La faute du notaire dans le cadre d'une procédure d'adjudication
Présentation des faits 1
Les époux A et B ont acquis un appartement à Liège selon procès-verbal d'adjudication.
Le juge des saisies a désigné le notaire X pour procéder à cette adjudication sur saisie immobilière. Le notaire X n'a pas fait signifier l'ordonnance de désignation sur la base de laquelle il poursuivait la procédure immobilière.
L'ordonnance rendue par le juge des saisies a été annulée par un jugement ultérieur au motif que le juge ayant rendu l'ordonnance avait statué ultra petita, étant donné que le notaire X a été désigné à nouveau pour procéder aux opérations d'adjudication et d'ordre dès lors qu'il avait déjà été désigné à la requête de la S.A. G.
Ainsi, l'ordonnance étant annulée du fait que la procédure d'adjudication ayant été entamée plus de six mois après l'ordonnance, la procédure d'adjudication a été déclarée nulle sur la base des articles 1587 et 1622 du Code judiciaire.
Par conséquent, les époux ont réclamé la condamnation du notaire X à les indemniser pour le préjudice subi du fait de l'annulation de l'adjudication et de la perte rétroactive de leur qualité de propriétaires de l'appartement.
En degré d'appel, le notaire X reconnaît que, sans son erreur, le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est produit, mais considère que les fautes de l'Etat belge ont concouru à celui-ci.
Décision de la Cour d'appel de Liège
Le notaire X a reconnu avoir agi imprudemment en ne faisant pas signifier l'ordonnance de désignation sur la base de laquelle il poursuivait la procédure immobilière et que, sans cette erreur, le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est produit.
En effet, en ne procédant pas à la signification de l'ordonnance, le notaire X n'a pas agi comme l'aurait fait un professionnel normalement diligent et prudent, placé dans les mêmes circonstances, qui connaît les risques qu'une telle carence peut entraîner quant à l'annulation d'une adjudication et ses suites dommageables.
Le notaire X se devait de signifier cette ordonnance de manière telle que le délai pour former tierce opposition à celle-ci soit expiré avant l'adjudication ; qu'en effet, « le socle sur lequel repose toute la procédure ultérieure peut être remis en question aussi longtemps que l'autorité de chose jugée de l'ordonnance n'est pas consolidée par l'écoulement du délai d'un mois à dater de la signification prévue par l'article 1034 et que l'adjudication est encore susceptible d'être annulée ». 2
Par conséquent, le notaire X a commis une faute étant donné que si la signification de l'ordonnance avait eu lieu en temps voulu, celle-ci aurait acquis force de chose jugée avant même la première séance d'adjudication et la procédure subséquente n'aurait plus pu être annulée.
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat belge, le notaire X considère que la responsabilité de l'Etat est également engagée, sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil.
La Cour précise que « la faute du magistrat pouvant entraîner la responsabilité de l'Etat consiste, en règle, en un comportement qui, ou bien s'analyse en une erreur de conduite qui doit être appréciée suivant le critère du magistrat normalement soigneux et prudent, placé dans les mêmes conditions, ou bien, sous réserve d'une erreur invincible ou d'une autre cause de justification, viole une norme du droit national ou d'un traité international ayant des effets dans l'ordre juridique interne, imposant au magistrat de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée. Lorsque l'acte incriminé constitue l'objet direct de la fonction juridictionnelle, la responsabilité de l'Etat ne peut être encourue que si l'acte litigieux a été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passée en force de chose jugée en raison de la violation d'une norme juridique établie ». 3
Par conséquent, sans la faute de l'organe de l'Etat, concurrente avec celle du notaire X, le dommage des demandeurs originaires ne se serait pas produit tel qu'il s'est produit.
Le notaire X et l'Etat belge sont condamnés in solidum à payer aux époux A et B la somme définitive de 22.378,66 €.
Bon à savoir
Le notaire commis pour procéder à une adjudication sur saisie immobilière se doit de signifier l'ordonnance qui le désigne de manière telle que le délai pour former tierce opposition à celle-ci soit expiré avant l'adjudication.4 A défaut, il commet une faute.
Sans cette faute, le dommage résultant de l'annulation de l'adjudication ne se serait pas produit tel qu'il s'est réalisé.
Par ailleurs, est également constitutif de faute le comportement du juge des saisies qui statue ultra petita en désignant un notaire alors que les requérants ne sollicitaient que leur subrogation dans les droits d'un créancier, d'une part, et que les pièces prévues par l'article 1580 du Code judiciaire ne lui étaient pas produites, d'autre part. 5 Cette faute est en relation causale avec le dommage résultant de l'annulation de l'adjudication en ce qu'elle a induit le notaire commis en erreur quant au délai dont il disposait pour procéder à l'adjudication. 6
En telle hypothèse, il y a lieu à partage des responsabilités entre le notaire commis et l'Etat belge.
_______________
1. Liège (3e ch.), 28/04/2003, J.T., 2003/23, n° 6101, pp. 483-486.
2. G. de Leval, « La saisie immobilière », Rép. not., t. XIII, liv. II, no 343, p. 254.
3. Cass., 8 déc. 1994, J.L.M.B., 1995, p. 387 et obs. D.-M. Philippe.
4. J.-L. Ledoux, Rev. not., 1985, p. 111.
5. Voyez : « La responsabilité de l'Etat du fait des magistrats - A propos de l'arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 1991 », J.T., 1992, p. 449
6. R.O.D., « Observations », J.T., 2003/23, n° 6101, p. 486.