L'exercice de la double activité de comptable et de syndic d'immeuble
Présentations des faits 1
Une dame exerce la double activité de comptable et de syndic d'immeuble sous une même dénomination commerciale.
A cet effet, elle est inscrite à l'Institut professionnel des Comptables et des Fiscalistes agrées et à la Banque carrefour des entreprises. Par ailleurs, elle était identifiée à la TVA pour les seules activités de comptable jusqu'en 2009 et depuis lors également pour des activités de location et d'exploitation de biens immobiliers résidentiels.
En 2013, elle est citée en faillite devant le tribunal de commerce pour une dette TVA impayée. La dame conteste sa qualité de commerçante et partant la saisie du tribunal de commerce.
Le tribunal rejette cette contestation et désigne un curateur chargé de s'occuper de la faillite.
Décision de la Cour d'appel de Bruxelles
La Cour ne conteste pas la nature civile des activités de comptable, lesquelles sont exercées dans le cadre d'une professionnelle libérale exclue de la commercialité.
La profession de syndic immobilier est quant à elle réglementée par la loi du 11 février 2013 organisant la profession d'agent immobilier et l'ancien article 3 de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier. Il ressort de la lecture de ces réglementations, qu'aucune d'entre elles ne prévoit que tout syndic d'immeuble est nécessairement un agent immobilier ou que tout agent immobilier qui exerce la seule profession de syndic est nécessairement un commerçant.
La Cour constate par ailleurs que la dame est inscrite au tableau de l'Institut Professionnel des Comptables et des Fiscalistes agréés. Or, le Code de déontologie des experts-comptables autorise le comptable à être syndic de biens immobiliers, celui-ci étant, de ce fait, exclu du champ d'application de la loi organisant la profession d'agent immobilier.
Par ailleurs, la déontologie des comptables interdit l'exercice de toute activité commerciale. Cette circonstance ne porte toutefois pas atteinte au pouvoir du juge de reconnaître la qualité de commerçant à la personne qui remplit les conditions prévues pour l'obtention de cette qualité.
En l'espèce, la dame est inscrite à la Banque-carrefour des entreprises, ce qui constitue une présomption réfragable de commercialité. Par ailleurs, la Cour observe qu'elle exerce son activité de syndic en qualité d'agent affaires. Or, l'article 2 du Code de commerce prévoit que les entreprises d'agence d'affaires sont réputées commerciales même lorsqu'elles concernent des opérations de nature civile.
Par conséquent, la Cour décide que bien que toutes les prestations de syndic de copropriété ne soient pas nécessairement des activités commerciales, le fait d'exercer l'activité de syndic en qualité d'agent d'affaire implique indubitablement la qualité de commerçant.
Bon à savoir
L'article 20 du Code de déontologie de l'Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés (IPCF) dispose qu'un comptable peut également agir en tant que syndic de biens immobiliers moyennant le respect de certaines règles.
Il doit notamment disposer d'un compte bancaire distinct, dont il est le seul responsable, ouvert au nom de chaque association de copropriétaires dont il est le syndic. Il doit également informer préalablement l'Institut Professionnel des Comptables et des Fiscalistes avant d'exercer tout mandat ou mission de syndic et lui transmettre chaque année la liste des copropriétés dont il est syndic 2.
Le comptable qui exerce l'activité de syndic est, outre les règles contenues dans le Code de déontologie de l'IPCF, tenu de respecter les dispositions du Code Civil et toutes autres dispositions légales, relatives à la copropriété ainsi que les dispositions des statuts et des règlements de la copropriété. Il n'est par contre pas soumis à la loi organisant la profession d'agent immobilier 3. En effet, ni la loi du 11 février 2013 organisant la profession d'agent immobilier, ni l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier ne prévoient que tout syndic d'immeuble est nécessairement un agent immobilier 4.
Par ailleurs, le seul fait pour un comptable d'exercer l'activité de syndic n'a pas pour effet de lui octroyer automatiquement la qualité de commerçant 5. Il revient cependant au juge d'apprécier si, au regard des actes posés par le syndic d'immeuble celui-ci peut se voir attribuer la qualité de commerçant 6.
Pour rappel, est commerçant celui qui exerce des actes qualifiés commerciaux par la loi et qui en font leur profession habituelle, soit à titre principal, soit à titre d'appoint 7. La notion de commerçant s'apprécie de manière extensive et par référence à la notion d'actes de commerce 8.
A cet égard, la circonstance que l'article 21 du Code de déontologie de l'IPCF interdit toute activité commerciale n'empêche les juridictions de reconnaître la qualité de commerçant à toute personne qui remplit les conditions prévues, et ce, quand bien même, elle serait soumise à une discipline légalement organisée 9. Tel est le cas notamment lorsque la personne exerce d'autres activités que son activité « normalement » réglementée.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Bruxelles, 24 avril 2014, R.D.C., 2014/ 7, p.711.
2. Article 20 du Code de déontologie de l'Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés.
3. Article 7 de l'arrêté royal du 30 août 2013 relatif à l'accès à la profession d'agent immobilier.
4. Bruxelles, 24 avril 2014, R.D.C., 2014/ 7, p.711.
5. Voy. Gand, 28 mars 2008, NjW, 2007, p. 519 qui considère qu'un avocat qui exerce une mission de syndic d'immeuble n'a pas pour autant la qualité de commerçant.
6. O. Vanden Berghe, « Actualités : Cour d'appel de Bruxelles, 24/04/2014 », R.D.C., 2014/7, p. 711.
7. Article 1er du Code de commerce.
8. I. Verougstraete, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Kluwer, 2010, p. 324.
9. Cass., 9 octobre 1975, Pas., 1976, p. 169.