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NOTAIRE

Bon a savoir

31 Aout 2016

La faute du notaire – Vente déguisant une donation

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Présentation des faits 1

Par acte passé devant le notaire X., le 19 juin 2006, Madame C. (alors âgée de 88 ans) avait donné aux parties T. et F. la nue-propriété de titres (dont la donatrice se réservait l’usufruit) pour une valeur totale de 95.305 €. Les parties sont respectivement neveu et petit-neveu de Madame C.

Par acte passé par le notaire Y. le 27 juillet 2006, Madame C. vend la nue-propriété de son appartement, en s’en réservant l’usufruit, aux mêmes consorts D., pour le prix de 130.000 €, la valeur vénale dudit bien étant estimée «pro fisco» à 140.000.

L’acte stipule que le prix serait payé dans le délai de deux ans mais, contient néanmoins une dispense d’inscription hypothécaire d’office alors que le but de telle inscription est de garantir le paiement du prix.

L’acte de vente a été enregistré le 2 août 2006 et les droits ont été payés sur la base des articles 44 et 48 du C. enr. de la Région de Bruxelles-Capitale – soit 12,5% de la valeur de la pleine propriété dudit bien soit encore 17.500 €.

Enfin, le 12 septembre 2006, par acte du même notaire Y., Madame C. accorde aux acquéreurs la remise totale, gratuite et définitive du prix de cette vente.

L’acte contient une déclaration pro fisco par laquelle les parties se réfèrent expressément à l’article 131, § 2 du C. enr.3 – cet acte étant par-là qualifié fiscalement de donation mobilière à concurrence de 130.000 €.

L’acte stipule que les frais d’acte seraient supportés par les donataires. Cet acte a été enregistré le 22 septembre 2006 et à cette occasion, il a été perçu le droit de 7% prévu, soit 9.100 €.

L’Etat, après enquête, constate que les frais d’acte et d’enregistrement de la donation du19 juin 2006 (7.900 €), de la vente du 27 juillet 2006(20.070 €) et de la remise de dette du 12 septembre 2006 (10.500 €) avaient été payés au notaire Y. par un compte indivis au nom des consorts D., en utilisant le produit de la vente d’une partie des titres dont seule la nue-propriété leur avait été cédée le 19 juin 2006.

L’Administration déduit de ces différents actes, que Madame C. a organisé le transfert de son patrimoine au profit de ses neveu et petit-neveu à titre gratuit en se réservant toutefois l’usufruit de l’immeuble dans lequel elle vit, en prenant à sa charge les frais et droits liés à ces opérations.

L’Administration plaide l’existence d’une simulation, les opérations envisagées révélant à ses yeux une donation immobilière pour une valeur de 70.000 € pour chacun des deux donataires.

 

Décision du Tribunal de première instance de Bruxelles

Le Tribunal considère que l’acte authentique de donation n’est en l’espèce qu’une des présomptions réunies et n’a pas en soi valeur de preuve d’une contre-lettre à sa date précise.

Ce sont donc les effets de la convention entre parties qu’il y a lieu d’examiner pour déterminer si l’acte n’est qu’apparence simulée et précisément le faisceau de présomptions réunies par l’Etat.

Le Tribunal considère que l’Etat démontre bel et bien que les parties n’ont jamais entendu voir les acheteurs apparents payer le prix d’une vente, de sorte que leur volonté réelle correspond à une donation immobilière régulièrement frappée des droits d’enregistrement en tant que telle.

Quant au notaire, les demandeurs en garantie sollicitent la condamnation de leur notaire à les couvrir de toute somme due dans le cadre du litige (les droits, comme les amendes) ainsi que sa condamnation au remboursement des honoraires perçus (3.525,41 €). Le fondement de leur demande est la responsabilité civile.

En ce qui concerne la faute de notaire, les demandeurs imputent à leur notaire un manquement à son devoir de conseil, soit pour la conception de l’opération, soit pour un manque d’informations quant aux risques qu’elle présentait.

Le Tribunal considère que le notaire Y. est responsable de la conception d’une opération dont le caractère frauduleux ne pouvait lui échapper et ces opérations ne pouvaient être exécutées sans son concours actif, puisqu’il y avait cession immobilière; il pouvait donc, et devait, non pas seulement informer ses clients des risques, mais s’abstenir de concevoir cette opération.

Sa faute est, par conséquent, certaine.

En ce qui concerne le lien de causalité et le préjudice,  le notaire Y. conteste tout lien causal entre cette faute et un préjudice qui consisterait en le paiement des droits d’enregistrement et de ses honoraires sur l’acte de vente.

Il est acquis que la volonté des parties était de voir les demandeurs percevoir à titre gratuit les éléments litigieux du patrimoine de la donatrice, et le fait de payer les droits et frais inhérents à la cession du bien n’est pas un préjudice qui puisse être vanté, dès lors que cet effet est acquis pour un coût correspondant à sa nature.

En revanche, les honoraires liés à une donation par remise de dette séparée, ont été engagés en vain et leur demande en garantie est donc fondée à due concurrence, soit le montant de 1.274,21 + 6,00 + 112,29 = 1.392,50 €.

Par ailleurs, en ce qui concerne les amendes, le notaire ne conteste pas leur prise en charge.

La demande en garantie est fondée dans cette double mesure.

 

Bon à savoir

Le notaire, rédacteur de l’acte notarié, est responsable de la conception d’une opération dont le caractère frauduleux ne pouvait lui échapper et ces opérations ne pouvaient être exécutées sans son concours actif, puisqu’il y avait cession immobilière; il pouvait donc, et devait, non pas seulement informer ses clients des risques, mais s’abstenir de concevoir cette opération. Sa faute est certaine

Le notaire ne devait,  pas seulement informer ses clients des risques, mais s’abstenir de concevoir cette opération.

Le Tribunal estime toutefois qu’il n’y a pas de lien causal entre cette faute et les droits et frais liés à la cession de l’immeuble: la cession de l’immeuble à titre gratuit, est un effet obtenu pour un coût correspondant à sa nature.

En outre, il n’était pas affirmé par les contribuables que les honoraires du notaire auraient été différents pour une donation immobilière, et les droits d’enregistrement initialement payés ont tous été pris en compte dans le décompte final de l’administration.

En ce qui concerne les amendes, le notaire ne contestait pas devoir les prendre en charge. Le Tribunal estime que les honoraires liés à la donation par remise de dette séparée ont été engagés en vain, et que le lien causal entre ce dommage et la faute du notaire est établi.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

___________________________

1. Civ. Bruxelles, 9 janvier 2013, Rec. gén. enr. not. 2013, liv. 8, 348.