La suspension prononcée par la Commission de discipline de l’Institut des Experts-comptables
Présentation des faits 1
Un expert-comptable, L., fait l'objet d'une suspension d'un an à la suite d'une décision de la Commission d'Appel de l'Institut des Experts-comptables.
Par la suite, il est poursuivi pénalement sur base de l'article 58 de la loi du 22 avril 1999 relative aux professions comptables et fiscales, lequel sanctionne la personne qui s'attribue publiquement et sans titre la qualification d'expert-comptable ou de conseil fiscal, pour avoir continué à porter le titre d'expert-comptable alors que l'Institut des Experts-comptables ne lui avait pas conféré la qualité d'expert-comptable ni l'autorisation de porter le titre.
Après avoir été condamné en première instance, L. décide de faire appel contre le jugement de condamnation.
En appel, la Cour d'appel de Gand décide d'acquitter L. au motif que la peine disciplinaire de suspension pour un terme ne pouvant excéder une année prévue par la loi du 22 avril 1999 relative aux professions comptables et fiscales emporte interdiction d'exercer les activités professionnelles en tant qu'expert-comptable en Belgique pour la durée prévue par la peine, mais pas la perte du droit de porter le titre d'expert-comptable.
Par conséquent, puisque l'objet de la suspension concerne l'exercice des activités d'expert-comptable et non pas la qualité d'expert-comptable et/ou le fait de porter le titre d'expert-comptable, le comportement reproché à L n'est pas légalement punissable. Le ministère public décide d'introduire un pourvoi en cassation contre cette décision.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation rappelle que l'article 69 de la loi du 21 février 1985 relative à la réforme du révisorat d'entreprises, actuellement abrogée, disposait qu'une personne physique ne peut porter le titre d'expert-comptable que si elle s'est vu conférer par l'Institut des Experts-comptables la qualité d'expert-comptable ou l'autorisation de porter le titre. L'article 92 de ladite loi énonçait les peines disciplinaires parmi lesquelles la suspension pour un terme ne pouvant excéder une année de la qualité d'expert-comptable ou de l'autorisation de porter le titre d'expert-comptable.
Désormais, la loi du 21 février 1985 a été remplacée par la loi du 22 avril 1999 relative aux professions comptables et fiscales. L'article 16, alinéa 1er de cette loi prévoit qu'une personne physique ne peut porter le titre d'expert-comptable que si elle s'est vu conférer par l'Institut des Experts-comptables et des Conseils fiscaux la qualité d'expert-comptable. L'article 58, alinéa 1er, de la loi, quant à lui, sanctionne pénalement celui qui s'attribue publiquement et sans titre la qualification d'expert-comptable ou qui contrevient à l'article 16.
Par ailleurs, l'article 5, § 1er, de la loi du 22 avril 1999 relative à la discipline professionnelle des experts-comptables et des conseils fiscaux énonce les peines disciplinaires pouvant être prononcées à l'égard d'un expert-comptable. C'est le cas notamment de la suspension pour un terme ne pouvant excéder une année. La suspension consiste en l'interdiction d'exercer la profession d'expert-comptable ou de conseil fiscal pour une durée déterminée.
En outre, la Cour rappelle que la suspension d'un expert-comptable externe entraîne, pour la durée de la suspension, la radiation temporaire du tableau des experts-comptables externes, et ce, conformément à l'article article 8, § 3, de l'arrêté royal du 2 mars 1989 fixant le règlement d'ordre intérieur de l'Institut des Experts-comptables.
Or, la radiation temporaire a pour conséquence la perte de la qualité d'expert-comptable et, en conséquence, la perte du droit de porter le titre d'expert-comptable ou de conseil fiscal. Il en résulte qu'un expert-comptable ayant fait l'objet d'une mesure de suspension n'a plus la qualité d'expert-comptable pendant la durée prévue par la peine et ne peut pas davantage porter le titre d'expert-comptable.
La Cour de cassation casse donc l'arrêt de la Cour d'appel de Gand.
Bon à savoir
La profession d'expert-comptable a été réglementée pour la première fois par la loi du 21 février 1985 relative à la réforme du révisorat qui a notamment crée l'Institut des Experts-comptables et ses commissions de discipline et d'appel.
En 1999, cette loi a été remplacée par deux autres lois du 22 avril 1999 : l'une relative aux professions comptables et fiscales et l'autre spécifiquement dédiée à la discipline professionnelle des experts-comptables et des conseils fiscaux.
En cas de manquement disciplinaire, un expert-comptable ou un conseil fiscal peut se voir attrait devant la Commission de discipline, laquelle décidera du caractère établi ou non des griefs et de la sanction qui doit être prononcée 2. A cet égard, parmi les sanctions pouvant être prononcées, on peut citer : l'avertissement, la réprimande, l'interdiction d'accepter ou de continuer certaines missions, la suspension pour un terme qui ne peut pas excéder un an et la radiation 3.
Par ailleurs, le professionnel qui a fait l'objet d'une mesure de suspension ne peut plus poursuivre ses activités professionnelles, sous peine d'être poursuivi pénalement pour exercice illégal de la profession de comptable ou d'expert-comptable sur base de l'article 58 alinéa 1er de la loi du 22 avril 1999 relative aux professions comptables et fiscales 4.
Il disparaît également de la liste des membres de l'Institut des Experts-comptables, telle qu'elle est consultable sur le site internet de l'Institut 5 puisque le Règlement d'ordre intérieur de l'Institut des Experts-comptables prévoit que la suspension d'un expert-comptable entraîne, pour la durée de la suspension, la radiation temporaire du tableau des experts-comptables 6.
Or, la radiation temporaire du tableau des experts-comptables pour la durée de la suspension a pour effet la perte de la qualité d'expert-comptable et, en conséquence, la perte du droit de porter le titre d'expert-comptable ou de conseil fiscal. Il en résulte que l'expert-comptable ayant fait l'objet d'une mesure de suspension est déchu du droit de porter le titre d'expert-comptable pendant toute la durée de la suspension et ne peut pas davantage porter le titre d'expert-comptable en public.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cass., 10 septembre 2002, R.G. n° P.01.0577.N.
2. Voy. S. Ghilain, « Le droit disciplinaire des experts-comptables et des conseils fiscaux », Rev. dr. pén. entr., 2012/1, p. 23.
3. Article 5 de la loi du 22 avril 1999 relative à la discipline professionnelle des experts-comptables et des conseils fiscaux.
4. Article 58, al. 1er de la loi du 22 avril 1999 relative aux professions comptables et fiscales.
5. S. Folie , « La publication et la communication des décisions disciplinaires au regard des attentes liées à la transparence », T.A.A., 21/2010, p. 27.
6. Articles 6 §2 et 8, § 3, de l'arrêté royal du 2 mars 1989 fixant le règlement d'ordre intérieur de l'Institut des Experts-comptables.