Le droit au silence du contribuable suspecté de fraude fiscale
Présentation des faits 1
À la suite de plusieurs exercices d’imposition à l’impôt des personnes physiques, l’administration fiscale a demandé à un contribuable de lui fournir certains renseignements 2. Cette demande fut formulée car le fisc avait des soupçons de fraude fiscale à l’égard de ce contribuable. D’ailleurs, des indices de fraude ont été notifiés au contribuable.
Comme ce dernier n’a pas communiqué les renseignements demandés, l’administration a procédé à la taxation d’office qui lui permet, en cas de non collaboration du contribuable, de calculer l’impôt dû en fonction de revenus présumés 3.
Au premier degré, le Tribunal de première instance de Liège a annulé les cotisations d’impôt supplémentaire au motif que le droit au silence du contribuable lui permettait de ne pas fournir les renseignements demandés.
Décision de la Cour d’appel de Liège
La Cour d’appel relève que l’administration fiscale a communiqué au contribuable une notification d’indices de fraude le même jour que la demande de renseignements. Cette notification stipule qu’en cas de déclaration incomplète ou inexacte avec l’intention d’éluder l’impôt, des suppléments d’imposition seront enrôlés.
À cet égard, la Cour rappelle que la Convention européenne des droits de l’homme prévoit le droit au silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination 4. La Cour rajoute qu’une procédure fiscale qui peut aboutir à une sanction procédant d’une accusation en matière pénale entre dans le champ d’application de ce droit au silence 5.
Outre les sanctions pénales prévues dans le Code des impôts sur les revenus, la taxation d’office est une sanction administrative de nature pénale à laquelle s’applique le droit au silence 6. En conséquence, l’abstention par le contribuable de fournir les renseignements demandés relève de son droit au silence et les cotisations ont été annulées.
Bon à savoir
La particularité de ce litige est que le contribuable a reçu une notification d’indices de fraude le même jour que la demande de renseignements. Cela revêt une importance considérable car c’est grâce à cette notification que le contribuable a eu connaissance des soupçons de fraude fiscale qui pesaient sur lui. En effet, tant qu’il n’est pas clairement suspecté d’une infraction, la protection de la Convention n’opère pas et le contribuable ne peut valablement invoquer son droit au silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination 7.
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1. Appel Liège, 31 mars 2010, J.L.M.B., 2012/35, p. 1679.
2. Article 316 du C.I.R.
3. Article 351 du C.I.R.
4. Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
5. Cass., 23 janvier 1992, Pas., 1992, I, p. 453.
6. Cass., 25 mai 1999, Pas., 1999, I, p. 307.
7. V. Sepulchre, « L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et le droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination en droit fiscal », R.G.F., 8-9/2002, n° 77, p. 204.