Toggle Menu
1 Avocat(s) expérimenté(s)
Près de chez vous
  • R Rédacteur
  • F Formation
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Tous nos articles scientifiques ont été lus
78 067 fois le mois dernier
7 750 articles lus en droit immobilier
15 294 articles lus en droit des affaires
9 828 articles lus en droit de la famille
17 037 articles lus en droit pénal
2 659 articles lus en droit du travail
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici

AGENT IMMOBILIER

Bon a savoir

11 Juillet 2016

Les clauses abusives dans le contrat de bail conclu par un agent immobilier

Cette page a été vue
3456
fois
dont
37
le mois dernier.

Présentation des faits 1

Un couple a pris en location un appartement par un bail de résidence principale conclu le 13 juin 2011. Le bail a été souscrit auprès d'une agence immobilière pour un terme de trois ans à partir du 1er juillet 2011.

Selon l'article 4 du contrat de bail, le loyer est fixé à 972,22 euros payable pour le 2 de chaque mois au compte de l'agence immobilière. L'article 6 prévoit, quant à lui, trois modes de constitution de la garantie locative. Le premier, adopté par les locataires, consiste dans le paiement en espèces à l'agence immobilière de deux mois de loyer plus les charges.

En décembre 2011, le couple de locataire se sépare et l'homme prévient l'agence immobilière par un courriel du 27 décembre qu'il quitte le logement où reste Madame et leur enfant commun.

En janvier 2012, Madame demande à l'agence immobilière une réduction du loyer à 775 euros à partir de mai 2012 avec limitation à un mois de l'indemnité de départ ou une novation vers un appartement du rez-de-chaussée au loyer de 780 euros. L'agence immobilière refuse.

Par une lettre du 28 février 2012, elle annonce alors son départ pour le 31 mars au plus tard, compte tenu du montant élevé du loyer et de l'impossibilité de le payer seule.

En conséquence, l'agence immobilière décide d'introduire une procédure en justice afin de réclamer aux locataires les loyers de février et mars 2012, les charges communes correspondantes, une insuffisance de préavis, une indemnité de rupture ainsi qu'une provision sur des frais de remise en état.

Les locataires contestent la réalité du prix du logement, soutenant qu'un loyer de 915 euros aurait été convenu, lequel fut effectivement payé jusqu'en janvier 2012.

 

Décision du juge de paix de Grâce-Hollogne

En ce qui concerne la demande de résolution du bail aux torts des locataires, le juge estime, dans un premier temps, que l'avertissement donné par courriel par Monsieur qu'il quittait le logement en y laissant à leur sort sa compagne et leur fille, ne constitue pas un congé au sens de l'article 3§ 6, alinéa 4, des règles relatives au bail de résidence principale 2.

Il en est de même de l'annonce du départ de Madame pour le 31 mars 2012, envoyé par lettre le 28 février, puisque l'article 3§6 alinéa 4 de la loi du 20 février 1991 prévoit que pour les baux de résidence principal de courte durée, le congé doit être notifié au moins trois mois avant l'expiration de la durée convenue.

Il en résulte, que les locataires étaient tenus de respecter la durée du bail ou, à tout le moins, de notifier valablement leur congé, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce. Le juge prononce donc la résiliation du bail aux torts des locataires.

En ce qui concerne les sommes réclamées par l'agence immobilière, les locataires estiment que la plupart des dispositions du bail sont abusives.

A cet égard, le juge rappelle qu'en tant qu'entreprise fournissant des services immobiliers aux consommateurs, la liberté contractuelle de l'agence immobilière est soumise aux règles contenues dans la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (désormais remplacée par le livre VI du Code de droit économique). Le bail doit, en outre, respecter les principes généraux du droit des obligations, dont celui de la bonne foi énoncé dans les articles 1134, alinéa 3, et 1135 du Code civil, ainsi que les règles impératives de protection du preneur fournies par le droit commun du louage d'immeuble et par les dispositions particulières aux baux de la résidence principale.

L'article 40 de la loi du 6 avril 2010 prévoit que les clauses du contrat de bail conclu par un professionnel de l'immobilier doivent être rédigées de manière claire et compréhensible.

En l'espèce, il s'avère qu'une des clauses du contrat de bail promet « la possibilité de prétendre à une remise spéciale exceptionnelle de dix pourcent à la condition sine qua non que le montant du loyer soit comptabilisé sur le compte bancaire du bailleur au plus tard pour le 4 de chaque mois », la réduction exceptionnelle pouvant cependant être maintenue dans le cas où le locataire, payant moins de vingt jours après l'échéance, solliciterait dans le mois une dérogation que le bailleur pourrait accorder ou refuser de manière discrétionnaire ». Selon le juge, une telle clause constitue une clause obscure au sens de l'article 40, paragraphe 2, de la loi du 6 avril 2010, avec pour conséquence que c'est l'interprétation la plus favorable au locataire qui doit prévaloir. Le juge décide donc que le prix de la location doit être considéré comme étant fixé effectivement à 910 euros par mois, tel qu'indiqué sur le site internet de l'agence immobilière.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'indexation du loyer, le juge estime que les clauses relatives au montant forfaitaire (notamment en matière de nettoyage en fin de bail), constituent des clauses d'augmentation de prix que prohibe l'article 64, 3°, de la loi du 6 avril 2010.

En outre, le juge constate que l'agence immobilière réclame une indemnité de dédit pour résiliation anticipée du contrat de bail ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour résolution du contrat aux torts du locataire. Or, le comportement des preneurs sanctionné par la résolution judiciaire est radicalement différent de celui du preneur exerçant une faculté de dédit et payant une contrepartie financière pour l'exercice de ce droit. Par conséquent, puisque ces indemnités visent des hypothèses distinctes, elles ne sont pas susceptibles de cumul. En l'espèce, le juge estime qu'une indemnité égale à un mois de loyer hors charges réparera adéquatement le préjudice subi par l'agence immobilière.

 

Bon à savoir

C'est le livre VI du Code de droit économique qui réglemente le régime des clauses abusives en matière de bail d'immeuble. Le Code s'applique aux contrats conclus entre un consommateur et une entreprise qui portent sur la vente de produits ou la prestation de services. Par conséquent, il s'applique uniquement aux contrats conclus entre un locataire et une agence immobilière, à l'exclusion des contrats de bail conclus entre deux particuliers ou entre deux professionnels de l'immobilier 3.

L'article VI. 37 du Code prévoit que pour tout contrat écrit entre une entreprise et un consommateur, les clauses doivent être rédigées de manière claire et compréhensible 4. En cas de doute sur le sens d'une clause, par exemple, une clause de dédit ou une clause pénale, c'est l'interprétation la plus favorable au consommateur qui doit prévaloir 5.

Outre cette obligation, le Code interdit l'usage de clause abusive dans le contrat de bail conclu entre un consommateur et une entreprise. Une clause doit être considérée comme abusive lorsque, à elle seule ou combinée avec une ou plusieurs autres clauses ou conditions, elle crée un déséquilibre manifeste 6 entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur 7.

Selon l'article VI. 82, le caractère abusif d'une clause contractuelle doit s'apprécier en tenant compte de la nature des produits qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend 8. Il sera également tenu compte de l'exigence de clarté et de compréhension dans la rédaction des clauses 9.

La sanction qui frappe les clauses abusives est la nullité de celles-ci. Le bailleur ne pourra donc en exiger l'application et c'est le droit commun qui se suppléera à la clause ainsi annulée 10.

L'interdiction de recourir à des clauses abusives ne peut toutefois pas être un moyen pour le locataire de remettre en cause un contrat peu avantageux ou l'adéquation entre le loyer et le bien donné en location. Par contre, le rapport entre la qualité du bien et le prix pourra être pris en considération pour apprécier le caractère abusif de certaines clauses, tel que par exemple une clause limitative de responsabilité 11.

Outre la définition générale de la clause abusive, le Code contient à l'article VI. 83, une liste de clauses qui doivent être considérées comme abusives en toutes circonstances. Est notamment considérée comme abusive, la clause qui détermine le montant de l'indemnité due par le locataire qui n'exécute pas ses obligations, sans prévoir une indemnité du même ordre à charge de l'entreprise qui n'exécute pas les siennes 12. L'indemnité fixée pour chacune des parties ne doit pas nécessairement être d'un montant identique mais prévoir une indemnité du même ordre pour une sanction du même type 13. Par conséquent, si un intérêt est prévu en cas de retard de paiement dans le chef du locataire, un intérêt de retard doit également être dû par le bailleur en cas de retard dans la délivrance du bien.

Le Code prévoit qu'est également abusif, la clause qui permet au bailleur de retenir des sommes versées par le locataire lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le locataire, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du bailleur lorsque c'est ce dernier qui renonce 14. Tel est le cas également des clauses qui fixent des montants de dommages et intérêts réclamés en cas d'inexécution ou de retard dans l'exécution des obligations du locataire qui dépassent manifestement l'étendue du préjudice susceptible d'être subi par le bailleur 15.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_________________

1. J.P. Grâce-Hollogne, 25 mai 2011, J.L.M.B., 2012/40, p. 1917.

2. Article 3 §6 al. 4 de la loi du 20 février 1991 sur le bail de résidence principal.

3. Voy. D. Lagasse, « Promotions immobilières et protection du consommateur - Pratique contractuelle des ventes d'immeubles et loi sur les pratiques du commerce », Jurim Pratique, 2008/1, p. 7.

4. Article VI. 37 du Code de droit économique.

5. P. Wéry, « L'interprétation contra proferentem » J.L.M.B., 2005, p. 1050.

6. Cass., 21 décembre 2009, R.G. n° C.08.0499.F.

7. Article I.8, 22° du Code de droit économique.

8. Mons 26 juin 1997, R.R.D., 1997, p. 433.

9. Article VI. 82 du Code de droit économique.

10. S. Lebeau, « L'application de la LPMPC à la location immobilière » Jurim Pratique, 2012/3, 3, p. 215.

11. A. Cruquenaire, « Les clauses abusives en pratique » in Actualités du droit commercial, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2010, p. 139.

12. Civ. Anvers, 2 décembre 2013, TBO, 2014/ 1, p.33 ; Article VI.83, 17° du Code de droit économique.

13. Liège, 16 mars 2010, R.R.D.,2009/132, p. 198.

14. Article VI.83, 27° du Code de droit économique.

15. Article VI.83, 24° du Code de droit économique.