La non réciprocité d'une clause pénale dans un contrat de courtage immobilier
Présentation des faits 1
Les propriétaires d'un immeuble ont conclu un contrat avec un agent immobilier pour que celui-ci recherche un acquéreur au prix déterminé. La convention est conclue pour une durée de douze mois et stipule que les propriétaires s'interdisent de résilier anticipativement le contrat. Néanmoins, les vendeurs adressent un courrier à l'agent durant le délai de validité du contrat par lequel ils indiquent vouloir mettre un terme à leur collaboration. L'agent immobilier réclame en justice le paiement de ses honoraires.
Décision de la Cour d'appel de Liège
La Cour procède à une analyse du contrat en vertu duquel, l'agent immobilier a droit à la totalité de ses honoraires s'il est mis fin anticipativement à sa mission. Selon la Cour, cette clause ne constitue pas une clause de dédit mais une clause pénale destinée à indemniser une partie de l'inexécution du contrat par son cocontractant.
La Cour justifie son analyse en précisant que la clause qui lui est soumise doit être considérée non pas comme une faculté de résiliation laissée aux vendeurs, mais au contraire comme une sanction de la faute des propriétaires.
Or, le contrat conclu entre les parties est soumis aux dispositions en matière de protection du consommateur. Parmi ces dispositions, l'une d'elles prévoit la nullité d'une clause qui détermine le montant de l'indemnité due par le consommateur qui n'exécute pas ses obligations, sans prévoir une indemnité du même ordre à charge de l'entreprise qui n'exécute pas les siennes 2. En conséquence, l'agent immobilier ne peut faire valoir cette clause pour obtenir une indemnisation de la rupture du contrat.
Bon à savoir
La qualification juridique de la clause d'un contrat entraîne l'application de règles différentes selon le nom qui lui est donné. La distinction entre clause de dédit et clause pénale en est un bon exemple.
La clause de dédit est celle qui donne à un cocontractant le droit de mettre fin au contrat de manière unilatérale, moyennant le paiement d'une somme qui est la contrepartie expresse du droit de résiliation qu'il exerce 3. Elle n'est pas soumise au régime applicable aux clauses pénales, c'est-à-dire aux clauses qui indemnisent de manière forfaitaire le dommage résultant de l'inexécution de la convention 4.
L'incidence de la qualification de clause pénale se retrouve ici dans l'application des normes de protection du consommateur à la convention. Ainsi, dans les contrats conclus entre une entreprise et un consommateur, sont en tout cas abusives, les clauses pénales qui ne sont pas réciproques. C'est-à-dire celles qui ont pour objet de déterminer le montant de l'indemnité due par le consommateur qui n'exécute pas ses obligations, sans prévoir une indemnité du même ordre à charge de l'entreprise qui n'exécute pas les siennes. Il faut donc que pour chaque faute contractuelle du consommateur sanctionnée par une clause pénale, soit prévue une autre clause pénale pour le cas où le vendeur se verrait imputer un manquement de même type 5. Ces clauses abusives sont interdites et nulles sans cependant que le contrat soit nul s'il peut subsister sans les clauses abusives 6.
Bien que cette clause soit nulle, cela n'empêche pas l'agent de demander la réparation du préjudice subi par la rupture du contrat sur base du droit commun. Il lui appartient de démontrer que la faute des vendeurs est en lien causal avec le dommage qu'il a subi. Généralement ce dommage correspond à la perte subie et le gain dont il a été privé.
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1. Appel Liège, 21 février 2005, J.L.M.B., 2006/12, p. 526.
2. Article VI. 83, 17° du Code de droit économique.
3. Cass., 22 octobre 1999, J.L.M.B.i., 2000/11, p. 476.
4. Appel Bruxelles, 1er juin 2004, J.L.M.B., 2005/34, p. 1491.
5. P. Wéry, L'article 32, 15°, de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur la protection et l'information du consommateur : l'exigence de réciprocité des clauses pénales, J.L.M.B.i., 2001/29, p. 1246.
6. Article VI. 84 du Code de droit économique.