La légalité des ventes d'immeubles à taux réduit en cas de dépassement du délai pour passer l'acte authentique
Présentation des faits 1
La société anonyme « Sotrinvest », qui exerce des activités d'agent immobilier, a acheté un terrain le 28 février 2000, via une convention sous seing privé. Dans cette dernière, une clause prévoyait que l'acte authentique de vente serait passé devant notaire pour le 22 décembre 2000 au plus tard.
Le 22 juin 2000, soit un peu moins de 4 mois après la signature du contrat, la convention a été enregistrée en profitant du taux réduit à 5 % prévu par l'article 62 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, pour les ventes « de gré à gré et par acte authentique à des personnes qui exercent la profession d'acheter des immeubles en vue de la revente » 2. Suite à cet enregistrement de l'acte sous seing privé, le receveur du droit d'enregistrement a cependant demandé le paiement d'une somme complémentaire correspondant au taux habituel de 12,5 % diminué de la partie déjà payée. Cette demande a été maintenue, même après l'enregistrement de l'acte authentique de vente le 22 décembre 2000.
La SA « Sotrinvest » fit opposition à la contrainte de payer devant le premier juge, qui déclara cette opposition fondée. La Cour d'appel de Bruxelles dira l'inverse. « Sotrinvest » se pourvut alors en cassation, qui posa une question à la Cour constitutionnelle.
La Cour de cassation demande à la Cour constitutionnelle si la différence de traitement entre deux professionnels de l'achat et la revente de biens immobiliers, fonction qu'ils présentent d'abord ou non à l'enregistrement l'acte sous seing privé ou l'acte authentique, contrevenait au principe d'égalité ou aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Arrêt de la Cour constitutionnelle
La Cour répond que la différence de traitement qui existe — un professionnel faisant d'abord enregistrer l'acte sous seing privé sans faire enregistrer l'acte authentique dans les 4 mois étant redevable du taux normal de 12,5 % — est non manifestement disproportionnée par rapport au but poursuivi par le législateur.
Elle se base, pour le déterminer, sur la ratio legis de la disposition, introduite par l'arrêté royal du 30 novembre 1939 « contenant le code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe », qui est exposée dans le rapport au Roi préalable.
Ainsi, l'exigence d'un acte authentique est nécessaire, non seulement pour faciliter la vente des immeubles et pour garantir les droits du trésor, mais aussi pour assurer la transparence du commerce des immeubles en protégeant les acheteurs. Ainsi, une personne qui achètera un bien immobilier à un professionnel disposera de toutes les garanties quant au titre de propriété de celui-ci, ce que peut seul garantir l'acte authentique.
Bon à savoir
Pour pouvoir bénéficier du taux préférentiel dérogatoire de 5 % au lieu de 12,5 % 3, prévu par l'article 62 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, il faut respecter plusieurs conditions 4, notamment :
- La vente effectuée doit être faite de gré à gré, ce qui signifie simplement qu'un accord doit intervenir entre le vendeur et l'acheteur, selon des conditions définies et éventuellement via un intermédiaire 5. L'achat ne peut donc pas se faire en vente publique ;
- La vente doit être effectuée au profit d'une personne qui exerce la profession d'acheter des immeubles en vue de les revendre, ce qui couvre les agents immobiliers mais qui peut être plus vaste ;
- La vente doit être enregistrée par acte authentique, au plus tard dans les 4 mois 6 de la passation de l'acte translatif de propriété. À défaut de cela, lors d'une convention qui définirait un délai plus long pour la passation de l'acte authentique, la cotisation de 12,5 % sera due par le professionnel.
L'explication de cette dernière condition est que « le taux réduit instauré au bénéfice des professionnels de l'immobilier vise, à la fois, à protéger les droits du Trésor, à faciliter le commerce des immeubles concernés et à assurer la transparence de ce commerce - et ce tant au bénéfice de ces professionnels qu'au bénéfice des acheteurs ultérieurs desdits immeubles. » 7 Car les acheteurs ultérieurs ne peuvent se voir opposer la vente s'il n'y a pas transcription par acte authentique 8.
Si le délai de 4 mois risquait d'être dépassé, un agent immobilier pourrait cependant bénéficier du taux réduit en déposant dans ce délai l'acte au rang des minutes auprès du notaire, par toutes les parties à la convention, constituant ainsi un acte authentique qui remplirait la condition. 9
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Arrêt de la Cour constitutionnelle, 4 novembre 2010, arrêt n° 127/2010.
2. Article 62, premier alinéa du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe.
3. Article 44 Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe.
4. Voyez, pour le surplus : N. Watillon, « Acheter et vendre avec droits d'enregistrement », Courrier d'information des acteurs de l'immobilier, n° 1, 2014.
5. Article 62, idem.
6. Délai défini par l'article 32, 4° du même Code.
7. Arrêt de la Cour constitutionnelle, 4 novembre 2010, arrêt n° 127/2010, point B.3.3.
8. Article 1er de la loi Hypothécaire du 16 décembre 1831.
9. Arrêt de la Cour constitutionnelle, op. cit., pt. B.5.2.