La responsabilité du notaire – Défaut de signature d'une partie comparante
Présentation des faits 1
Dans les faits, en garantie d'un prêt, une hypothèque a été prise sur l'immeuble appartenant en copropriété à Madame K et à son fils, Monsieur B.
Monsieur B est mentionné dans l'acte de prêt hypothécaire comme emprunteur solidaire mais n'a pas signé l'acte en question.
En conséquence, lorsque le bien hypothéqué a été vendu en 1985 à la suite du non-respect par les époux (Monsieur P et Madame K) de leurs obligations de remboursement, la banque A n'a obtenu que la moitié du prix de vente, tandis que le solde a été versé à Monsieur B en sa qualité de copropriétaire de l'immeuble.
La banque A a déposé une citation à l'encontre du notaire X.
Le tribunal a déclaré les demandes non fondées. Il a, en conséquence, déclaré les diverses demandes sans objet.
La banque A a fait appel de cette décision. En effet, elle poursuit l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi à la suite de la faute commise par le notaire X lors de la passation d'un acte de prêt hypothécaire en faveur de Monsieur P et de son épouse, Madame K.
Décision de la Cour d'appel de Bruxelles
L'acte notarié dressé par le notaire X est rédigé comme suit : « Qu'ont comparu » Monsieur C. qui représente E » Et » Monsieur et Madame P et son épouse Madame K.,» Monsieur B (le fils de Madame K) » "les emprunteurs";» Que les emprunteurs reconnaissent avoir reçu en prêt à intérêts, la somme d'un million de francs qui leur est remise en présence du notaire instrumentant; » Qu'à titre de garantie, les emprunteurs donnent en hypothèque la maison d'habitation située à Tirlemont, (...); » Que les emprunteurs déclarent que cet emprunt est fait exclusivement à l'avantage de Monsieur et Madame P.-K. qui seuls ont reçu tout le capital prêté;» Qu'en conséquence, ce sont eux seuls qui effectueront les remboursements prévus à l'acte… »
Les parties ont signé l'acte à l'exception de Monsieur B, fils de Madame K.
Par conséquent, la Cour constate que l'acte est entaché d'une irrégularité dans la mesure où Monsieur B n'a pas signé l'acte de prêt alors que le notaire a noté sa présence en qualité de coemprunteur solidaire.
En effet, la signature de l'acte est une des solennités requises pour marquer son adhésion au contenu de l'acte, de sorte, qu'à défaut de signature de Monsieur B, cet acte ne peut lui être opposé.
Toutefois, l'engagement de Monsieur B vis-à-vis de la banque A pourrait être rapporté par présomptions ou témoins, s'il existe un commencement de preuve par écrit.
Cela étant, en l'espèce, aucune des pièces visées par le notaire X ne constitue un commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 du Code civil.
En conclusion, il n'existe aucune preuve que Monsieur B se serait engagé comme emprunteur solidaire du prêt accordé aux époux P-K, en telle sorte que c'est à tort que le notaire X estime que la banque A pouvait se retourner directement contre lui.
En ce qui concerne la présence de Monsieur B à l'acte, les parties ne sont pas d'accord. Toutefois, aucun élément ne permet de départager la version contradictoire des parties en telle sorte qu'il n'est pas possible de déterminer si Monsieur B était bien présent lors de la signature de l'acte.
Le notaire X indique dans ses conclusions que Monsieur B était bien présent en son étude lors de la réception de l'acte authentique, mais que c'est à la suite d'une erreur matérielle que celui-ci n'a pas signé l'acte litigieux.
La Cour constate qu'il ne s'agit pas d'une reconnaissance de responsabilité. Il s'agit, en revanche, dans le chef de notaire X de la reconnaissance d'un fait matériel qui le lie.
À partir du moment où le notaire X admet avoir oublié de faire signer une des parties comparantes et cocontractantes, il a agi en violation de l'article 14 de la loi de ventôse et a, partant, commis une faute qui engage sa responsabilité quasi délictuelle à l'égard de la banque A.
La faute du notaire a eu pour conséquence que Monsieur B n'a souscrit aucune obligation à l'égard de la banque A en telle sorte qu'elle n'a pas obtenu une hypothèque sur l'intégralité de l'immeuble.
Le préjudice en lien causal avec le manquement du notaire s'élève à 12.394,68 EUR.
Bon à savoir
Lorsque le notaire dresse un acte de prêt hypothécaire, ce dernier est entaché d'irrégularité lorsqu'il y fait mention d'une partie comparante mais que cette dernière n'a pas signé l'acte 2.
Il en découle que cet acte ne peut être opposé à la partie n'ayant pas signé. 3 En outre, on ne peut pas non plus considérer cet acte comme étant un commencement de preuve par écrit. 4
Si le notaire affirme que la partie était bien présente à l'acte mais qu'elle n'a pas signé l'acte en raison d'une erreur matérielle, ce notaire viole l'article 14 de la loi de ventôse et engagement sa responsabilité à l'égard de l'organisme de prêt. 5
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d'appel de Bruxelles 4e ch., 15/01/2013 R.G.A.R., 2013/4, p. 14968.
2. P. Harmel, M. Rernard-Declairfayt et J.-F. Taymans, « L'acte notarié », Rép. not., t. XI, I, VII, n° 380.
3. P. Harmel, M. Renard-Declairfayt ET J.-F. Taymans, op. cit., n° 387.
4. M. Renard-Declairfayt, « La force probante des actes notariés », Rép. not., t. XI, I,VI, n° 201.
5. Article 1317 du Code civil ; Article 14 de la loi de ventôse.