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Bon a savoir

18 Janvier 2016

Le cas de l'époux négociant seul la vente avec un candidat-acquéreur

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Présentation des faits 1

Monsieur X. et Madame Z. étaient mariés et en instance de divorce au moment où ils ont décidé de mettre en vente leur immeuble.

L'appel est dirigé contre le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Mons du 17 novembre 2008.

Monsieur A. et B. estiment que Monsieur X. a été mandaté par son épouse afin de vendre l'immeuble lui appartenant. Ils considèrent en tout cas qu'ils peuvent se prévaloir d'un mandat apparent. Selon eux, la vente des immeubles a bien eu lieu dès lors que les parties se sont accordées sur la chose et sur le prix. Ils estiment en outre que la vente doit être résolue aux torts de Monsieur X. et Madame Z. dès lors que ceux-ci, malgré que la vente soit intervenue, ont accepté l'offre d'achat de tiers.

Quant à Monsieur X. et Madame Z., ils contestent l'existence d'un mandat ou d'un mandat apparent. Ils considèrent en effet qu'une vente n'a pas pu intervenir puisque Madame Z. n'a pas donné son accord, et que la vente de la chose d'autrui est nulle. De plus, aucun accord n'est intervenu sur la chose puisque des incertitudes subsistaient quant à l'inclusion d'un garage. Ils invoquent également l'adage « Nemo auditur... », puisque Monsieur A. et B. tentent de se prévaloir d'une vente dont une partie du prix avait été fixée « en noir ».

 

Décision de la Cour d'appel de Mons

Sur l'existence d'un mandat, la Cour commence par constater qu'en l'espèce, Monsieur X. et Madame Z. s'étaient effectivement accordés pour mettre leurs immeubles en vente conjointement.

Il ressort des circonstances de l'espèce que Madame Z. avait accepté que son époux soit responsable de prendre contact avec des amateurs et entame ensuite des négotiations avec ceux-ci. Toutefois, la Cour estime qu'il ne ressort pas du dossier que Madame Z. aurait permis à Monsieur X. de conclure la vente en son nom ou de fixer de manière unilatérale le prix de vente des immeubles.

La Cour considère dès lors que les appelants, Monsieur A. et B., n'ont pas pu apporter la preuve de l'existence du mandat, alors que cette preuve repose sur eux.

Concernant l'existence d'un mandat apparent, la Cour rappelle la définition de celui-ci, à savoir « qu'une personne peut être liée envers les tiers par des actes accomplis par celui-ci, quant à ses actes, présente l'apparence d'être le mandataire de cette personne autant que l'apparence puisse être imputée à celle-ci ». C'est pourquoi il est nécessaire qu'un pouvoir de représentation apparent du mandataire soit présent.

Ce pouvoir de représentation du mandataire doit en outre être imputable au mandant. Il est à cet égard nécessaire que le pseudo-mandant ait librement, par son fait, contribué à créer une apparence trompeuse de mandat ou ait librement laissé se développer celle-ci alors qu'il aurait pu la faire cesser. Il faut également que les tiers aient été induits en erreur par l'apparence et que cette erreur soit légitime.

La Cour apprécie le critère légitime de l'erreur par rapport au critère du bon père de famille. A cet égard, la Cour estime que cette croyance est légitime « lorsque les circonstances l'autorisent à ne pas vérifier les pouvoirs de son interlocuteur ». En l'espèce, la Cour constate que les deux conditions du mandat apparent sont remplies, à savoir l'existence d'une situation apparente ne correspondant pas à la réalité et son imputabilité au pseudo-mandant. En effet, Madame Z. a laissé son époux prendre seul contact avec les appelants.

Pour appuyer le caractère légitime de leur croyance, les appelants font en outre valoir que Monsieur X., qui était encore marié avec Madame Z., leur a affirmé pouvoir négocier seul la vente. Les appelants se basent également sur la profession des deux vendeurs, à savoir avocat, pour prouver qu'ils n'avaient aucune méfiance quant aux dires de Monsieur X.

Toutefois, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, et notamment du fait que Monsieur X. et Madame Z., ainsi que le fait qu'ils étaient en instance de divorce et en conflit, était connu à Mons, la Cour considère qu'il n'est pas vraisemblable que les appelants aient pu ignorer que la vente des immeubles avait lieu dans le cadre d'une séparation, voire d'un divorce des vendeurs. Enfin, la Cour se base sur le caractère important d'un achat immobiler pour considèrer que les appelants auraient dû vérifier les pouvoirs de leur interlocuteur, même s'ils étaient encore mariés et s'ils étaient tous les deux avocats.

En conséquence, la Cour rejette la théorie du mandat apparent invoquée par les appelants.

A propos de l'argument concernant l'absence de vente, la Cour estime qu'à défaut de mandat, et de mandat apparent, la vente de l'immeuble de Madame Z. n'a pas pu intervenir en faveur des appelants.

Ensuite, la Cour a analysé l'existence d'une faute constitituve de culpa in contrahendo dans le chef de Monsieur X. et de Madame Z.

Tout d'abord, la Cour considère qu'aucune faute constitutive de culpa in contrahendo n'est établie dans le chef de Madame Z. dès lors qu'elle n'a pas pris part aux négociations avec les appelants et que le fait d'avoir laissé Monsieur X. gérer seul les contacts avec les appelants ne constitue pas une faute.

Toutefois, concernant Monsieur X., la Cour estime qu'il a commis une faute engageant sa responsabilité. Dans son raisonnement, la Cour invoque la notion de bonne foi, celle-ci étant centrale dans tout rapport précontractuel. Monsieur X. a en effet manqué de bonne foi et de loyauté élémentaire avec les appelants puisqu'il les a laissé croire que les négociations avaient abouti. Il ressort notamment d'une lettre du 10 avril 2006 que le compromis ainsi que l'acte authentique de vente allaient bientôt être signés. Monsieur X. a cependant accepté une autre offre, et a seulement averti les appelants après que la signature, mettant ceux-ci devant le fait accompli. Pour cette raison, la Cour d'appel considère son comportement comme manifestement fautif.

 

Bon à savoir

La théorie du mandat apparent résulte de la doctrine et de la jurisprudence 2. Elle constitue un « correctif à l'inefficacité de l'acte posé par le mandataire au-delà de ses pouvoirs » 3. La théorie du mandat apparent résulte de la nécessité de protéger les tiers de bonne foi ainsi que la nécessité de déroger à l'article 1998, alinéa 2, du Code civil 4. En effet, conformément à cet article, « le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement ».

Pour que la théorie du mandat apparent trouve à s'appliquer, il est nécessaire que la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du pseudo-mandataire soit légitime. Cette croyance est considérée comme légitime lorsqu'il résulte des circonstances que le tiers ne devait pas vérifier les pouvoirs de l'interlocuteur.

Il a toutefois été jugé lorsque le candidat-acquéreur, ayant des contacts avec seulement un des copropriétaires, pouvait légitimement avoir eu connaissance du fait que la vente avait lie dans le cadre du séparation, voire d'un divorce entre les vendeurs, la théorie du mandat apparent ne s'applique pas 5.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque. 

___________________

1. Mons, 25 juin 2010 (21e ch.), J.L.M.B., 2012, liv. 1, p. 507.

2. F. George, « La condition d'imputabilité dans la théorie du mandat apparent », R.G.D.C., 2011, liv. 6, p. 304.

3. P. Wéry, Droit des contrats. Le mandat, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 243.

4. R. Kruithof, “La théorie de l’apparence dans une nouvelle phase”, R.C.J.B., 1991, p. 55 ; P. Wéry, Droit des contrats. Le mandat, Bruxelles, Larcier, 2000, pp. 246-247; D. Renders, “La théorie du mandat apparent à l’épreuve de la Constitution” in X, En hommage à Francis Delpérée. Itinéraire d’un constitutionnaliste, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 1324.

5. Mons, 25 juin 2010 (21e ch.), J.L.M.B.., 2012, liv. 1, p. 507.