Le report de la date de passation de l'acte authentique
Présentation des faits 1
Dans les faits, Monsieur S vend à Madame F, par acte signé en 2008, un immeuble. Monsieur J se porte fort pour le versement de la garantie, l'octroi du prêt hypothécaire et le paiement de l'indemnité de 1.200 euros en cas de refus du prêt.
Le montant de l'acquisition du bien est de 220.000 euros et il est prévu que l'acquéreur versera pour le 20 février 2008 à titre de garantie de bonne fin de la vente une somme de 10.000 euros en l'étude du Notaire A.
L'avocat de Monsieur S (vendeur) envoie un courrier le 7 juillet 2008, en ces termes :
« L'acte authentique devait être passé dans les quatre mois soit avant le 9 juin 2008. De commun accord, la date a été repoussée jusqu'au 30 juin 2008. À ce jour, il n'a toutefois pas été passé.
Conformément aux termes du compromis de vente, je suis mandaté pour vous adresser injonction de ce faire à défaut de quoi, dans la quinzaine de la présente, la vente sera réputée nulle et non avenue de plein droit ».
Après plusieurs reports, un acte de vente a finalement été signé le 10 décembre 2008.
Monsieur S reproche à madame F de ne pas avoir obtenu son prêt dans le délai conventionnel. En outre, Madame F n'a pas actionné la condition suspensive.
En outre, Monsieur S reproche à l'acquéreuse de ne pas avoir payé l'indemnité forfaitaire convenue lors du report de la signature de l'acte authentique de vente.
Le Tribunal de première instance de Charleroi a considéré que la demande principale de monsieur S n'était pas fondée.
Décision de la Cour d'appel de Mons
Le compromis de vente du 28 février 2008 prévoit notamment à titre de condition suspensive l'obtention par les acquéreurs d'un prêt pour un montant de 220.000 euros.
Il est par ailleurs précisé que : « Si les acquéreurs n'obtiennent pas eux-mêmes l'accord de prêt, ils en avertiront le vendeur par lettre recommandée au plus tard le 27 mars 2008. La clause suspensive ne sera d'application et la vente nulle et non avenue que si les acquéreurs ont averti le vendeur comme dit ci-avant et qu'ils ont fourni au vendeur la preuve du refus du prêt. En ce cas, les montants versés seront remboursés sous déduction d'une somme de 1.200 euros qui restera acquise aux vendeurs à titre d'indemnité ».
Il est aussi indiqué que, dans l'hypothèse où le contrat de vente n'est pas signé dans le délai de quatre mois, chacune des parties pourra soit poursuivre l'exécution de la vente, soit, quinze jours après injonction par recommandée ou lettre d'huissier, réputer la vente nulle et non avenue et, dans tous les cas, la partie défaillante sera tenue de payer à titre de dommages et intérêts forfaitaires un montant égal à 10 pour cent du prix de vente outre le remboursement de l'autre partie de tous les frais exposés par elle et, le cas échéant, de la garantie reçue, majorée de tous les frais, droits et amendes résultant de la résiliation.
La Cour constate que Monsieur S avait prévu dans le courrier envoyé par son conseil un délai de quinze jours pour considérer la nullité de la convention. Cela étant, Monsieur S a renoncé à ce délai puisqu'il écrivait le 6 octobre 2008 par l'intermédiaire de son conseil qu'il serait présent le 13 octobre 2008 pour la signature de l'acte authentique de vente lequel a finalement été signé le 10 décembre 2008.
A cet égard, Monsieur S soutient que cet acte authentique constitue un nouvel échange de consentement mais n'a pas d'incidence sur le fait que le compromis initial a été annulé.
Il considère que la lettre de son conseil du 6 octobre 2008 indiquait qu'il se réservait le droit d'exiger la complète application du compromis de vente, y compris les clauses prévoyant des indemnités ou intérêts de retard pour défaut d'exécution de la partie acquéreuse.
La Cour d'appel considère que l'acte authentique de vente fait expressément référence au compromis de vente, ce qui ne peut s'interpréter que comme la volonté du vendeur de poursuivre l'exécution du compromis et ainsi de renoncer à en invoquer la nullité.
En ce qui concerne la demande en dommages et intérêts de Monsieur S, ce dernier est fondé à réclamer le paiement de 800 euros eu égard au retard apporté dans la signature de l'acte de vente.
Concernant l'éventuel préjudice subi suite au délai entre la passation théorique de l'acte authentique et le moment où il a finalement pu réaliser son immeuble, la Cour d'appel ne fait pas droit à cette demande étant donné que le report de la date de passation de l'acte authentique est imputable aux deux parties contractantes.
Bon à savoir
Lorsque le vendeur participe à la signature de l'acte authentique de vente, et ce, sans se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive mentionnée dans le crédit 2, l'acte authentique, faisant référence au compromis de vente, ne peut s'interpréter que comme la volonté du vendeur de poursuivre l'exécution du compromis. Ainsi, ce vendeur ne peut invoquer la nullité du compromis de vente 3.
En effet, la renonciation à un droit ne se présume pas mais peut résulter de comportements et notamment de l'exécution volontaire d'une convention impliquant la renonciation à se prévaloir de la nullité, lequel comportement ne peut, cependant, être susceptible d'une autre interprétation. 4
Concernant le préjudice subi par le vendeur suite au délai ayant séparé la date de passation théorique de l'acte authentique et le moment où cet acte a finalement été passé, le vendeur ne peut prétendre à une indemnisation lorsque le report de la date de passation de l'acte authentique est imputable aux deux parties contractantes.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d'appel Mons (7e chambre), 16/05/2013, J.L.M.B., 2013/41, pp. 2101-2103.
2. Voyez : B. Kohl, « Section 6 - La vente sous condition suspensive » in La vente immobilière, Bruxelles, Éditions Larcier, 2012, pp. 182-220.
3. Voyez : Tribunal de première instance de Nivelles (10e ch.), 9 septembre 2011, Rev. not., 2013/4, n° 3073, pp. 265-277.
4. Cass., 4 novembre 1988, Pas., 1988, p. 270.