La déduction pour investissement lorsque des actions ou parts d'une société sont détenues par des personnes physiques
Présentation des faits 1
Une société anonyme désire obtenir une déduction pour investissement sur base des articles 68 à 77 et 201 du Code des impôts sur les revenus (C.I.R.), dès lors que l'usufruit de plus de la moitié de ses actions appartient à des personnes physiques, bien que la nue-propriété soit détenue par des sociétés.
L'administration fiscale refuse au motif que l'article 201, alinéa 1, 1°, du C.I.R. (1992), exigerait que la moitié des parts dans le capital de la société soient détenues en pleine propriété par des personnes physiques.
La société anonyme conteste ce point de vue et considère que les personnes physiques ayant l'usufruit de ces actions sont également visées par l'article 201, alinéa 1er, 1°, du C.I.R.
Décision de la Cour d'appel de Mons
La Cour constate que le législateur fiscal n'a pas défini le terme « détenir » utilisé à l'article 201 du C.I.R. Il appartient donc à la jurisprudence de procéder à cette définition. A cet égard, il n'y a pas lieu de se référer au droit civil pour interpréter l'article 201 du C.I.R.
En effet, la notion de détention se définit, en droit civil, par opposition à celle de possession, le détenteur étant celui qui exerce sur une chose un pouvoir de fait sans l'intention de se comporter en maître à son égard. Il découle de cette définition qu'un propriétaire n'est pas un détenteur au sens du droit civil. Or, il n'est pas contesté que l'article 201, alinéa 1, 1° du C.I.R. trouve bien à s'appliquer lorsque plus de la moitié des actions d'une société sont « détenues » par des personnes physiques, en qualité de pleins propriétaires. Il en résulte donc que le terme de détention utilisé par l'article 201 du C.I.R. ne doit pas être interprété au regard du droit civil.
La détention n'est pas non plus limitée à la pleine propriété. En effet, la Cour constate que la version néerlandaise de l'article 201 du C.I.R. recourt au terme « appartenir », lequel ne vise pas exclusivement la pleine propriété.
Il découle de ces deux éléments que limiter l'application de l'article 201 du C.I.R. à l'hypothèse dans laquelle plus de la moitié des actions sont détenues par des personnes physiques, pleins propriétaires ou nus-propriétaires et d'en exclure les usufruitiers au plus généralement, les actions dont la propriété est démembrée est contraire à l'intention du législateur fiscal. Il faut dès lors s'en tenir au sens usuel du verbe « détenir », qui inclut l'usufruit.
Bon à savoir
La déduction pour investissement à été introduite en droit belge en 1982 par un arrêté de pouvoirs spéciaux. L'objectif était d'encourager les investissements faits en Belgique en « immobilisations corporelles acquises à l'état neuf ou constituées à l'état neuf, et en immobilisations incorporelles neuves » 2. Seules les immobilisations amortissables en au moins trois ans et non données en locations peuvent faire l'objet d'une déduction pour investissement 3.
Grâce à la déduction pour investissement, la société va pouvoir déduire du bénéfice imposable de l'année d'acquisition un pourcentage du prix d'acquisition ou du coût de revient de l'immobilisation, sans que cette déduction n'ait une incidence sur le calcul des amortissements et des moins-values ou plus-values ultérieures 4. Le taux de la déduction varie selon la nature des investissements.
Les sociétés, autres que les PME, ne bénéficient de la déduction pour investissement que pour certains types d'investissements visés aux articles 69 et 201 du C.I.R.
L'article 201, alinéa 1, 1° du C.I.R. fixe le taux de la déduction lorsque les actions ou parts de la société sont détenues à concurrence de plus de la moitié par une ou plusieurs personnes physiques. Dans ce cas, « le pourcentage de la déduction est égal à l'augmentation exprimée en pour cent, de la moyenne des indices des prix à la consommation du Royaume de la pénultième année précédant celle dont le millésime désigne l'exercice d'imposition auquel est rattachée la période imposable au cours de laquelle l'investissement est effectué, par rapport à la moyenne des indices des prix à la consommation de l'année précédente, arrondie à l'unité supérieure ou inférieure selon que la fraction atteint au non 50 pct, et majorée de 1 point, mais ramené à zéro »5.
Il découle de l'arrêt de la Cour d'appel de Mons du 27 juin 2014 que le terme « détention » doit être entendu dans son sens usuel et vise non seulement les pleins propriétaires mais également les usufruitiers 6.
Par ailleurs, la déduction ne peut pas être imputée sur la partie des bénéfices qui résultent d'avantages anormaux ou bénévoles que la société a tiré d'une société liée 7.
En cas de changement, au cours de la période imposable, du contrôle de la société, la partie non encore déduite des déductions pour investissements devient caduque si le changement de contrôle ne répond pas à des besoins légitimes de caractère économique ou financier.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, 27 juin 2014, J.D.F., 2014/ 7-8, p. 248.
2. Article 68 du Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R.).
3. Article 75 du C.I.R.
4. J. Kirkpatrick, D. Garabedian, Le régime fiscal des sociétés en Belgique, Bruxelles, Bruylant, 3e édition, 2003, p. 192.
5. Article 201, alinéa 1, 1° du C.I.R.
6. Mons, 27 juin 2014, J.D.F., 2014/ 7-8, p. 248.
7. Article 207, alinéa 2 du C.I.R