offre d'autres candidats acquéreurs.
La Cour estime dès lors que la demande du premier acquéreur n'est pas fondée, à défaut du moindre comportement fautif dans le chef de l'agence immobilière et du vendeur.
Bon à savoir
En principe, tant que le contrat n'est pas conclu, aucune des parties n'a un droit quelconque au succès des négociations 2. Il ne suffit donc pas d'entamer la période des pourparlers préliminaires pour être tenu par la suite de prendre toutes mesures utiles ou d'adopter tout comportement requis pour que la négociation aboutisse à la conclusion du contrat 3. Le négociateur qui décide de mettre un terme aux pourparlers ne commet donc aucune faute acquilienne.
Toutefois, le principe de l'exécution de bonne foi des conventions contenu à l'article 1134, alinéa 3 du Code civil impose non seulement que le contrat soit exécuté de bonne foi mais également qu'il soit négocié et conclu de bonne foi 4.
Il découle de ce principe que la rupture intempestive des pourparlers peut être sanctionnée si elle est irrégulière.
La rupture des pourparlers est fautive si elle viole la confiance légitime de l'autre partie. Tel est le cas de la personne qui est entrée en négociations sans intention sérieuse de conclure. Tel est aussi le cas de la personne qui négocie afin de distraire l'autre partie d'autres opportunités de contrats sur le marché 5.
La rupture ne peut pas davantage se réaliser de manière injurieuse ou brutale. Tel est le cas lorsqu'une partie laisse croire à l'autre, pendant une période plus ou moins longue, que le contrat sera conclu et lui laisse consacrer du temps et des moyens pour ce faire 6 ou lorsque le contrat est prêt à être conclu et qu'au dernier moment, l'une des parties rompt la négociation sans motif raisonnable 7.
Si la bonne foi n'est pas respectée au stade précontractuel, il s'agit d'une faute précontractuelle (culpa in contrahendo) au sens de l'article 1382 du Code civil. L'auteur du comportement fautif devra donc réparer le dommage causé par sa faute.
Si les négociations ont été rompues de manière régulière, les parties ne sont en principe plus tenues l'une envers l'autre sous réserve de l'interdiction d'utiliser de manière abusive les informations recueillies pendant la phase précontractuelle 8.
Il en découle que lorsqu'un candidat acquéreur remet une offre pour une durée de validité limitée, la période des pourparlers prend fin avec le refus de l'offre ou avec l'expiration du délai de validité de celle-ci. Par conséquent, puisque les négociations sont terminées, le propriétaire ou son mandataire n'ont pas l'obligation de reprendre contact avec le candidat lorsqu'ils reçoivent ultérieurement des offres de la part d'autres potentiels acquéreurs 9.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Liège, 24 avril 2014, J.L.M.B., 2015/1, p. 40.
2. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 521.
3. Liège, 20 octobre 1989, R.D.C., 1990, p. 521 ; Bruxelles, 6 février 2007, Dr. Banc. fin.2008, p. 176.
4. P. Wéry, La théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 278.
5. P. Wéry, La théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 286.
6. Bruxelles, 28 septembre 1979, Entr. et D., 1980, p. 220.
7. Bruxelles, 5 février 1992, J.T., 1993, p. 130.
8. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 528.
9. Liège, 24 avril 2014, J.L.M.B., 2015/1, p. 40.