L'exonération fiscale des réductions de valeur pour pertes probables sur créances
Présentation des faits 1 (Mise à jour du 22 octobre 2014)
Une société soumise à l'impôt des sociétés a introduit des réclamations à l'encontre de cotisations établies à sa charge pour différents exercices d'imposition. Le directeur régional des contributions directes a rendu une décision directoriale par laquelle il a accepté une des réclamations mais a partiellement rejeté les autres.
Certaines des cotisations visaient à taxer des réductions de valeur sur créances commerciales actées par la société. Cette dernière a alors introduit un recours fiscal auprès de la cour d'appel de Liège qui s'est déclarée incompétente ratione loci et a renvoyé la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Arrêt de la cour d'appel de Bruxelles
Parmi les contestations portées devant la cour, deux portent sur la taxation de réductions de valeur sur créances commerciales douteuses. La société précise que les réductions de valeur contestées se rapportent à des créances commerciales à l'encontre de trois autres sociétés. Pour sa part, l'Etat belge estime que les réductions de valeur sur créances commerciales sont prématurées, pour le motif que des actions ont seulement été intentées il y a peu contre deux sociétés débitrices et que la société requérante se trouvait toujours en relation continue d'affaires avec la troisième société.
La cour rappelle que les réductions de valeur pour pertes probables sur créances ne sont exclues des bénéfices imposables qu'à certaines conditions dont le fait que les pertes doivent être nettement précisées et leur probabilité doit résulter, pour chaque créance, non d'un simple risque d'ordre général, mais bien de circonstances particulières survenues au cours de la période imposable et subsistant à l'expiration de celle-ci. En l'espèce, la cour constate que la société n'apporte pas la preuve du respect de cette condition. En conséquence, la cour conclut au rejet des réductions de valeur sur les créances commerciales douteuses.
Bon à savoir
Lorsqu'une société opère une réduction de valeur portant sur une créance commerciale, il convient de distinguer deux situations.
La première hypothèse vise le cas où la perte de la créance est certaine. Dans pareil cas, cette perte définitive entre dans le cadre des réductions de valeur comptabilisées qui sont exonérées en vertu de l'art. 48 CIR/92, et ce pour autant qu'il soit démontré au moyen de données probantes que la réduction de valeur revendiquée concorde véritablement avec une perte incontestable sur la ou les créances concernées. Ces dernières devront d'ailleurs figurer sur le relevé 204.3 –cf.: Art. 22 A.R. Exéc. CIR/92– contrairement aux autres frais professionnels déductibles qui, eux, sont visés par l'art. 49 CIR/92 relatif aux frais professionnels (Ndlr. : modification du 21 octobre 2014). 2 L'importance des réductions de valeur admissibles doit être estimée au vu des faits et circonstances qui prévalent à la fin de l'année ou de l'exercice comptable pour lequel elles sont postulées 3.
La seconde hypothèse vise le cas où la perte de la créance n'est que probable. Si, en règle, pareille réduction de valeur fait partie du bénéfice imposable, elle peut être exonérée fiscalement si plusieurs conditions sont remplies 4. L'une de ces conditions est que les pertes doivent être nettement précisées et leur probabilité doit résulter, pour chaque créance, non d'un simple risque d'ordre général, mais bien de circonstances particulières survenues au cours de la période imposable et subsistant à l'expiration de celle-ci.
Il ressort des dispositions fiscales applicables que l'exonération fiscale des pertes de valeur comptabilisées ne requiert pas que les pertes soient certaines à la fin de l'exercice. Il suffit qu'elles soient probables sur la base de circonstances particulières survenues au cours de l'exercice et subsistant à l'expiration de celui-ci 5. Par contre, ces dispositions fiscales font obstacle à l'exclusion du bénéfice d'une réduction de valeur globale et non individualisée sur les créances, basée sur des données statistiques du passé 6.
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1. Appel Bruxelles, 11 janvier 2006, R.G. n° 2000/FR/46.
2. J. Kirkpatrick et D. Garabedian, Le régime fiscal des sociétés en Belgique, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 137.
3. Appel Anvers, 15 janvier 2008, R.G. n° 2006/AR/2538.
4. Voir article 22 de l'AR/CIR 92.
5. Cass., 15 décembre 2011, R.G. n° F.10.0114.N.
6. Cass., 22 avril 2010, R.G. n° F.08.0094.N.