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NOTAIRE

Bon a savoir

23 Mars 2016

Le notaire défaillant ou en déconfiture – ASBL Sécurité Notariale

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Présentation des faits 1 

Dans les faits, Madame G et Monsieur D ont, par acte notarié du 5 février 1991, vendu un immeuble situé à Huy. Le solde du prix de vente est resté entre les mains du notaire instrumentant, Notaire L.

Le Notaire L a démissionné et cette démission a fait l'objet d'une publication au Moniteur belge le 22 septembre 1991.

Après cette démission, un décompte a été dressé par l'étude du Notaire reprenant un solde créditeur des époux G.-D. de 1.060.267 BEF. Ce décompte a été signé le 26 octobre 1991 avec la mention manuscrite "peuvent être placés dans les mêmes conditions sous la responsabilité personnelle du Notaire L.".

Le Notaire L a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Huy du chef de faux en écriture, abus de confiance, détournements et escroqueries et condamné par jugement du 24 juin 2003 à payer aux époux D-G. la somme de 26.283,33  €.

Par citation, les époux ont assigné l'ASBL S.N. (Sécurité Notariale) devant le Tribunal de première instance de Huy en paiement d'un montant de 26.833,33 euros.

Le premier juge a rendu son jugement le 7 juin 2010 et a débouté les consorts D.-G. de leurs demandes. Les époux ont interjeté appel de cette décision.

 

Décision de la Cour d'appel de Liège

La Cour rappelle que l'ASBL S.N. a pour but de sauvegarder le bon renom et l'honneur de l'institution notariale. Elle a pour objet de prévenir ou de réparer tout ou partie du dommage qu'un tiers de bonne foi risquerait de subir ou subirait du fait d'un notaire menacé de déconfiture ou défaillant.

L'article 3 des statuts de l'ASBL S.N. précise que la réparation totale ou partielle ne comprendra que le remboursement immédiat ou à terme des sommes d'argent, titres et valeurs quelconques reçus par les notaires à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

En outre, le règlement d'Ordre Intérieur de l'ASBL stipule en son article 4 que les interventions du fonds seront libres et bénévoles.

Les époux appelants soutiennent que l'ASBL S.N. se voit, en vertu des cotisations que lui versent les notaires, tenue d'indemniser les victimes d'éventuelles indélicatesses commises par eux, sur base du mécanisme de la stipulation pour autrui.

La Cour constate que pour qu'il y ait stipulation pour autrui, il faut que des conditions soit réunies. Il faut notamment qu'en contractant avec le promettant, le stipulant ait la volonté de créer un droit direct et propre au profit du bénéficiaire de l'engagement.

En l'espèce, cette première condition n'est pas rencontrée étant donné que tant les statuts que le règlement d'Ordre Intérieur de l'ASBL font en effet apparaître que les notaires n'ont pas eu la volonté de voir l'ASBL S.N. obligée à indemniser, en toutes circonstances, les tiers victimes d'une déconfiture ou d'une défaillance de leur part.

Effectivement, il est clairement repris que l'indemnisation, que les notaires chargent l'ASBL d'assurer, est libre et bénévole et reste soumise à la seule appréciation de l'association qui décide souverainement de l'affectation de son patrimoine, sans créer un droit direct au profit des tiers.

L'ASBL S.N. explique son refus d'intervention par le fait qu'à son estime, les appelants ne remplissaient pas les conditions visées par les statuts. Malgré que les sommes détournées par le notaire L. provenaient en effet bien d'une vente, on se trouvait en l'espèce dans une seconde opération, étant le placement de fonds, par l'intermédiaire du notaire.

La Cour considère donc que c'est à bon droit que le premier juge a estimé que les appelants n'étaient pas fondés à se prévaloir à l'égard de l'ASBL S.N. d'un droit direct tiré d'une stipulation pour autrui dont ils seraient les bénéficiaires. Les demandes dirigées contre l'ASBL S.N. demeurent en conséquence non fondées.

 

Bon à savoir

La stipulation pour autrui consiste en un engagement pris par une personne (le promettant) envers une autre (le stipulant) d'exécuter une prestation au bénéfice d'une troisième, tiers à la convention, le bénéficiaire. 2

La stipulation pour autrui requiert notamment que, en contractant avec le promettant, le stipulant ait la volonté de créer un droit direct et propre au profit du bénéficiaire de l'engagement. 3

En outre, le droit du bénéficiaire doit découler directement du contrat contenant la stipulation.

Or, l'ASBL S.N. a pour but de sauvegarder le bon renom et l'honneur de l'institution notariale. 4 Elle a pour objet de prévenir ou de réparer tout ou partie du dommage qu'un tiers de bonne foi risquerait de subir ou subirait du fait d'un notaire menacé de déconfiture ou défaillant. Le règlement d'Ordre Intérieur de l'ASBL prévoit explicitement que les interventions du fonds seront libres et bénévoles. 5

En conséquent, un tel régime d'indemnisation libre et bénévole ne répond pas aux conditions de la stipulation pour autrui.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

______________

1. Liège (20e ch.), 12 janvier 2012, Bull. ass., 2012, liv. 4, p. 484.

2. Article 1121 du Code civil.

3. S. Bar, « La stipulation pour autrui », in La théorie générale des obligations. Suite, Formation Permanente CUP, Liège, 2002, pp. 251-303 ; Liège (20e ch.), 12 janvier 2012, Bull. ass., 2012, liv. 4, p. 484.

4. Voyez : E. Moreau de Melen, « Institutions notariales », Rép. not., Tome XI, Le droit notarial, Livre 4, Bruxelles, Larcier, 1986, n° 17.

5. J. Demblon, « Code du notariat », Rép. not., Tome XI, Le droit notarial, Livre 2, Bruxelles, Larcier, 1990.