Le notaire et son exigence d'impartialité
Présentation des faits 1
Madame A et Monsieur B se sont mariés en 1985 sous le régime de la séparation des biens. Les époux ont divorcé en 1998. Le jugement prononçant leur divorce a renvoyé les parties devant le notaire C pour procéder aux comptes, liquidation et partage.
Sur les recommandations du juge, le notaire C dépose au greffe civil un état liquidatif, un procès-verbal d’état liquidatif et sa note d’observation.
Suite au dépôt, Madame A a déposé des conclusions au greffe civil car elle doute de l’impartialité du notaire C.
Les arguments de Madame A sont les suivants : le notaire C, après avoir accepté sa mission judiciaire, a acté authentiquement la constitution par Monsieur B et son père d’une SPRL et a reçu le contrat de mariage de séparation des biens de Monsieur B et de sa nouvelle compagne, Madame E. Partant, Madame A considère que le notaire C n’a pas respecté son exigence d’impartialité au regard de l’article 9 de la loi de Ventôse et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et demande qu’il soit pourvu au remplacement du notaire C et que les opérations accomplies par le notaire C soit déclarées nulles.
Le jugement rendu par le Tribunal de première instance a déclaré la demande de Madame A non fondée de sorte que Madame A a fait appel de la décision.
Décision de la Cour d’appel de Mons
La Cour d’appel de Mons indique que l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme est plus exigeant que l’article 9 de la loi de Ventôse et que cette Convention s’applique au notaire commis.
La Cour constate que le notaire C ne respecte pas son exigence d’impartialité étant donné qu’il a conseillé une des parties dans le cadre d’actes autres que ceux pour lesquels il a été commis, mais qui sont susceptibles de créer un manque d’impartialité dans le chef du notaire.
Partant, la Cour reçoit l’appel de Madame A et le déclare fondé. La Cour déclare nulles et de nul effet toutes les opérations de comptes, liquidation et partage accomplies par le notaire C, décharge le notaire C de sa mission et désigne un autre notaire.
Bon à savoir
L’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme est applicable au notaire commis. 2 L’exigence d’impartialité s’apprécie non seulement d’un point de vue subjectif (sa conviction, son comportement) que d’un point de vue objectif 3, c’est-à-dire que le notaire ne peut donner l’impression d’avoir un parti pris, un préjugé à l’égard d’une partie ou induire un doute quant à son impartialité. 4
Le fait pour un notaire d’intervenir dans les opérations de liquidation-partage judiciaire et de devenir ensuite le notaire-conseil d’une des parties, même concernant des autres actes, manque à son exigence d’impartialité. 5
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, (2e chambre), 17 février 2009, J.L.M.B., 2011/08, p. 357.
2. CEDH, 28 novembre 2000, arrêt Siegel c./ France, R.T.D.F., 2001, p. 759.
3. J. Ledoux et D. Sterckx, « La réforme du notariat et des actes notariés », J.T., 2000, p. 211 ; H. Casman, « La déontologie du notaire commis », in Le notaire, le juge et l’avocat, pp. 333 et s.
4. S. Van Drooghenbroeck, « La Convention européenne des droits de l’homme », in Les dossiers du J.T., vol. I, Articles premier à 6 de la Convention, De Boeck et Larcier, Bruxelles, 2006, p. 132.
5. Mons, 6 janvier 2004, Rev. not. b., 2004, p. 699 ; Mons, 22 octobre 1998, Rev. not. b., 2001, p. 603.