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NOTAIRE

Bon a savoir

24 Aout 2016

Les fautes déontologiques du notaire – La destitution comme sanction

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Présentation des faits 1        

Monsieur P a prêté serment en qualité de notaire en 1993 et a constitué une société civile à forme de SPRL en 2007.

En mai 2008, la Chambre des Notaires a prononcé une sanction à l’encontre du notaire P, un rappel à l’ordre pour violation des articles 33 et 34 de la loi de Ventôse, des articles 3 et 14 du Règlement pour l’organisation de la comptabilité notariale et l’article 4 du Code de déontologie.

Une Banque s’est constituée partie civile en 2012, pour faux, usage de faux, escroquerie et abus de confiance. Le juge d’instruction a ordonné une perquisition à l’étude du notaire et a, ensuite, inculpé ce dernier comme auteur ou co-auteur du chef d’escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux, blanchiment et organisation criminelle et à délivré un mandat d’arrêt.

Le mandat d'arrêt est motivé notamment sur le fait que la Banque aurait été victime d'une fraude organisée dans le but d'obtenir la mise à disposition de fonds faisant l'objet de divers crédits hypothécaires sur production de faux documents et de fausses déclarations concernant la nature de l'opération, la valeur réelle de l'immeuble, ...

Or, il est apparu que le montant du prêt accordé était souvent nettement supérieur à la valeur réelle de l'immeuble.

Le 9 janvier 2013, le juge d'instruction a ordonné la remise en liberté du notaire, moyennant le respect de diverses conditions dont notamment celle de ne pas exercer personnellement ou par interposition toutes activités notariales.

En outre, une nouvelle perquisition avait été ordonnée à l'étude par un juge d'instruction liégeois.

Le 4 février 2013, la Chambre des notaires a désigné un réviseur d'entreprise et expert auprès de la commission de contrôle des comptabilités des notaires de la province de Liège, afin qu'il analyse la comptabilité du notaire.

Le 7 juin 2013, la Chambre des notaires a cité le notaire devant le Tribunal de première instance de Liège aux fins d'entendre prononcer une peine disciplinaire de destitution à son encontre.

Aux termes d'un jugement prononcé le 9 mai 2014, le Tribunal de première instance de Liège a prononcé la peine de destitution à l'encontre du notaire.

Le 23 mai 2014, le notaire a interjeté appel de cette décision. Cet appel vise à entendre réformer le jugement. 

 

Décision de la Cour d’appel de Liège

La Cour rappelle qu'un notaire doit s'abstenir de tout comportement qui porte atteinte à la dignité du notariat ou qui peut constituer un manquement aux devoirs de la fonction.

La Cour constate, à l'analyse détaillée du dossier, que de novembre 2007 à mai 2012, le notaire P a manqué gravement à ses obligations déontologiques, soit en ne se faisant pas provisionner pour des frais d'acte, soit en ne payant pas au fisc le montant des notifications fiscales.

Par ailleurs, le règlement du 9 octobre 2011 pour l'organisation de la comptabilité notariale établit les règles générales relatives à la comptabilité notariale et leurs modalités d'application.

Le notaire reconnait avoir effectué des paiements lui-même dans quelques dossiers car il y avait des paiements en liquide, ce qui était exceptionnel par rapport à l'ensemble des clients de son étude, raison pour laquelle il s'est occupé de ces paiements dans ces dossiers.

La Cour constate que les reçus et décomptes manuscrits dans les dossiers litigieux ont bien été rédigés personnellement par le Notaire.

Le notaire soutient que cela ne démontre pas qu'il faisait personnellement la comptabilité et que les responsabilités doivent être recherchées également dans le chef du comptable.

La Cour considère à cet égard que c'est sur le notaire et non le comptable d'une étude notariale que repose la responsabilité de contrôle et de surveillance de la fiabilité parfaite des opérations comptables, ce qui avait été rappelé au notaire dans la décision disciplinaire de la chambre des notaires du 6 mai 2008.

Par conséquent, la Cour considère que c'est à bon droit que le tribunal a estimé établies, dans le chef du notaire, les fautes disciplinaires qui lui sont reprochées en matière de comptabilité.

En ce qui concerne la violation de l'article 4 du Code de déontologie, à savoir, l’obligation de recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, la Chambre des notaires reproche au Notaire d'avoir passé des actes authentiques incorrects, dans un ordre inversé et, contenant des signatures ou mentions incorrectes.

En effet, dans un dossier, il apparaît que le prix de vente fixé dans l'acte authentique est de 150.000 euros et qu'il est acté que le vendeur est payé à due concurrence.

Cependant, le décompte du notaire démontre que l'immeuble a fait l'objet en réalité d'une vente pour un prix de 120.000 euros.

Cette pratique est tout à fait contraire à l'authenticité attachée à un acte notarié.

En effet, l'acheteur acquitterait des droits d'enregistrements calculés sur le prix contenu dans l'acte, soit 150.000 euros alors que le prix est en réalité de 120.000 euros.

Le crédit octroyé par la banque pour l'achat de l'immeuble est d'un montant de 150.000 euros dont 20 % ne seront pas affectés à l'achat de l'immeuble, en contrariété avec les conditions d'octroi du crédit.

La Cour considère donc que ce manquement est avéré.

Enfin, la Cour constate que le notaire n’a pas respecté les instructions de la banque. A cet égard, le notaire reconnait avoir commis une faute déontologique en n'ayant pas signalé aux banques que le montant du prêt n'était pas exclusivement destiné à l'acquisition.

Sur cette base, la Cour considère que le notaire a commis des manquements graves et répétés à ses devoirs de probité, d’impartialité et de conseil.

Au niveau de la sanction du notaire, le notaire conteste la proportionnalité de la peine de destitution.

En l’espèce, la Cour tient compte des éléments suivants:

- l'existence d'un antécédent disciplinaire en matière de non-respect de ses obligations en matière de comptabilité,

- la nature et la gravité intrinsèque des fautes commises,

- le nombre de manquements concernant six catégories de fautes professionnelles,

- le caractère répété de ceux-ci,

- la longueur de la période durant laquelle ils ont été commis (plus de 3 ans),

- de son expérience dans la profession,

- de la conscience qu'il a dû nécessairement avoir de la commission de ses fautes déontologiques.

La Cour considère que les faits commis par le notaire portent atteinte à la dignité de la fonction. Les manquements compromettent également le bon fonctionnement de l'institution notariale dans son ensemble et la confiance de la population dans cette institution.

Seule, la sanction de destitution, proportionnée en l'espèce à la quantité et à la gravité des manquements déontologiques constatés doit être appliquée.

La Cour considère donc l’appel non fondé.

 

Bon à savoir

Il est intéressant de rappeler que le règlement du 9 octobre 2011 pour l'organisation de la comptabilité notariale détermine les règles générales relatives à la comptabilité notariale et leurs modalités d'application.

La comptabilité d'un notaire doit permettre de constater les recettes et les dépenses de toute nature effectuées par le notaire, soit à l'occasion d'un acte ou d'une opération de son ministère, soit pour compte de clients ou de mandants, de connaître immédiatement les sommes dues aux tiers, tant de manière globale qu'individuelle, de permettre de manière fiable et transparente le contrôle de la comptabilité.

Par ailleurs, le notaire qui commet des fautes déontologiques peut se voir sanctionné par la Chambre des notaires. 2

Pour apprécier la sanction disciplinaire adéquate à appliquer à un notaire, il y a lieu de rappeler que la procédure disciplinaire a pour objet d'examiner si le professionnel a enfreint les règles de déontologie ou a porté atteinte à l'honneur et à la dignité de la fonction et cela même en l'absence de dommage moral ou financier subi par des tiers. 3

L'objectif des règles disciplinaires est de garantir l'intérêt général et de rétablir la confiance du public quand elle a été atteinte par un comportement fautif d'un professionnel. 4

Le notaire participe de manière essentielle à la sécurité juridique et doit pouvoir jouir d'une confiance absolue de tous les acteurs de la société qu'il soit un citoyen, un organisme de crédit, une administration ou l'institution judiciaire. 5

En outre, le notaire a une responsabilité importante liée à la situation de monopole dont il jouit et qui donne un caractère certain et vrai au contenu de ses actes.

Pour déterminer adéquatement la sanction disciplinaire, il faut donc prendre en compte les circonstances spécifiques de la cause, et ce, de manière individualisée. 6

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

____________________________

1. Liège, 09 mars 2015, RG : 2014/Rg/847.

2. P. HARMEL., « Organisation et déontologie du notariat », Rép. not., Tome XI, Le droit notarial, Livre 5, Bruxelles, Larcier, 1979, n° 391.

3. E. VAN SOEST., « Langues », Rép. not., Tome XIII, Procédure notariale, Livre 8, Bruxelles, Larcier, 2008, n° 158.

4. Voyez : M. BOES., « L'acte notarié au risque de l'infraction », in L'urbanisme dans les actes, Bruylant, Bruxelles,1999, 681-724.

5. Civ. Bruxelles n° 2011/7778/A, 28 février 2012, D & T 2013, liv. 2, 279.

6. Cass. RG C.93.194.N, 18 novembre 1994 (X. / Procureur du Roi), Arr. Cass. 1994, 989.