L'architecte chargé d'une mission partielle
Présentation des faits 1
Une femme, propriétaire d'un immeuble conclut un contrat d'entreprise avec une société de construction. Ce contrat portait sur la construction d'un gros œuvre et la couverture de son habitation. Les plans de ces constructions furent établis par un architecte.
Après plusieurs mois, la propriétaire se plaignit de divers désordres. Son avocat envoya un courrier à l'entrepreneur et à l'architecte leur demandant d'apporter une solution aux problèmes constatés. Face au défaut de ceux-ci, la propriétaire les assigna en justice afin de voir prononcer la nullité des contrats d'entreprise et d'architecture et leur condamnation au paiement de dommages et intérêts. N'ayant pas eu gain de cause en première instance, la propriétaire de l'immeuble interjeta appel.
Arrêt de la Cour d'appel de Mons
Dans sa demande d'appel, la propriétaire invoque le fait que le chantier n'a pas été suivi et contrôlé entièrement par un architecte. À cet égard, la Cour constate sur base des pièces du dossier que l'architecte s'était vu confier une mission partielle, limitée à l'élaboration des plans et le suivi pour l'obtention du permis de bâtir. En l'espèce, l'architecte a accepté cette mission partielle sans s'être assuré qu'un autre architecte serait chargé du contrôle des travaux.
Or, en vertu des dispositions qui réglementent sa profession, il ne pouvait accepter cette mission que s'il était également investi de la mission de contrôle des travaux ou qu'il avait l'assurance qu'un autre architecte en était chargé. Cette faute engage la responsabilité de l'architecte pour les malfaçons qu'un contrôle effectif par un architecte aurait permis d'éviter et provoque la nullité du contrat d'architecture.
Toutefois, il apparait que la propriétaire de l'immeuble a délibérément décidé de se passer des services d'un architecte pour le contrôle des travaux, ce qui engage sa responsabilité dans la survenance desdits désordres. La Cour constate que le but poursuivi par la propriétaire était d'éviter les frais engendrés par l'intervention complète d'un architecte.
Dans ces conditions, la Cour ne fait pas droit à sa demande tendant à obtenir la restitution des honoraires perçus par l'architecte. La Cour prononce donc l'annulation du contrat d'architecture et désigne un expert devant se prononcer sur l'étendue de la responsabilité de l'architecte et de l'entrepreneur.
Bon à savoir
La loi impose aux maîtres de l'ouvrage de faire appel à un architecte pour l'établissement des plans et le contrôle de l'exécution des travaux pour lesquels un permis de bâtir préalable doit être obtenu 2. La déontologie d'un architecte lui interdit d'établir les plans de pareils travaux sans être, en même temps, chargé du contrôle de l'exécution de ces travaux. La seule dérogation à ce principe est la certitude qu'a l'architecte qu'un autre architecte, inscrit à l'un des tableaux de l'Ordre ou sur une liste des stagiaires, est chargé de ce contrôle 3.
Si, en principe, le maître de l'ouvrage doit charger son architecte d'une mission complète, il n'est toutefois pas interdit de scinder la mission entre plusieurs architectes. Un architecte peut donc accepter une mission partielle à condition néanmoins qu'il soit assuré que les aspects de la mission dont il n'est lui-même pas chargé seront, de manière effective, confiés à un confrère afin que le prescrit de la loi soit respecté 4.
Dans ce cas, l'architecte doit communiquer à l'autorité qui a délivré le permis de bâtir ainsi qu'au conseil de son Ordre l'identité de l'architecte chargé de ce contrôle 5. Pareille obligation incomberait aussi à l'architecte chargé d'une mission initialement complète, ayant connu un début d'exécution, mais qui se trouverait limitée puis résiliée par les parties 6.
Les dispositions prévoyant ces obligations étant d'ordre public, elles impliquent que le maître de l'ouvrage est légalement tenu de faire appel à un architecte pour le contrôle des travaux. S'il ne le fait pas, il engage sa responsabilité.
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1. Appel Mons, 10 septembre 2007, R.G. n° 2004/RG/981.
2. Article 4 de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d'architecte.
3. Article 21 du Règlement de déontologie des architectes.
4. Appel Bruxelles, 9 janvier 2003, R.G. n° 1993/AR/3835.
5. B. Louveaux, « Inédits en droit de la construction-III (première partie) », J.L.M.B., 2004/36, pp. 1568-1606 (point 7.2.1).
6. Appel Bruxelles, 25 mai 2005, R.G. n° 2005/3507.