Nullité de l'acte de donation – Vice de forme
Présentation des faits 1
Madame A est veuve de Monsieur B qui est décédé le 21 août 1971. Suite au décès de son mari, Madame A était devenue propriétaire d'un immeuble.
Après quelques années, Madame A s'est mise en ménage avec Monsieur R. Ce dernier a institué Madame A légataire universelle par le biais d'un testament olographe du 12 mars 1974.
Madame A a vendu son immeuble par acte du notaire X en date du 25 novembre 2008. Par acte du 9 février 2010, Madame A a fait donation à Monsieur R de la somme de 50.530 euros.
Monsieur R est décédé le 9 octobre 2011 sans laisser d'héritier réservataire. Sa succession a été recueillie dans son intégralité par Madame A, sa légataire universelle.
Par ordonnance du 17 novembre 2011, Madame A a été placée sous administration provisoire.
L'administrateur provisoire a déposé au greffe du tribunal de première instance de Marche-en-Famenne, une requête unilatérale en annulation de la donation que Madame A a consentie, trois ans plus tôt, à son feu compagnon, Monsieur R.
À l'appui de sa requête, l'administrateur provisoire invoque un vice de forme étant donné que l'acte ne porte ni la signature de la donatrice, ni la mention de la déclaration qu'elle aurait faite elle-même, selon laquelle elle ne savait ou ne pouvait pas signer.
Décision du Tribunal
Quant à la recevabilité de la demande, le Tribunal constate que la demande a été introduite par le biais d'une requête unilatérale.
A cet égard, l'article 700, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que :
« À peine de nullité, les demandes principales sont portées devant le juge au moyen d'une citation, sans préjudice des règles particulières applicables aux comparutions volontaires et aux procédures sur requête ».
En l'espèce, Madame A, représentée par son administrateur provisoire, demande que soit constatée la nullité de la donation qu'elle a consentie le 9 février 2010 à Monsieur R.
Une telle demande doit, en principe, être introduite contre le bénéficiaire de cette donation, Monsieur R. Toutefois, Madame A est l'ayant-cause universel de ce dernier, de telle manière que sa personne se confond avec celle du donataire.
Le Tribunal considère donc qu'il serait donc déraisonnable d'imposer à Madame A de se citer elle-même et d'être à la fois demanderesse et défenderesse dans la même cause.
Ainsi, le recours à la requête unilatérale est absolument nécessaire et la demande doit être considérée comme recevable.
Quant à l'annulation de la donation, Madame A, représentée par son administrateur provisoire, demande que soit constatée la nullité de la donation en raison d'un vice de forme.
En effet, Madame A demande que soit sanctionnée la violation de l'article 14 de la loi de ventôse, organique du notariat, qui dispose que « Les actes seront signés par les parties, les témoins et le notaire. Mention de la signature est faite à la fin de l'acte. Quant aux parties qui ne savent ou ne peuvent signer, le notaire doit faire mention, à la fin de l'acte, de leurs déclarations à cet égard ».
Le Tribunal précise que toutes les prescriptions de l'article 14 de la loi de ventôse sont établies à peine de nullité de l'acte notarié. 2
Dans le cas d'espèce, l'acte de donation n'est pas signé par Madame A. L'acte reprend la mention suivante :
« Fait et passé à Marche-en-Famenne, (...), date et lieu que dessus. En présence de Madame C. A., domiciliée (...) et de Madame M. I., domiciliée (...), témoins instrumentaires à ce spécialement requis, lesquels attestent que la donatrice ne peut signer en raison de sa grave maladie ».
Le Tribunal considère que la déclaration d'absence de signature ne doit pas émaner des témoins, mais, selon le texte de l'article 14 de la loi de ventôse, organique du notariat, de la partie à l'acte elle-même.
À défaut d'une telle déclaration, l'acte ne vaut pas comme acte authentique. Or, aux termes de l'article 931 du Code civil, les donations doivent, à peine de nullité, faire l'objet d'un acte notarié.
Il en résulte qu’à défaut d'avoir été faite par acte notarié valable, la donation par Madame A à Monsieur R, est nulle.
Bon à savoir
En principe, le recours à la procédure unilatérale est permis non seulement dans les cas qui sont expressément prévus par la loi mais, également lorsque la demande ne comporte pas d'adversaire 3.
Or, lorsque le donataire est décédé sans laisser d'héritier réservataire et qu'il avait institué la donatrice légataire universelle, la personne de cette dernière se confond avec celle du donataire, de sorte qu'elle peut demander l'annulation de la donation par voie de requête unilatérale. 4
Par ailleurs, l'article 14 de la loi de ventôse dispose que « Les actes seront signés par les parties, les témoins et le notaire. Mention de la signature est faite à la fin de l'acte. Quant aux parties qui ne savent ou ne peuvent signer, le notaire doit faire mention, à la fin de l'acte, de leurs déclarations à cet égard. » 5
Sur base de cette disposition, l'acte de donation est nul si, à défaut de signature, il ne porte pas la mention selon laquelle la donatrice elle-même a déclaré ne pouvoir signer. 6
Le fait d'indiquer la mention selon laquelle les témoins instrumentaires attestent que la donatrice ne peut signer en raison de sa grave maladie ne suffit pas.7
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Tribunal civil Marche-en-Famenne (juge unique), 24/10/2013, J.L.M.B., 2014/37, p. 1783-1786.
2. Article 114 de la loi de ventôse.
3. H. Boularbah, Requête unilatérale et inversion du contentieux, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 162 et 163, nos 212 et 213.
4. Voyez : C. trav. Liège (13e ch.), J.L.M.B., 2011, p. 613 ; H. Boularbah, « L'absence de partie adverse ou l'impossibilité d'identifier celle-ci, conditions de l'introduction de la demande par requête unilatérale », note sous Cass., 25 février 1999, R.D.J.P., 1999, p. 97.
5. Voyez également l'article 114 de la loi ventôse.
6. Voyez : C.C., 31 juillet 2008, Rev. not. belge, 2008, p. 503 et note de C. De Busschere, « Het Grondwettelijk Hof, het notariaat, de notariële akten en de nietigheden bij inbreuken op vormvoorschriften "ad validitatem" van sommige notariële akten », T. Not., 2009, p. 277.
7. J. DEMBLON, P. HARMEL, M. RENARD-DECLAIRFAYT ET J.-F. TAYMANS, « L'acte notarié », Rép. not., tome XI, livre VII, Bruxelles, Larcier, 2002, p. 282, n° 402.