L'action introduite contre l'architecte ayant constitué une personne morale pour exercer son activité
Présentation des faits 1
En date du 19 mai 2006, Madame C. a confié à la S.A. D. la construction d’une maison d’habitation.
La S.P.R.L. D. P., bureau d’architecture, s'est vue confier une mission complète d'architecte.
La S.A. D. a cédé aux différents entrepreneurs sous-traitants les droits dont elle disposait vis-à-vis de Madame C. tout en restant « responsable envers le maître de l'ouvrage des éventuelles malfaçons ou inexécution des travaux durant le chantier et durant les dix ans suivant la réception provisoire ».
Madame C. se plaint que de nombreux problèmes ont affecté la construction de l'habitation tant au niveau de la coordination et de l'information du chantier que de la réalisation des travaux qui seraient entachés de nombreuses malfaçons.
Madame C. a introduit une action en justice en vue d’obtenir la condamnation de la S.A. D. au paiement de 24.080,32 euros et la condamnation de Monsieur D.P. et de la S.P.R.L. D.P. au paiement de 633, 80 euros.
La S.A. D. conteste, en ordre principal, la compétence territoriale du tribunal et, en ordre subsidiaire, le bien-fondé de l'action.
Monsieur D. P. conclut à l'irrecevabilité de l'action dirigée contre lui.
La S.P.R.L. D.P. conteste quant à elle le bien-fondé de la demande.
Décision
Concernant l’exception d’irrecevabilité invoquée par Monsieur D.P., le Tribunal constate que le contrat d’honoraires est conclu entre le maître de l’ouvrage et la S.P.R.L. D.P., mais non avec Monsieur D.P. personnellement.
C’est par conséquent en vain que Madame C. s’estime contractuellement liée avec Monsieur D.P. en personne physique.
A cet égard, le juge considère qu’il est sans importance que Monsieur D.P. soit seul titulaire du diplôme d’architecte.
Le Tribunal estime que c’est à bon droit que l’architecte tire argument de la loi du 15 février 2006 pour affirmer que cette loi autorise l’exercice de la profession d’architecte en personne morale, pour autant que les gérants administrateurs ou, plus généralement, les mandataires soient des personnes physiques autorisées à exercer la profession d’architecte et inscrites au Tableau de l’Ordre.
La demande n’est dès lors pas recevable en tant qu’elle est dirigée contre Monsieur D.P.
Bon à savoir
Quant au cadre législatif entourant la profession d’architecte, il convient de s’en référer à la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architectes. Cette loi a récemment été modifiée par la loi du 15 février 2006 en vue de permettre la titularisation de la société constituée par des architectes pour l’exercice de leur profession, ce, dans le but de protéger le patrimoine personnel de l’architecte, personne physique 2.
Il faut savoir que l’article 5 du règlement déontologique de 1985 autorisait déjà les architectes de constituer des sociétés en vue d’y exercer leurs activités.
Il est également nécessaire de mentionner une recommandation édictée par l’Ordre des architectes le 28 novembre 1997 et toujours d’application à l’heure actuelle. Cette recommandation énonce les diverses obligations que les architectes doivent respecter lorsqu’ils exercent leurs activités en société. Il convient d’appliquer cette recommandation à toute société n’étant pas titularisée, c’est-à-dire n’étant pas inscrite au Tableau de l’Ordre des architectes. Dans ce cas, la société pourra percevoir les honoraires et signer le contrat d’architecture mais, elle n’exerce pas en tant que tel les actes d’architecture, ceux-ci étant réservés aux titulaires du diplôme et inscrits à l’Ordre 3.
À cet égard, lorsqu'une convention est signée entre un maître de l'ouvrage et une personne morale par laquelle un architecte exerce son activité, une action introduite contre la personne physique de l'architecte est irrecevable.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Civ. Liège, 23 avril 2014, J.L.M.B., 2014, liv. 31, p. 1491.
2. J. Vergauwe, « L’architecte », dans X., Guide de droit immobilier, Waterloo, Wolters Kluwer Belgium, 2009, IV.2.2-1.
3. Voy. Bruxelles (2e ch.), 10 janvier 2002, J.L.M.B., 2003, p. 703.