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NOTAIRE

Bon a savoir

24 Février 2016

Inobservation du pacte de préférence

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13
le mois dernier.

Présentation des faits 1

Madame C. était propriétaire d’un bien immobilier à Uccle. Madame V. était locataire commerciale des locaux dudit immeuble dans lequel elle exploitait une librairie avec son mari suivant un bail conclu le 7 décembre 1976 et cédé le 2 mai 1978.

Monsieur O. était, quant à lui, le locataire du troisième étage de l’immeuble depuis l’an 1984.

Le bail commercial signé entre Madame V. et Madame C. prévoyait, en son article 20, un droit d’option préférentiel en cas de vente du bien. Ladite disposition obligeant le bailleur-vendeur à notifier à la locataire les offres reçues pour lui permettre d'exercer son option aux mêmes conditions dans les quinze jours ouvrables.

Madame C. a affirmé avoir envoyé un courrier à Madame V., par recommandé le 15 février 1988, pour lui signaler son intention de vendre l’immeuble à Monsieur O. au prix de 2.000.000 F. Madame V. conteste toutefois avoir réceptionné cette lettre.

Madame C. a alors vendu le bien immobilier à Monsieur O. suivant acte notarié du 15 juillet 1988 (transcrit le 23 septembre 1988).

Madame V. a appris l’existence de la vente le 8 décembre 1988 et a alors introduit une procédure en vue d’obtenir l’annulation de ladite vente immobilière et de lui donner acte de son accord quant à l’achat par elle de l’immeuble pour le prix de 1.500.00 F et autoriser la vente dans ces conditions.

Un jugement a été rendu le 10 mars 1992 par le Tribunal de première instance de Bruxelles, qui a fait droit à la demande de Madame V. et a prononcé la nullité de la vente de l'immeuble litigieux. En outre, le juge a condamné Madame C. à passer avec elle l’acte de vente notarié.

Madame C. a alors interjeté appel de cette décision en vue d’entendre réformer le jugement entrepris et de débouter Madame V. de son action originaire. Elle invoque notamment le fait que la transcription de l'acte authentique de vente, rendant celui-ci opposable aux tiers, empêcherait son annulation.

 

Décision de la Cour d’appel de Bruxelles

La Cour d’appel de Bruxelles rappelle tout d’abord que la transcription d'une vente a pour objet de rendre celle-ci opposable aux tiers, conformément aux dispositions de l'article 1er de la loi hypothécaire, et non d'en garantir la validité.

Or, en l’espèce, l’action de Madame V. ne tend pas à contester le caractère d'opposabilité de la vente aux tiers, mais bien sa validité.

Par conséquent, la transcription n'efface aucune des causes de nullité ou de résolution de la vente que l'acte transcrit pourrait renfermer.

La Cour d’appel fait remarquer ensuite que Monsieur O. était au courant du bail liant les parties et du droit d’option préférentiel, de sorte qu’il devient un tiers complice.

Par ailleurs, Madame C. soutient avoir informé Madame V. de sa volonté de vendre le bien à Monsieur O. La Cour constate, après analyse du dossier, que Madame C. n'en apporte toutefois pas la preuve.

Par conséquent, la Cour d’appel de Bruxelles reçoit l’appel de Madame C., mais déclare celui-ci non fondé. Elle confirme ainsi le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente de l'immeuble et condamne Madame C. (ses ayants droits ou le curateur de la succession) de passer avec Madame V. l’acte de vente notarié relatif à l'immeuble dans le mois de la signification du présent arrêt, aux mêmes conditions que la vente annulée et, à défaut, dit que le présent arrêt tiendra lieu d'acte authentique.

 

Bon à savoir

Le droit de préemption, également appelé pacte de préférence, peut être défini comme étant un droit reconnu à une personne lui permettant d’avoir priorité sur tout autre candidat si le bien immobilier venait à être mis en vente. 2

Sauf s’il est expressément prévu par la loi, le droit de préemption doit être prévu par les parties dans le contrat de bail ou dans un autre document. 3

L’inobservation du pacte de préférence mène à diverses sanctions. 4

Le débiteur d’un pacte de préférence est tenu à l’égard du bénéficiaire du droit de priorité à lui fournir les informations permettant à ce dernier d’exercer son droit mais également de négocier de bonne foi lorsque plusieurs conditions du contrat n’ont pas encore été déterminées 5.6

Lorsque le débiteur ne respecte pas le droit de préférence, il faut distinguer deux hypothèses : celle où le tiers est de bonne foi et celle où il est de mauvaise foi.

Effectivement, si le tiers auquel le propriétaire a vendu le bien est de bonne foi, cela signifie que ce dernier n’était pas au courant qu’il existait un pacte de préférence. Dans ce cas, le tiers de bonne foi aura conclu la vente le bénéficiaire n’aura droit qu’à des dommages et intérêts. 7

Pour obtenir réparation de son dommage, le bénéficiaire aura toutefois à démontrer qu’il a un droit de préférence et que ce dernier a été méconnu par le débiteur. En outre, il devra également apporter la preuve qu’il aurait pu exercer son droit et ainsi qu’il avait les fonds nécessaires pour le faire ou à tout le moins, la capacité pour emprunter. 8

A contrario, si le tiers est de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il avait connaissance du pacte de préférence, mais a malgré tout accepté l’achat de la maison, il sera considéré comme étant un tiers complice de la violation du droit de préférence. 9 Par conséquent, le juge aura la possibilité d’annuler l’acte de vente fait au profit du tiers de mauvaise foi et pourra ordonner la vente au profit du bénéficiaire du droit de préférence. 10

Enfin, il est utile de préciser que le fait d’avoir transcrit l’acte de vente au bureau de la conservation des hypothèques n’empêche pas que la vente soit déclarée, par le juge, comme étant nulle. 11

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

____________________________

1. Bruxelles (ch. suppl. G), 16 septembre 1999, J.T., 2001/4, n° 5997, p. 71-73.

2. Voy. E. Begiun, « Droit de préemption : quelques réflexions liées à la pratique notariale », Rev. dr. rur. , 2003, pp. 85 et suivantes.

3. Voy. D. Meulemans, « Clause conventionnelle de préférence et droit légal de préemption », in L'achat et la vente d'un immeuble, Larcier, Bruxelles, 1993, pp. 63-65.

4. Cass., 27 avril 2006, Pas., 2006, I, p. 976.

5. Voy. G. Bertholet, « Quelques aspects du pacte de préférence », note sous Liège, 29 novembre 1994, Act. dr. 1996, p. 621 et suivantes.

6. B. Kohl, « Le contrat de vente d’immeuble. Développements récents », in La vente immobilière, aspects civils, administratifs et fiscaux, CUP, volume 121, Anthémis, Liège, p. 19.

7. J. De Visscher, Le pacte de préférence. Ses applications en droit civil et en droit commercial, Bruxelles, Bruylant, Libraire générale de droit, 1938, p. 128.

8. Voy. G. Carnoy, « La sanction de la méconnaissance du droit de préemption », 26 février 2014, http://gillescarnoy.be/2014/02/26/la-sanction-de-la-meconnaissance-du-droit-de-preemption

9. J. Dabin, «  De la sanction de la violation d’un pacte de préférence accordé à trois enfants devenus ultérireument héritiers, quand l’immeuble a été vendu à deux d’entre eux à l’exclusion du troisième », note sous Cass., 30 juin 1965, R.C.J.B., 1966, p. 77.

10. M. Vanwijck-Alexandre et ST. Bar, « Le pacte de préférence ou le droit de conclure par priorité », in Le processus de formation des contrats, Larcier, CUP, n° 09/2004, Vol. 72, p. 137 à 187.

11. Bruxelles, 16 septembre 1999, J.T., 2001, p. 71.