La notion de foyer permanent d'habitation dans le cadre de la convention franco-belge préventive de double imposition
Présentation des faits 1
Une dame se voit remettre par le Centre de contrôle des contributions directes un formulaire de déclaration à l'impôt des personnes physiques, l'invitant à le compléter et à le renvoyer.
Par lettre recommandée, elle conteste son assujettissement en Belgique au motif qu'elle dispose d'un foyer permanent d'habitation en France puisqu'elle est domiciliée administrativement chez sa fille en France, et que partant, elle est résidente française. Elle renvoie donc le formulaire de déclaration à l'impôt des personnes physiques à son expéditeur, sans le compléter, sans le dater et sans le signer.
L'administration des contributions directes décide alors de recourir à la procédure de taxation d'office. La dame conteste cette taxation.
Décision de la Cour d'appel de Mons
La Cour observe, qu'au décès de son mari, cinq ans plus tôt, la dame a vendu la maison conjugale qui était située en France et a déménagé vers la Belgique pour s'établir dans une maison de repos et de soins, avec laquelle elle a signé un contrat de séjour à durée indéterminée. Elle s'est toutefois domiciliée administrativement chez sa fille en France.
La Cour constate que la dame a pris en location un studio dans cette résidence située en Belgique pour y séjourner habituellement et de manière continue et y bénéficier, entre autres, de prestations du personnel infirmier et soignant, sans toutefois bénéficier de prestations spécialisées qui relèvent du secteur hospitalier.
La Cour estime que, par opposition à un établissement hospitalier qui est censé accueillir des personnes malades durant un temps limité, la maison de repos dans laquelle la dame s'est installée constitue sans conteste un foyer permanent d'habitation réservé à son usage quotidien et de manière durable.
La domiciliation chez sa fille relève dès lors d'une simple procédure administrative. Les circonstances de la cause laissent en effet à penser que la dame ne retourne en France qu'occasionnellement pour des motifs d'ordre familial, comme des anniversaires et des fêtes de fin d'année, et réside ainsi le reste du temps dans la maison de repos en Belgique où elle loge, prend ses repas, reçoit des soins de santé continus,...
Par conséquent, la Cour décide que, dans la mesure où la dame ne dispose plus en France que d'une adresse de domiciliation chez sa fille, qu'elle ne s'y rend jamais et séjourne à titre permanent dans un établissement belge, elle est réputée résidente de Belgique au sens de la Convention franco-belge de prévention de la double imposition, et donc imposable exclusivement en Belgique.
Bon à savoir
Il découle de l'article 3 du Code d'impôt sur les revenus 1992, que sont soumis à l'impôt en Belgique, les habitants du Royaume 2. Sont considérés comme habitants du royaume, ceux qui ont établi en Belgique leur domicile ou le siège de leur fortune.
Au sens de la loi fiscale, le domicile est un domicile de fait, caractérisé par une certaine permanence ou continuité, et le siège de la fortune, l'endroit, caractérisé naturellement par une certaine unité, d'où elle est gérée 3. C'est au juge qu'il appartient d'apprécier si le contribuable peut être considéré comme ayant son domicile en Belgique et partant est imposable en Belgique.
Toutefois, afin d'éviter tout conflit de localisation des contribuables, la Belgique a signé plusieurs conventions préventives de double imposition. Une telle convention a notamment été signée avec la France le 10 mars 1964, laquelle prévoit qu'une personne physique est réputée résident de l'État où elle dispose d'un foyer permanent d'habitation 4.
Par foyer permanant d'habitation, il y a lieu d'entendre un endroit dire où le contribuable peut habiter normalement avec les commodités nécessaires en vue d'une occupation permanente dans des conditions de confort appropriées 5. Toute habitation dont le contribuable dispose de façon permanente est visée (c'est-à-dire toute habitation qui est aménagée et réservée à l'usage de l'intéressé de manière durable, par opposition au fait du séjour de courte durée) et ce, même s'il s'agit d'une habitation mise à sa disposition à titre gratuit 6.
Par ailleurs, il convient de souligner que la Convention parle « d'un foyer », de sorte qu'un contribuable peut avoir plusieurs foyers au sens de la Convention, c'est-à-dire plusieurs habitations dont chacune a un caractère permanent 7.
Si le contribuable dispose d'un foyer permanent d'habitation tant en France qu'en Belgique, il sera alors considéré comme un résident de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits. S'il est impossible de déterminer l'Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux, elle sera considérée comme un résident de l'Etat où elle séjourne de façon habituelle.
Enfin, si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats ou qu'elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'Etat dont elle possède la nationalité 8.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, 20 septembre 2013, J.D.F., 2014/5-6, p. 168.
2. Article 3 du Code d'impôt sur les revenus 1992.
3. Cass., 7 février 1979, Pas., I, 673.
4. Article 1er, § 2 de la Convention prévention de la double imposition conclue le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique.
5. Mons, 14 mars 2012, J.D.F., 2012/3-4, p. 114.
6. Voy. E. Traversa et B. Vintras, « La prévention de la double imposition des revenus dans les conventions bilatérales : enjeux, modalités et limites », in Fiscalité internationale en Belgique. Tendances récentes , Larcier, Bruxelles, 2013, p. 281.
7. F. Dereme, « Détermination des résidences fiscales en matière d'imposition des revenus, de la fortune, des successions et des donations entre la France et la Belgique », Rec. gén. enr. not., 2007/1, p. 4.
8. Article 1er, § 2 de la Convention prévention de la double imposition conclue le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique.