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ARCHITECTE

Bon a savoir

13 Octobre 2015

Responsabilité professionnelle de l'architecte : l'absence de sondage de sol

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Présentation des faits 1

Fin mars 1999, le maître de l’ouvrage X a confié à l’architecte Y une mission d’architecte qui consistait à construire une maison d’habitation unifamiliale à la campagne.

La construction de cette maison s’est toutefois révélée irréalisable en raison de l’absence de portance du terrain.

Le maître de l’ouvrage X reprochait à l’architecte Y de ne pas avoir fait exécuter une étude de sol préalable, afin de vérifier la constructibilité du terrain « à bâtir » que celui-ci avait acheté par acte de vente du 22 juillet 1999. Il entendait ainsi engager la responsabilité professionnelle de l’architecte Y.

Le maître de l’ouvrage X a alors assigné l’architecte Y en justice, à l’effet de le condamner au remboursement des frais exposés pour la construction de la maison qui s’est avérée irréalisable en raison de la qualité médiocre du terrain, outre la perte sur la valeur du terrain et le dommage moral et financier causé.

Par un jugement rendu le 22 décembre 1999, le premier juge, après avoir désigné un expert, a débouté le maître de l’ouvrage X de sa demande, au motif que, si un manquement au devoir de conseil existait bien dans le chef de l'architecte, ce manquement n'était pas en lien causal avec son dommage, dans la mesure où, en achetant un terrain sans garantie de constructibilité, le maître de l’ouvrage X en a accepté le risque et la moins-value qui pouvait en découler. De même en se réservant la réalisation des fondations, il a accepté le risque de surcoûts et de retard dans la réalisation du chantier.

A l’appui de son recours, le maître de l’ouvrage X soutient que la faute de l'architecte Y, consistant à ne pas avoir préconisé d'études de sol, à tout le moins avant la passation de l'acte authentique, a entraîné un dommage consistant à ne pouvoir refuser de signer l’acte de vente du 22 juillet 1999 pour cause d'erreur substantielle, dès lors que le terrain était vendu « à bâtir ».

 

Décision de la Cour d’appel de Liège

La Cour d’appel de Liège rappelle tout d’abord que l'architecte a le devoir de conseiller à son client, avant tout projet constructif, et même avant la signature de la convention d'architecture, de faire procéder à des sondages de sol afin de vérifier la constructibilité d’un terrain vendu « à bâtir ».

De toute évidence, des sondages devaient être effectués pour démontrer que le terrain était impropre à la construction projetée mais, la Cour observe qu’en l’espèce, ceux-ci n'ont pas été organisés.

Or, selon elle, la signature de l'acte authentique de vente du terrain n'étant prévue que pour le 22 juillet 1999 au plus tard, il était matériellement possible de faire exécuter une étude de sol préalable, afin de vérifier la constructibilité du terrain vendu « à bâtir ».

Par ailleurs, il ressort du rapport d’expertise que la présence de plantes grasses sur tout le terrain, l'existence de sillons creusés par la source, le drainage du terrain voisin ainsi que l'existence d'un drain enterré à la limite de la propriété voisine, constituaient autant de défauts suffisants pour attirer l'attention de l'architecte Y sur les risques de qualité médiocre du terrain.

La Cour d’appel estime ensuite que si le maître de l’ouvrage X a pu également se rendre compte du caractère humide du terrain, il ne pouvait toutefois supposer qu'il serait inconstructible, vu la présence d'autres immeubles d'habitation dans le voisinage direct. La prise de risque d'un éventuel drainage complémentaire n'allait pas jusqu'à accepter d'offrir le prix d'un terrain à bâtir pour ce qui ne pouvait demeurer qu'une simple pâture.

L'architecte Y, en ne conseillant pas à son client de faire procéder à des études du sol, a donc commis une faute professionnelle qui engage sa responsabilité.

La Cour d’appel considère, en outre, que la faute de l'architecte Y, consistant à ne pas avoir ordonné en temps utile de procéder à une étude de sol, est bien en lien causal avec le dommage causé au maître de l’ouvrage.

En effet, si les sondages avaient été effectués avant la signature de l'acte authentique, le maître de l’ouvrage X :

- aurait pu, avec certaines chances de succès, demander l'annulation de la vente sous seing privé en raison d'une erreur sur la substance, le terrain n'étant pas bâtissable par nature ;

- aurait attendu de vendre son propre immeuble d'habitation et aurait ainsi économisé des frais de logement provisoire ;

- n'aurait pas signé de convention d'architecture et n'aurait pas payé des honoraires ;

- n'aurait pas procédé aux premiers aménagements du terrain.

Le premier juge a donc considéré à tord que la faute de l'architecte Y n’était pas en lien causal avec le dommage en soutenant que le maître de l'ouvrage X était lui-même bien au courant du risque constructif et devait en assumer les conséquences.

Concernant le préjudice subi, la Cour estime que le maître de l’ouvrage X ne peut réclamer que des dommages et intérêts (2500 EUR) pour n'avoir pas pu, en temps utile, intenter une action en annulation de la vente. Les acomptes sur honoraires pour un travail d'architecture inutile (2726,82 EUR) doivent être, quant à eux, totalement remboursés.

Pour le dommage moral et financier subi par le maître de l’ouvrage, qui a son habitation de Wanze pour, à l'âge de la retraite, faire construire une maison sur un terrain à la campagne, il est accordé ex æquo et bono 3.500 euros.

Par conséquent, la Cour d’appel de Liège réforme le jugement attaqué et condamne l’architecte Y à payer au maître de l’ouvrage X la somme de 8.727,82 euros à titre provisionnel, à majorer des intérêts au taux légal depuis le 15 novembre 1999.

 

Bon à savoir

La mission de l'architecte lui impose d'établir ses plans en tenant compte des conditions concrètes dans lesquelles la construction sera érigée 2. Ceci implique le devoir de conseiller son client, à tout le moins la précaution, de faire procéder à des études de sol, lorsque l’architecte ne peut obtenir les informations nécessaires par d'autres voies 3.

A défaut d'avoir accompli son devoir, il commet une faute qui engage sa responsabilité professionnelle 4.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Cour d'appel de Liège du 30 août 2007, arrêt n° F-20070830-1 (2005/RG/1343), Juridat, 06 octobre 2010. www.juridat.be

2. J. VERGAUWE, « L’architecte », in Guide de droit immobilier, Waterloo, Kluwer, 2002, IV.2.3-1.

3. Bruxelles, 13 décembre 1979, Entr. et dr., 1992, p. 352.

4. Civ. Gand, 12 novembre 1991, Intern. Vervoerr., 1992, p. 111.