Interprétation de l'article 219 du CIR 1992
Présentation des faits 1
L'administration fiscale à envoyé un avis de rectification à la SPRL DVB Racing le 16 juin 2010 au sujet de sa déclaration sur l'impôt des sociétés de 2009. Cet avis informait DVB Racing que 33.718,56 euros seraient ajoutés aux réserves taxables de 1.325,14 euros aux dépenses non admises. En outre, dans le même temps, une cotisation distincte de 5.338,40 euros serait établie pour des frais non justifiés en plus d'une augmentation d'impôt de 20 % pour « déclaration incomplète ou inexacte sans intention d'éluder l'impôt, deuxième infraction. »
DVB Racing n'a pas entièrement marqué son accord avec la rectification et l'administration fiscale lui a fait parvenir, le 19 juillet 2010, une notification de décision de taxation. Une cotisation est déclarée exécutoire le 17 août, en conséquence de quoi DVB Racing devait encore payer 36.604 euros. Une réclamation a été introduite devant le directeur régional mais elle n'a été déclarée fondée que très limitativement.
DVB Racing introduit alors une demande d'annulation de la cotisation de l'exercice d'impôt 2009 devant le tribunal de première instance de Louvain, et demande en outre le remboursement de toutes les sommes indument payées, majorées des intérêts.
Lors de l'examen de l'affaire par le juge, DVB Racing a objecté que la taxation à 309 % était disproportionnée, qu'elle revêtait un caractère pénal et que, du coup, elle devait être modérée par le juge.
Le juge constate que les conditions pour établir la cotisation distincte en vertu de l'article 219 CIR sont remplies, mais qu'il n'est pas en son pouvoir de modérer la cotisation, vu qu'elle n'est pas prévue par la loi et que, en vertu de l'article 172 de la Constitution, nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une loi.
Arrêt de la Cour constitutionnelle
Le Tribunal de première instance de Louvain a alors posé la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle :
« L'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 viole-t-il les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, combinés avec l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que, lorsqu'il est satisfait aux conditions légales de l'article 219, alinéa 1er, du CIR 1992 et que le contribuable ne démontre pas que le montant des dépenses visées à l'article 57 du CIR 1992 ou des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, du CIR 1992 est compris dans une déclaration introduite par le bénéficiaire conformément à l'article 305 du CIR 1992, le juge ne peut pas modérer la cotisation alors que celle-ci revêt un caractère pénal et que le droit pénal commun prévoit la possibilité pour le juge d'adapter la peine à la situation individuelle du prévenu et alors qu'en vertu du principe de proportionnalité, la gravité de la peine ne peut pas être disproportionnée à l'infraction ? »
La Cour expose, sur le caractère pénal de la sanction, que la cotisation distincte a pour but de contraindre les contribuables à respecter leurs obligations fiscales et à lutter contre la fraude, puis à sanctionner les infractions éventuelles pour éviter la récidive 2. Elle admet dès lors qu'on puisse considérer, à tout le moins en partie, que c'est une sanction pénale au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, vu son caractère dissuasif et répressif.
En conséquence, le juge doit pouvoir exercer un contrôle de pleine juridiction sur cette sanction, de manière impartiale et indépendante. Il n'y a pas de discrimination dans le choix du législateur entre une sanction pénale au sens stricte et une cotisation distincte s'il n'y a pas de limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.
Dès lors, l'article 219 CIR n'est pas illégal dans la mesure où il est interprété comme permettant au juge un contrôle de pleine juridiction sur un recours au sujet d'une cotisation distincte, notamment au vu du principe de proportionnalité.
Bon à savoir
Désormais, vu l'interprétation nouvelle de l'article 219 du CIR par la Cour, qui se bornait auparavant à reconnaitre un caractère partiellement pénal à cette sanction par cotisation distincte de 309 %, le juge devant lequel est porté une contestation sur cette base pourra y exercer un contrôle de pleine juridiction.
Cela signifie qu'en fonction de la situation individuelle d'un contribuable, il pourra éventuellement modérer le montant de la cotisation, voire réduire ou lui faire grâce de la cotisation de 309 %, s'il y a disproportion avec l'infraction commise 3. Le juge pourra donc se prononcer sur l'ensemble du litige impliquant cette cotisation particulière, tant lorsque l'on sera en présence de commissions secrètes que de bénéfices dissimulés 4.
L'arrêt ajoute également que seul le juge a ce pouvoir, et non l'administration fiscale qui ne correspond pas à la définition du juge impartial et indépendant. Il faudra donc s'adresser au tribunal chaque fois que l'on souhaite pareille réduction de cotisation. La menace de cette amende par l'administration sera, ceci dit, une pression moindre sur le contribuable, vu qu'une décision plus clémente du juge sera toujours une possibilité.
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1. Arrêt de la Cour constitutionnelle du 6 juin 2014, n° 88/2014.
2. Point B.3.4. de l'arrêt.
3. F. Vanden Heede, « Récente jurisprudence concernant la cotisation sur commission secrètes », PACIOLI n° 389, 8-21 septembre 2014, p. 7.
4. Ibidem.