Le mandat de l'agent immobilier pour agir en justice au nom et pour le compte du propriétaire du bien dont il assure la promotion
Présentation des faits 1
Madame G., désirant mettre en vente son immeuble, a conclu le 7 août 2008 une convention, au terme de laquelle elle donnait à Monsieur I., agent immobilier, « mission de rechercher un acquéreur pour le bien désigné ci-après dont le prix de base à annoncer est de 170.000 euros ».
Le 19 septembre 2008, Monsieur D. a fait une offre d’achat. Il s’engageait à acquérir l’immeuble pour le prix de 160.000 euros hors frais, et précisait que son offre était valable jusqu’au 24 septembre 2008.
L’offre précise que celle-ci « est valable sous réserve de l’acceptation de celle-ci par le vendeur ».
L’offre a été acceptée par Madame G. le 19 septembre 2008. L’offrant, Monsieur G., n’était toutefois pas présent à ce moment-là.
Entre temps, Monsieur D. avait fait part de son intention de ne plus acquérir le bien, notamment par téléphone le 20 septembre 2008 ainsi que par mail le 21 septembre 2008.
Monsieur D. a reçu notification de l’acception de l’offre le 25 septembre 2008, et s’estime dès lors délié de son offre.
Madame G. demande la condamnation de Monsieur I. puisqu’il n’a pas porté à la connaissance de Monsieur D. l’acceptation de l’offre dans le délai.
Décision de la Cour
La Cour considère que le document remis par Monsieur D. à Monsieur I. le 19 septembre 2008 constitue bien une offre d’achat. Ce document contient tous les éléments essentiels de la vente, à savoir la volonté d’acquérir, la description du bien et le prix.
La Cour constate également que Madame G. a accepté l’offre de Monsieur D. le 19 septembre 2008. La Cour estime toutefois que, l’acheteur n’étant pas présent à ce moment-là, le contrat n’a pu être formé que lorsque Monsieur D. a eu connaissance de l’acceptation par Madame G. Il s’agit de la règle de droit supplétif, règle à laquelle l’offre ne dérogeait pas.
La Cour considère que Monsieur D. a reçu la notification de l’acceptation hors délai, puisqu'après l’expiration de l’offre.
Quant à la demande en paiement de dommages et intérêts, la Cour estime la demande de Madame G. contre Monsieur D. non fondée.
La Cour examine ensuite la responsabilité de Monsieur I. pour n’avoir pas informé Monsieur D. à temps de l’acceptation de l’offre dans le délai.
La Cour rappelle, à cet égard, que selon la convention conclue entre Madame G. et Monsieur I., ce dernier s’engageait à prendre en charge « la constitution de dossier, la correspondance, les appels téléphoniques, l’évaluation du bien, les visites, les publicités dans les médias, la préparation de la vente, les négociations et la rédaction du compromis de vente ».
C’est pourquoi la Cour considère que Monsieur I. était dans l’obligation, dès le 19 septembre 2008, d’avertir Monsieur D. de l’acceptation de l’offre par le vendeur, Madame G. Cette obligation était d’autant plus présente que le délai de validité de l’offre était court et que Monsieur D. avait, à plusieurs reprises, fait savoir son intention de ne plus acquérir le bien.
Or, la Cour constate que Monsieur I. a seulement averti Monsieur D. de l’acceptation de l’offre par Madame G. par courrier recommandé envoyé le 25 septembre 2008, soit un jour après l’expiration de l’offre.
Il était de la responsabilité de Monsieur I., agissant en tant que professionnel de la vente, de s’assurer que l’acceptation de l’offre était bien transmise à l’acquéreur dans les délais.
La Cour conclut à l’existence d’une faute dans le chef de Monsieur I. Ce dernier ne s’est, en effet, pas comporté comme tout agent immobilier normalement compétent et efficace se serait comporté dans les mêmes circonstances.
Quant à l’existence du lien causal entre la faute et le dommage, la Cour estime que, sans la faute, le contrat de vente aurait nécessairement était conclu puisque la rétraction effectuée par Monsieur D. n’était pas valable. Cette dernière a, en effet, eu lieu dans le délai de validité de l’offre et postérieurement à la réception de l’offre par Madame G., le 19 septembre 2008.
Bon à savoir
Lorsque la vente d’un immeuble est confiée par le propriétaire à un agent immobilier, ce dernier doit respecter plusieurs obligations.
Il doit, tout d’abord, conseiller préalablement son client et lui donner toutes les informations nécessaires 2. Si le prix de vente proposé par le vendeur n’est, par exemple, pas réaliste, l’agent immobilier doit l’en informer 3.
Il doit également vérifier la faisabilité de l’offre, et par exemple s’assurer que le vendeur possède bien la qualité de propriétaire 4. Il doit, en outre, fournir aux acquéreurs potentiels toutes les informations concernant le bien 5. L’agent immobilier est également tenu de faire une publicité adéquate au bien et de rechercher des candidats acquéreurs.
Lorsque l’agent immobilier commet un manquement à ses obligations contractuelles, sa responsabilité peut être engagée 6.
L’agent immobilier qui ne transmet pas l’acceptation de l’offre par le vendeur à l’acquéreur potentiel dans le délai de validité de l’offre commet une faute. Il doit, en effet, se comporter comme tout agent immobilier normalement compétent et efficace se serait comporté dans les mêmes circonstances. Lorsque, sans cette faute, le contrat de vente aurait nécessairement été conclu, il engage sa responsabilité 7.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
___________________________
1. Cour d’appel de Liège (3e chambre), 14 février 2012, J.LM.B., 2014, p. 158.
2. B. Vincotte, « L’agent immobilier », dans X., Guide de droit immobilier, 2011, IV.7.6, p. 6.
3. Civ. Gand, 6 févr. 2001, REDRIM, 2001, p. 167.
4. Civ. Bruxelles, 30 septembre 1994, J.L.M.B., 1997, p. 803.
5. B. Vincotte, op. cit., p. 6.
6. Voy. M. Wahl, « La responsabilité professionnelle de l’agent immobilier », dans X., Responsabilités. Traité théorique et pratique, livre 27.1, pp. 30 et s.
7. Cour d’appel de Liège (3e chambre), 14 février 2012, J.LM.B., 2014, p. 158.