L'amortissement d'une oeuvre d'art
Présentation des faits 1
Un avocat fit l'acquisition d'une œuvre d'art réalisée par un peintre allemand contemporain. Dans sa comptabilité, il indiqua l'amortissement linéaire de cette œuvre d'art sur une période de cinq ans à raison d'un taux de 20 %. Dans ses déclarations à l'impôt sur les revenus, l'avocat fit passer cet amortissement en frais professionnels déductibles de la base imposable.
Cependant, l'administration fiscale contesta cette déduction et procéda à des cotisations en ne prenant pas compte cet amortissement. Le contribuable introduisit une action en justice afin d'obtenir le dégrèvement ou l'annulation de ces cotisations.
Jugement du tribunal de première instance de Liège
Devant le tribunal, l'administration fiscale mettait en doute non seulement le caractère professionnel de la dépense que constitue l'achat d'une œuvre d'art mais également la dépréciation de cet actif. Dans sa décision, la juridiction saisie du litige constate que le nœud du litige est moins de savoir si l'acquisition de l'œuvre constitue une dépense déductible que de déterminer s'il convient d'accepter le principe d'une dotation aux amortissements pour le bien concerné.
Après avoir rappelé qu'un amortissement servait à constater la dépréciation d'un bien dont la durée d'utilisation est limitée dans le temps, le tribunal considère qu'une œuvre d'art, même contemporaine, ne fait pas partie de cette catégorie de biens. La dépréciation de l'œuvre n'étant pas rapportée par l'avocat, le tribunal déclare non fondées ses demandes tendant à pratiquer un amortissement déductible fiscalement.
Bon à savoir
L'amortissement est la constatation de la dépréciation subie par les immobilisations dont la durée d'utilisation est limitée dans le temps. Par extension, c'est aussi la répartition sur plusieurs exercices des frais d'établissement.
Sur le plan comptable, l'amortissement est la traduction du souci de faire en sorte que les comptes annuels reflètent sincèrement le patrimoine de l'entreprise et ses résultats 2. Au niveau fiscal et dans la mesure où il est accepté par l'administration fiscale, l'amortissement constitue une charge professionnelle déductible de la base imposable 3. Il appartient au contribuable de démontrer la dépréciation réellement survenue pendant la période imposable 4.
Les actifs amortissables sont les frais d'établissement et les immobilisations incorporelles et corporelles dont l'utilisation est limitée dans le temps 5. Les œuvres d'art, qu'elles soient anciennes, classiques, modernes ou contemporaines, ne semblent pas correspondre à ces catégories. Par contre, elles peuvent faire l'objet d'une réduction de valeur.
La réduction de valeur est la constatation de la dépréciation subie par les actifs non amortissables et dont la dépréciation n'est pas irréversible 6. Or, la valeur d'une œuvre d'art varie effectivement sur le marché de l'art de telle sorte que l'on ne peut affirmer que cette œuvre va se déprécier de manière irréversible avec le temps. Au contraire, la valeur de ces œuvres d'art va fluctuer et, dans certains cas, atteindre un montant bien plus important que le montant de son acquisition.
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1. Tribunal de première instance de Liège, 25 février 2008, www.fisconetplus.be.
2. J. Antoine et J.-P. Cornil, Lexique thématique de la comptabilité, 2e édition, De Boeck-Wesmael s.a., 1987, pp. 161-162.
3. Article 61 du CIR 92.
4. Cass., 22 mars 1991, Pas., I, p. 695.
5. Article 45 de l'arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du code des sociétés.
6. F. Khrouz, Comptabilité et gestion : comptabilité générale, analyse financière et consolidation des comptes, Solvay Brussels school of economics and management, Bruxelles, 2011, p. 125.