La réticence dolosive lors de la passation de l'acte authentique de vente- Responsabilité du notaire
Présentation des faits 1
Dans les faits, par acte sous seing privé du 12 février 2005, ABC a vendu à Monsieur C un appartement pour 95.000 euros. L'acte authentique de vente passé devant le notaire X est intervenu le 7 juin 2005.
L'immeuble litigieux se trouve dans le périmètre d'un permis de lotir délivré le 7 octobre 1975, dont les prescriptions urbanistiques prévoient notamment :
« a) Le lotissement est réservé exclusivement à la construction d'habitations de résidence des types villa ou bungalow en bâtiment isolé
...
d) Une ou plusieurs parcelles pourront être supprimées et réparties sur les lots les jouxtant de même que deux lots pourront également être réunis ou plusieurs lots, pour n'y ériger qu'une seule construction ».
En 1995, ABC avait demandé un permis de bâtir pour la réalisation sur le lot 59 d'une extension de l'habitation et la modification de l'immeuble existant.
Le collège des bourgmestres et échevins a délivré un permis de bâtir en1996 qui leur impose notamment de :
« - Respecter les prescriptions urbanistiques dudit lotissement où il est stipulé qu'on ne peut ériger qu'une seule habitation lorsque deux ou plusieurs lots sont réunis. Cette extension de l'habitation ne pourra jamais être vendue et devra toujours être rattachée à l'habitation existante ayant fait l'objet du permis de bâtir n° 27 de 1978 (ces deux lots réunis en un seul ne pourront donc jamais faire l'objet d'une modification dudit permis de lotir pour les scinder en deux lots).
- De plus, ils devront respecter leurs engagements et notamment que l'extension ainsi que l'immeuble resteront à destination unifamiliale ».
Or, l'acte authentique passé devant le notaire X porte sur la vente de l'entité B faisant partie du bâtiment A comprenant à l'étage un appartement.
Par citation du 24 mars 2009, Monsieur C a cité ABC en annulation de la vente.
ABC cite en intervention et garantie le notaire X, lequel à son tour appelle en intervention et garantie les Assurances du Notariat.
Le premier juge a prononcé la nullité de la vente, ordonné au vendeur de restituer le prix, et condamné in solidum le vendeur et le notaire X.
Décision de la Cour d'appel de Liège
La Cour constate que la vente litigieuse est contraire aux prescriptions du permis de lotir et du permis de bâtir dès lors que l'ensemble du bâtiment devait rester à destination unifamiliale et que seuls les villas ou bungalows sont autorisés dans le périmètre du lotissement.
L'acte sous seing privé de vente ne comporte nulle mention de l'existence du permis de lotir du 7 octobre 1975, ni de l'existence du permis de bâtir du 29 mai 1996, ni de l'existence d'un procès-verbal d'infraction dressé par le service de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que Monsieur C avait été informé avant ou lors de la vente du 12 février 2005 de la situation urbanistique réelle du bien.
ABC n'a donc pas respecté, en sa qualité de vendeur, son obligation spécifique d'information et de renseignement telle qu'édictée par l'article 85 du Cwatup. Ce silence constitue une réticence dolosive. Le dol principal est sanctionné par la nullité de la convention.
En ce qui concerne la responsabilité du notaire X, l'article 9, § 1er, alinéa 3 de la loi du 4 mai 1999 dispose que le notaire informe toujours entièrement chaque partie des droits, des obligations et des charges découlant des actes juridiques dans lesquels il intervient et conseille les parties en toute impartialité.
Le notaire est tenu d'éclairer les parties à l'acte sur la portée et les effets de leurs engagements, ainsi que sur les risques que présente l'opération, non seulement les risques d'ordre juridique mais aussi sur les risques économiques et sur leurs conséquences fiscales.
L'article 85 du Cwatup met en outre à charge du notaire une obligation spécifique d'information des parties à la vente quant à la situation urbanistique du bien.
En l'espèce, les pièces produites démontrent que le notaire X avait connaissance de l'existence et du contenu de permis de lotir. Or, aucun élément du dossier soumis à l'appréciation de la Cour ne permet de considérer que le notaire X a informé l'acquéreur de l'existence d'un lotissement, des prescriptions urbanistiques imposées par le permis de lotir n'autorisant pas la scission des bâtiments A et B, de l'opposition de la commune à la division du bien, de la circonstance que le permis de bâtir du 29 mai 1996 ne l'autorisait pas non plus ainsi que sur la portée du procès-verbal d'infraction qui avait été dressé par l'administration de l'urbanisme.
Par conséquent, le notaire X a rédigé et passé l'acte authentique de vente en violation des prescriptions du permis de lotir et du permis de bâtir.
Le notaire X ne s'est pas comporté comme l'aurait fait, dans semblables circonstances, un notaire normalement prudent et avisé, soucieux d'informer et de conseiller ses clients. Il a donc engagé sa responsabilité en sa qualité de notaire.
Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que la faute du notaire X a contribué à la survenance du dommage à concurrence de 75 % et celle de ABC à 25 % du dommage.
Le notaire X a commis une faute intentionnelle dès lors qu'existe dans son chef une réticence dolosive envers l'acheteur C, de sorte que Les Assurances du Notariat est fondée à refuser sa garantie.
Bon à savoir
Le vendeur est tenu de mettre à disposition de l'acquéreur un immeuble régulier d'un point de vue urbanistique. Il a l'obligation de déclarer explicitement et expressément à l'acquéreur la situation urbanistique du bien. A défaut, le vendeur peut engager sa responsabilité envers l'acquéreur.
En outre, l'article 9, § 1er, alinéa 3 de la loi du 4 mai 1999 dispose que le notaire informe toujours entièrement chaque partie des droits, des obligations et des charges découlant des actes juridiques dans lesquels il intervient et conseille les parties en toute impartialité.
Il s'agit d'une obligation d'information, de renseignement, de mise en garde et de conseil. 2
Le notaire doit éclairer les parties à l'acte sur la portée et les effets de leurs engagements, ainsi que sur les risques que présente l'opération, non seulement les risques d'ordre juridique mais aussi sur les risques économiques et sur leurs conséquences fiscales. 3
En outre, l'article 85 du Cwatup met à charge du notaire une obligation d'information des parties à la vente quant à la situation urbanistique du bien, et ce sur base des informations qui sont données par l'administration. 4 Il lui incombe en effet d'interroger les pouvoirs publics pour connaître la situation urbanistique du bien et d'en faire mention dans l'acte de vente. Le notaire qui manque à son devoir d'information est susceptible d'engager sa responsabilité. 5
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1. Cour d'appel de Liège - arrêt n° F-20130219-7 (2011/RG/659) du 19 février 2013 © Juridat, 30/03/2013, www.juridat.be.
2. F. Glansdorff, « Les obligations d'information, de renseignement, de mise en garde et de conseil », CUP Mars 2006, vol. 86, p. 123
3. P. Govers, « Les obligations d'information, de renseignement, de mise en garde et de conseil des notaires », CUP vol. 86, pp. 123 et suiv.
4. J.F. Taymans, « Le statut administratif de l'immeuble vendu : quelle responsabilité notariale ? », in La responsabilité civile liée à l'information et au conseil - Questions d'actualité, Facultés universitaires Saint Louis, Bruxelles, 2000, pp. 147-180
5. P. Henry, « Permis d'urbanisme et responsabilités », in Droit de la responsabilité. Domaines choisis, CUP septembre 2010, vol. 119, p. 168.