Le droit international privé – Liquidation et partage
Présentation des faits 1
Dans les faits, Monsieur J, ingénieur civil, a contracté mariage à Angola en 1952 avec Madame P, et ce, sans avoir fait précéder leur union de conventions matrimoniales.
Au moment du mariage, Monsieur J était de nationalité belge (il a acquis la nationalité française par la suite) tandis que l'épouse était de nationalité française.
Les époux ont retenu de leur union, deux enfants, à savoir A et B. Madame P est décédée en 2004 alors que les époux étaient domiciliés en France.
Selon la déclaration de succession dressée le 20 octobre 2004 par le notaire B, la succession de Madame P est dévolue à son époux survivant, ainsi qu'à ses deux enfants, A et B.
Les époux étaient notamment propriétaires d'avoirs bancaires et de deux immeubles, le premier situé en Belgique et le second, en France.
Par citation, Monsieur J a demandé au Tribunal de première instance de Bruxelles d'ordonner le partage de l'immeuble et de dire pour droit que le notaire instrumentant devra lui remettre une moitié du produit net de l'adjudication publique et d'ordonner la vente publique du mobilier.
Le fils de la défunte, a fait valoir devant le tribunal qu'il n'y a pas d'indivision entre son père, qui est usufruitier, et les enfants qui sont nus-propriétaires ; il a demandé que l'on procède d'abord à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre ses parents.
Décision de la Cour d'appel de Bruxelles
En ce qui concerne la loi applicable et la compétence belge, la Cour précise qu'en vertu des règles de droit international privé belge, telles qu'elles étaient en vigueur à l'époque, le régime matrimonial des époux était déterminé par la loi du mari au moment du mariage. En outre, Madame P étant domiciliée en France au moment de son décès, sa succession est donc soumise à la loi française.
Monsieur J soutient que le bien immeuble situé en Belgique doit être liquidé par un notaire belge à l'intervention d'un juge belge. Il invoque l'article 635, 1° du Code judiciaire belge, lequel détermine la compétence du juge belge pour un immeuble situé en Belgique et fait valoir que la partie immobilière d'une succession est soumise à la loi de la situation de l'immeuble tandis que la partie mobilière de la succession est régie, quant à elle, par la loi du dernier domicile conjugal du défunt (France).
La Cour rappelle que, pour déterminer la loi applicable en matière de succession, il convient de distinguer les biens immeubles et les biens meubles dépendant de ladite succession ; le partage d'un immeuble sera soumis à la loi de la situation de l'immeuble (lex rei sitae) tandis que le partage des meubles sera régi par la loi du dernier domicile du défunt.
Dès lors, la demande de partage d'un immeuble situé en Belgique peut être introduite devant un juge belge, lequel a compétence pour désigner un notaire belge, lequel pourra procéder à la vente publique dudit bien.
Pour ce qui est du partage de l'immeuble, le fils de la défunte considère que l'immeuble n'est pas partageable en nature et que dès lors, il convient pour sortir d'indivision d'en ordonner la licitation.
En l'espèce, le juge belge est saisi d'une demande relative à la masse immobilière située en Belgique, il y a lieu d'ordonner le partage de l'immeuble et de procéder, avant toutes autres opérations, à la vente publique dudit immeuble. En outre, dans la mesure où l'immeuble forme une masse distincte par rapport au surplus de l'indivision à liquider par ailleurs en France, le produit de la vente de cet immeuble doit être liquidé en Belgique et partagé séparément des actifs français.
Par conséquent, la Cour ordonne la vente publique dudit immeuble. Elle dit que le notaire instrumentant devra remettre à Monsieur J une moitié nette du prix de l'adjudication publique de l'immeuble, l'autre moitié du prix devant être consignée entre les mains du notaire instrumentant, et ce, jusqu'à ce que les opérations de liquidation de la communauté et de la succession soient réalisées, ou qu'un accord soit intervenu entre parties quant à ce.
En outre, à défaut d'accord entre les parties sur le partage amiable ou la vente des meubles garnissant l'immeuble, ledit mobilier sera placé dans un garde-meubles choisi par le notaire instrumentant, aux frais des parties.
Bon à savoir
Le juge belge saisi d'une demande relative à un seul immeuble 2 se trouvant en Belgique est compétent pour ordonner un partage partiel de cet immeuble en raison du morcellement des masses successorales, et ce, même lorsque l'épouse décédée était domiciliée en France au moment du décès. 3
Pour déterminer la loi applicable en matière de succession, il convient de distinguer les biens immeubles et les biens meubles dépendant de ladite succession ; le partage d'un immeuble sera soumis à la loi de la situation de l'immeuble (lex rei sitae), tandis que le partage des meubles sera régi par la loi du dernier domicile du défunt. 4
L'indivision impliquant nécessairement la coexistence de droits identiques sur le même objet, il ne peut y avoir lieu à partage ou licitation entre un nu-propriétaire et un usufruitier. 5
La nue-propriété indivise peut, par contre, faire l'objet d'un partage. Dans la mesure où l'immeuble forme une masse distincte par rapport au surplus de l'indivision à liquider en France, le produit de la vente de cet immeuble doit être liquidé en Belgique et partagé séparément des actifs français. 6
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d'appel de Bruxelles (7e ch.), 20/01/2011, R.T.D.F., 2012/1, pp. 246-255.
2. Civ., Arlon, 2 avril 1999, J.T., 1999, p. 607.
3. L. Barnich, « Les droits du conjoint du cohabitant légal survivant — questions de DIP », in Conjugalité et décès, Centre dr. Priv.ULB, Anthemis, 2010, p. 148.
4. L. Barnich, « Les successions immobilières ab intestat et testamentaires », in Les relations familiales internationales, Bruylant, 1993, p. 322.
5. H. De Page, Trait. élémen. Dr. Civ. belge, L. IX, p. 806.
6. Voyez : H. De Page, Trait. élémen. Dr. Civ. belge, t. IV, n° 1091, p.761 ; J. Hansenne, Les biens, précis, t. II, n° 997.