Toggle Menu
1 Avocat(s) expérimenté(s)
Près de chez vous
  • R Rédacteur
  • F Formation
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Tous nos articles scientifiques ont été lus
72 341 fois le mois dernier
7 050 articles lus en droit immobilier
14 623 articles lus en droit des affaires
8 841 articles lus en droit de la famille
15 643 articles lus en droit pénal
2 523 articles lus en droit du travail
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici

ARCHITECTE

Bon a savoir

2 Aout 2016

La clause d'exonération de la responsabilité de l'architecte dans le choix de l'entrepreneur

Cette page a été vue
1726
fois

Présentation des faits 1

En 1997, Monsieur K. et Madame M. ont commencé la construction d'un immeuble. Ils ont, pour cela, engagé monsieur V. comme entrepreneur. Cependant, monsieur V. n'était titulaire, à l'époque, que de l'accès à la profession pour l'activité de maçonnerie et de béton. Il s'était pourtant engagé à réaliser tous les travaux de construction de l'immeuble, dont la toiture, alors qu'il n'avait pas accès à la profession d'entrepreneur.

Le contrat d'architecture liant l'architecte, Monsieur L., et les maîtres de l'ouvrage, stipulait pour sa part dans son article 6 que c'étaient à Monsieur K. et Madame M. de choisir l'entrepreneur et de s'assurer qu'il leur présente les garanties nécessaires en matière de compétence, de solvabilité et d'assurance civile professionnelle. Cette clause exonérait donc l'architecte de sa responsabilité en la matière.

Après construction, l'immeuble a présenté plusieurs défauts de construction, notamment en ce qui concernait le resserrage entre les hourdis et les murs de la terrasse du living, les joints mal placés entre les pierres bleues de l'entrée, mais surtout des défauts sur le réseau d'égouttage, qui doit être réaménagé, et au niveau de la stabilité de la charpente.

Monsieur K. et Madame M. iront en justice jusqu'à un arrêt de la Cour d'appel de Liège, qui annule le contrat mais ne leur octroie pas un remboursement total (en mobilisant la théorie de l'enrichissement sans cause), qui rend l'architecte responsable pour les défauts de charpente et d'égouttage mais ne retient pas sa responsabilité dans le choix de l'entrepreneur.

 

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour va débouter les demandeurs, Monsieur K. et Madame M. sur leurs premiers et troisièmes moyens, relatifs au remboursement total du contrat et à la responsabilité de l'architecte pour tous les défauts. Elle va en revanche casser l'arrêt sur leur second moyen de cassation, relatif au devoir de conseiller et d'assister de l'architecte et de la clause d'exonération de responsabilité. La Cour va en effet suivre la thèse des parties plutôt que celle de la Cour d'appel de Liège.

La Cour d'appel avait déclaré licite la clause de l'article 6 du contrat d'architecte, qui exonérait Monsieur L. de sa responsabilité vis-à-vis du choix de l'entrepreneur. L'article 6 disait en effet que les maîtres de l'ouvrage, en choisissant l'entrepreneur, devaient « veiller à ce que (celui-ci) (leur) fournisse la preuve de son enregistrement, de son agréation éventuelle et qu'il présente les garanties nécessaires en matière de compétence, de solvabilité et d'assurance civile professionnelle, l'inexécution de ces obligations ne pouvant avoir pour conséquence d'accroître les charges assumées par l'architecte du chef de contrôle de l'exécution des travaux (article 6 du contrat). »

La Cour de cassation va dire pour droit, à la suite des parties, que cette clause est en réalité illicite.

L'article 4 de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d'architecte est la source légale du devoir d'assister et de conseiller le maître de l'ouvrage, qui est obligé d'avoir recours à l'architecte pour l'établissement des plans et le contrôle de l'exécution des travaux exigeant un permis de bâtir. L'article 22 du règlement de déontologie établi par l'Ordre national des architectes, obligatoire depuis l'arrêté royal du 18 avril 1985, ajoute que l'architecte a également le devoir d'assister le maître de l'ouvrage dans son choix de l'entrepreneur, tant au niveau du prix que de la qualité. Ces dispositions sont d'ordre public. 

Eu égard au fait que l'article 6 du Code Civil interdit de déroger aux dispositions d'ordre public par quelque clause que ce soit, et que l'arrêt de la Cour d'appel a considéré cette clause comme valable, l'arrêt viole des dispositions règlementaires et légales et est donc cassé.

 

Bon à savoir

Le devoir de conseiller et d'assister de l'architecte est d'ordre public. Cela signifie que les clauses d'exonération de responsabilité reprises dans ce type de contrat sont frappées de nullité absolue. La conséquence est que même si une telle clause est insérée dans le contrat, la responsabilité de l'architecte, quel que soit son statut, reste pleine et entière 2.

Ce devoir de conseil et d'assistance comporte notamment celui d'informer le client des règles concernant l'accès à la profession (des entrepreneurs, entre autres) et des conséquences qui en sont les suites 3. À tous moments, lors de la construction, l'architecte a le devoir de porter son attention sur les choix posés par le maître d'ouvrage, et ce, surtout au niveau juridique 4, afin éviter que des erreurs, aux conséquences parfois graves, puissent se glisser dans la construction des immeubles.

C'est là la justification du caractère d'ordre public d'une règle comme celle-ci : la solidité des bâtiments, la non-dégradation de l'environnement, l'urbanisme en général, la bonne exécution des constructions, sont des éléments qui intéressent l'intérêt général essentiel de la nation et la sécurité publique. Et l'architecte est considéré comme le gardien de la réalisation juste de ces ouvrages.

Toujours est-il que le contenu des contrats d'architecture risque de devoir évoluer en fonction de cet enseignement dégagé par la Cour. 5 Une partie de la doctrine considère cependant qu'un aménagement de cette obligation est possible par des clauses contractuelles, pour des points de détails très techniques, dès le moment où l'obligation en tant que telle n'est pas vidée de sa substance 6. Ce qui ne va pourtant pas forcément de paire avec le caractère d'ordre public de l'article 22 du règlement de déontologie.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________ 

1. Cour de cassation, 6 janvier 2012, arrêt n° C.10.0182.F.

2. Cour de cassation, 6 janvier 2012, arrêt n° C.10.0182.F, p.9.

3. Cass., 3e ch., 9 juin 1997, J.L.M.B., 1997, pp. 1276 et s.

4. A. Delvaux et J.-N. Kraewinkels, « Questions actuelles du droit de la construction », in Droit de la construction, vol. XII, C.U.P., 1996, p. 88.

5. L.-O. Henrotte, « Le devoir de conseil de l'architecte : interdiction de toute clause contractuelle dérogatoire ? », 15 mai 2012. Consulté le 20 octobre 2014. Disponible en ligne sur http://www.philippelaw.eu/front/c1-760/NewsDetails.aspx?News=214 

6. L.-O. Henrotte et S. Van Der Mersch, « Le devoir de conseil de l'architecte : interdiction de toute clause contractuelle dérogatoire ? », R.G.D.C., 2012/6, p. 270.