Le dépôt de la déclaration à l'impôt des personnes physiques par un mandataire du contribuable
Présentation des faits 1
Une déclaration à l'impôt des personnes physiques a été complétée au nom de A. et B. et signée le 8 juin 2001 par C. La signature était précédée sur les deux parties de la déclaration par un cachet avec le nom et la mention « mandataire ». Deux annexes signées de la même façon complétaient la déclaration souscrite.
La déclaration était, en outre, accompagnée d'une lettre du 10 juillet 2001, laquelle était rédigée sur papier à en-tête de C. en ces termes : « Concerne A. et B. Nous sommes les conseillers fiscaux. Nous vous prions de trouver en annexe à la présente la déclaration susmentionnée. La procuration signée vous parviendra lors d'un prochain courrier ».
La cotisation originaire a été enrôlée le 25 juin 2002 et l'avertissement-extrait de rôle a été envoyé le 16 juillet 2002 : cette cotisation a été établie sur la base de la seule partie I de la déclaration souscrite au nom de A. et B. par leur mandataire, aucune remarque n'ayant été faite par l'administration concernant la régularité de cette partie I de la déclaration.
Le 17 juillet 2003, une demande de renseignements, dans le cadre de la vérification de leur situation fiscale de l'exercice d'imposition 2001, a été envoyée à A. et B. sollicitant les documents sur la base desquels ils avaient complété la partie II de leur déclaration fiscale des revenus 2000. Le 13 août 2003, C. a répondu à la demande de renseignements en faisant parvenir divers documents à l'administration fiscale.
Le 15 octobre 2003, l'inspecteur principal des contributions directes a indiqué à A. et B. qu'une erreur s'est produite lors de l'enrôlement. Le 8 décembre 2003, une cotisation supplémentaire litigieuse a été enrôlée sur la base de la partie II de la déclaration souscrite et l'avertissement-extrait de rôle a été envoyé le 11 décembre 2003.
C. a alors introduit une réclamation auprès du directeur régional des contributions directes au nom de A. et B. dans laquelle il invoque la forclusion de l'enrôlement de la cotisation supplémentaire et sollicite dès lors l'annulation de cette cotisation.
La réclamation a été rejetée par le directeur régional qui a considéré que le délai extraordinaire de trois ans pour l'enrôlement de la cotisation supplémentaire était justifié compte tenu du vice de forme qui affectait la déclaration souscrite, à savoir l'absence de procuration en infraction à l'article 305, alinéa 5, du Code des impôts sur le revenus 1992 dès lors que bien que la déclaration de l'exercice d'imposition 2001 a été signée par C., cette signature n'a pas été validée par la justification du mandat dont il déclare être le titulaire.
Par conséquent, le directeur des contributions directes a considéré que la déclaration remplie par le mandataire sans procuration valable devait être considérée comme inexistante et que cette absence de procuration rendait la déclaration nulle et assimilait le contribuable à ceux qui n'en avaient pas souscrit.
A. et B. ont fait appel de cette décision devant la Cour d'appel de Bruxelles. Cette dernière a annulé la décision du directeur des contributions directes au motif que l'enrôlement de la cotisation supplémentaire a été établi en-dehors du délai légal ordinaire de l'article 359 du Code des impôts sur les revenus 1992. Elle a donc ordonné l'annulation de la cotisation supplémentaire et le remboursement de toute somme perçue de ce chef.
L'administration fiscale a introduit un pourvoi en cassation contre cette décision.
Décision de la Cour de cassation
La Cour rappelle que l'article 305, alinéa 5, du Code des impôts sur les revenus (C.I.R.) 1992 prévoit que les déclarations que les contribuables sont tenus de remettre à l'administration fiscale peuvent aussi être souscrites par un mandataire. Dans ce cas, ce dernier doit alors justifier du mandat général en vertu duquel il agit.
Il ne suit cependant, ni de cette disposition, ni des articles 307 et 308 du même code, que l'administration doit être mise en possession de la preuve du mandat avant l'expiration du délai dans lequel doit lui parvenir la déclaration et que, à défaut, elle pourrait tenir celle-ci pour inexistante.
Il en résulte que l'administration ne peut considérer comme inexistante la déclaration à l'impôt des revenus au motif que la preuve du mandat ne lui a pas été transmise avant l'expiration du délai dans lequel la déclaration doit lui parvenir. Par conséquent, il y a lieu de considérer que l'enrôlement de la cotisation supplémentaire a été établi en-dehors du délai légal ordinaire et doit donc être annulé.
La Cour de cassation confirme donc l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles.
Bon à savoir
L'article 305, alinéa 5, du Code des impôts sur les revenus (C.I.R.) 1992 précise que les déclarations à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés ou à l'impôt des personnes morales peuvent être souscrites par un mandataire, qui doit alors justifier du mandat général en vertu duquel il agit 2.
Cet article n'exige nullement un mandat spécial écrit et ne déroge pas au droit civil. Par conséquent, dans la mesure où il n'existe aucune règle spécifique en matière fiscale concernant la forme et la preuve du mandat, ce sont les règles générales du droit civil qui s'appliquent 3.
Selon l'article 1984 du Code civil, le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant en son nom 4.
Par ailleurs, il découle des articles 353 et 359 du C.I.R. 92 que l'impôt dû sur la base des revenus et des autres éléments mentionnés sous les rubriques d'une formule de déclaration répondant aux conditions de forme et de délais prévues aux articles 307 à 311 peut être valablement établi jusqu'au 30 juin de l'année suivant celle dont le millésime désigne l'exercice d'imposition. Il s'agit donc du délai ordinaire d'imposition 5.
L'article 354, alinéa 1er du Code octroie cependant à l'administration, par dérogation à l'article 359, la possibilité d'imposer les contribuables durant un délai extraordinaire de trois ans en cas d'absence de déclaration, de remise tardive de celle-ci, ou lorsque l'impôt dû est supérieur à celui qui se rapporte aux revenus imposables et aux autres éléments mentionnés dans la déclaration 6.
Le fait que la preuve du mandat de la personne chargée de procéder au dépôt de la déclaration pour le compte du contribuable n'ait pas été transmise à l'administration fiscale avant l'expiration du délai dans lequel la déclaration doit lui parvenir ne permet cependant pas à cette dernière de considérer que la déclaration à l'impôt des personnes physiques remise dans les temps est inexistante. Par conséquent, l'impôt doit, dans cette hypothèse, être enrôlé dans le délai ordinaire d'imposition prévu aux articles 353 et 359 du CIR 1992 7, et non dans le délai extraordinaire de trois ans.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cass., 19 février 2015, J.L.M.B., 2015/20, p. 939.
2. Article 305, al. 5 du CIR 1992.
3. Voy. R. Forestini et S . Blondeel, « De la déclaration au contrôle fiscal - Les droits et les devoirs du fisc », R.G.C.F., 2003/5, p. 7.
4. Article 1984 du Code civil.
5. E. Van Brumster, « Déclaration irrégulière et délai extraordinaire d'imposition. Commentaire de jurisprudence - Cass., 6 novembre 2008 », R.G.F., 2009/ 5, p. 23.
6. Article 354 alinéa 1er du CIR.
7. Cass., 19 février 2015, J.L.M.B., 2015/20, p. 939.