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COMPTABLE

Bon a savoir

26 Février 2015

L'inscription comptable du compte de tiers d'un professionnel

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Présentation des faits 1

Une société de courtage immobilier et de gestion d'immeubles remplit sa déclaration à l'impôt des sociétés pour l'exercice d'imposition 2008. En 2009, l'administration fiscale procède à un contrôle et une demande de renseignements est adressée à la société lui demandant de faire parvenir à l'administration une série de documents et de renseignements.

Par avis de rectification, l'administration rectifie ensuite la déclaration de la société, notamment les postes suivants :

  • Sous-estimation d'actif. L'administration relève que la société est titulaire d'un compte bancaire qui présente un solde de 11.864,19 EUR. Or, lors de la vérification de la comptabilité, ce montant n'était pas repris au bilan de la société dans le compte d'actif "valeur disponible". L'administration décide dès lors de taxer une sous-estimation d'actif de 11.864,19 EUR en réserve occulte à condition que la société réincorpore cette somme dans son patrimoine par l'écriture comptable "compte banque à produit" dans un délai d'un mois et qu'elle apporte la preuve de la comptabilisation faute de quoi, elle sera soumise à la cotisation spéciale de 300 % prévue à l'article 219 du C.I.R. 1992 comme bénéfice dissimulé qui ne se retrouve pas dans le patrimoine de la société ;

  • Un accroissement d'impôt de 50 % est également annoncé, aux motifs suivants : « la société bénéficie de l'aide d'un expert comptable et fiscal, elle ne peut donc ignorer les règles comptables et fiscales. Un accroissement d'impôt de 50 % sera donc appliqué pour déclaration incomplète ou inexacte avec l'intention d'éluder l'impôt ».

Le gérant de la société conteste cette rectification. Il explique notamment que le compte présentant un solde de 11.864,19 EUR sert à encaisser les loyers et à payer les frais pour compte d'un tiers, M. Feret. Il reconnait donc que le montant de 11.864,19 EUR doit être comptabilisé à l'actif du bilan, mais en compensation d'un compte de dette tiers d'un montant identique au passif du bilan. Il estime dès lors qu'il n'y a pas de recette à déclarer. Il demande également l'annulation de l'accroissement d'impôt de 50 %

L'administration rejette ces explications et maintient l'avis de rectification. La société introduit une réclamation devant le directeur régional des contributions, lequel rejette celle-ci. La société introduit un recours en justice.

Décision du Tribunal de première instance de Namur

Le Tribunal rappelle que pour pouvoir taxer une éventuelle sous-estimation d'actif dans le chef de la société, l'administration fiscale doit démontrer que le contribuable a violé une disposition comptable ou fiscale en ce qui concerne le compte tiers litigieux. Ce n'est donc pas donc pas au contribuable lui-même de prouver qu'il n'a commis aucune infraction.

Par contre, si l'administration parvient à démontrer que ces revenus font partie des revenus imposables, c'est le contribuable qui devra prouver, le cas échéant, qu'ils ne doivent pourtant pas être imposés parce que, par exemple, les sommes versées sur ses comptes constituent une dette certaine et liquide envers ses clients.

En l'espèce le compte litigieux est un compte ouvert par la société de courtage auprès de la banque ING sous l'intitulé « Dumoulin et Associés s.p.r.l. Rub Feret » et il est destiné à payer les différents fournisseurs et services de l'immeuble dont est propriétaire M. Feret et dont il a confié la gestion à la société.

L'administration souligne toutefois que le compte litigieux n'apparaît à aucun endroit ni dans le bilan, ni dans l'annexe parmi les engagements hors bilan, ce qui démontre une violation des obligations comptables de la société.

A cet égard, le Tribunal relève que la société ne parvient pas à apporter la preuve que la somme de 11.864,19 EUR ne doit pas être imposée au motif que les sommes versées sur le compte litigieux constituent une dette certaine et liquide envers M. Feret. Elle ne démontre en effet pas que ce compte ne comprend que des fonds appartenant à ce tiers et non pas une partie de ses honoraires.

Par ailleurs, eu égard aux extraits de compte fournis par la société, le Tribunal constate l'absence de justification du solde final du compte tiers litigieux et la grande perméabilité entre ce compte et le compte propre de la société, ce qui fait obstacle à toute preuve que le solde litigieux constituerait une dette certaine et liquide envers M. Feret.

Le Tribunal estime dès lors que l'administration fiscale était en droit d'imposer ce montant en tant que sous-évaluation d'actif en vertu de l'article 24, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992.

En ce qui concerne les accroissements d'impôts, le Tribunal estime par contre que le fait de se faire conseiller par un expert comptable et/ou fiscal ne suffit pas à établir une intention frauduleuse dans le chef du contribuable. Par conséquent, il décide d'annuler les accroissements décidés par l'administration.

Bon à savoir

Les sommes perçues par une société pour le compte d'un tiers, peuvent, dans certaines conditions, être imposées, à titre de réserves occultes. Par réserves occultes, il y a lieu d'entendre les bénéfices non distribués, qui n'apparaissent pas dans les comptes annuels ou qui sont comptabilisés dans une rubrique autre que le poste « réserves » ou « bénéfices reportés ».

Lorsqu'elle découvre des réserves occultes, l'administration est en droit de rectifier la déclaration de la société et d'ajouter ces réserves occultes aux bénéfices déclarés. La sous-estimation de l'actif qui engendrerait la taxation de réserves occultes doit toutefois résulter d'une violation soit du droit comptable, soit du droit fiscal 2. C'est l'administration fiscale qui doit démontrer que le contribuable a violé une disposition comptable ou fiscale en ce qui concerne le compte tiers litigieux 3.

Le Tribunal de première instance de Liège a, à cet égard, considéré que le droit comptable impose de faire figurer dans les comptes annuels que ce soit au bilan lui-même ou dans la rubrique des droits et engagements hors bilan les comptes de tiers qui transitent par des comptes bancaires ouverts au nom du contribuable 4.

L'avis n° 16/2011 du 6 juillet 2011 de la Commission des normes comptables rendu consécutivement à un arrêt du 27 janvier 2011 de la Cour de cassation dispose par ailleurs que le professionnel (huissier de justice, avocat, agent immobilier, notaire ou société) qui dispose d'un compte de tiers individualisé ouvert en son nom propre mais pour le compte d'un client ou d'un tiers a le choix d'inscrire ce compte soit à l'actif de son bilan au titre de valeurs disponibles (classe IX), en compte 55 Établissement de crédit, et de traduire au passif du bilan (classe IX) sa dette envers le bénéficiaire des sommes inscrites sur ce compte, soit de le reprendre à tout le moins parmi les droits et engagements hors bilan 5.

En cas de contestation, c'est au contribuable qu'il appartient de démontrer que les sommes versées sur son compte constituent une dette certaine et liquide envers ses clients et dès lors non imposables dans son chef 6. Il doit donc prouver qu'il s'agit bien d'un compte de tiers, à savoir, des sommes encaissées par un contribuable, non pour son propre compte, mais avec l'obligation pour lui de les remettre à des tiers, à savoir ses clients ou les administrations fiscales 7.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

______________

1. Civ. Namur, 29 mars 2012, R.G.C.F., 2012/4, p. 272.

2. J. Kirkpatrick et D. Garabedian, Le régime fiscal des sociétés en Belgique, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 187.

3. M. Vander Linden, « Le traitement comptable des comptes de tiers » Pacioli (F), 2012/352, p. 5.

4. Civ. liège, 14 janvier 2008, F.J.F., 2009/1, p. 49.

5. Avis n° 16/2077 de la Commission des normes comptables.

6. Liège, 4 novembre 2009

7. Voy. S. Van Crombrugge, « Comment comptabiliser les comptes de tiers? », Bilan, 2011/638, p. 1.