La sous-évaluation budgétaire des travaux par l'architecte
Présentation des faits 1
Par contrat, deux époux engagent un architecte dans le cadre de la construction d'un immeuble à appartements. Un des articles du contrat prévoit que le budget est sommairement et provisoirement évalué à 300.000 euros hors taxes.
Sur base des plans élaborés par l'architecte, la commune délivre un permis d'urbanisme. Les maîtres de l'ouvrage contractent un emprunt hypothécaire auprès d'un établissement bancaire pour financer les travaux. Après avoir établi les cahiers des charges et lancé les soumissions, l'architecte reçoit deux offres de deux entrepreneurs pour des montants qui dépassent les 450.000 euros hors TVA.
Suite au courrier de l'architecte qui indique que le budget initial sera largement dépassé, les maîtres de l'ouvrage introduisent une action en justice pour obtenir la résolution du contrat d'architecture et l'indemnisation de leur préjudice. Condamné à indemniser ses clients en première instance, l'architecte interjette appel pour obtenir la réformation du jugement.
Décision de la Cour d'appel de Bruxelles
Dans son arrêt, la Cour revient sur la mission d'élaboration du budget par l'architecte. Même si le budget contractuel était indicatif et susceptible d'être adapté à la réalité du coût des travaux puisque les parties ne disposaient pas encore des devis chiffrés des entrepreneurs, l'architecte devait veiller à ce qu'il ne soit pas largement dépassé.
L'architecte prétend que pour assurer la stabilité de la construction, des travaux supplémentaires devaient être réalisés. Si la Cour entérine ce fait, elle considère que même en prenant compte ces travaux supplémentaires, le dépassement budgétaire demeure trop important. Il apparaît effectivement qu'une erreur d'évaluation importante du budget a été commise dès la conception de l'ouvrage et ce n'est qu'après réception des devis des entrepreneurs que la sous-évaluation a pu être constatée, ce qui a contraint les maîtres de l'ouvrage à abandonner le projet.
L'importante sous-évaluation du budget initial constitue une faute grave dans le chef de l'architecte justifiant à elle seule la résolution du contrat. En conséquence, la Cour condamne l'architecte à indemniser les maîtres de l'ouvrage pour un montant légèrement inférieur à celui contenu dans le premier jugement.
Bon à savoir
Il appartient à l'architecte, dans le cadre de sa mission, de déterminer le budget de l'ouvrage de construction qui lui est confié 2. Sur base des plans qu'il a dressés, l'architecte établit un budget approximatif et provisoire qui tient compte des moyens financiers des maîtres de l'ouvrage et des prix du marché 3.
En tant que professionnel, il est du devoir de l'architecte de mettre en garde ses clients, d'une part, à propos de l'incidence financière des modifications à opérer et, d'autre part, au sujet des risques de ne pas avoir assez d'entreprises soumissionnaires s'ils imposaient des clauses trop sévères. L'architecte doit ainsi rappeler aux maîtres de l'ouvrage qu'un nombre conséquent d'entrepreneurs soumettant une offre permet de faire jouer la concurrence et, au final, de faire baisser leurs prix.
Quoi qu'il en soit, et même si le budget prévu contractuellement est indicatif et susceptible d'être adapté à la réalité du coût des travaux 4, l'architecte doit veiller à ce qu'il ne soit pas largement dépassé. Ainsi, une augmentation de plus de 15 pour cent par rapport au budget initial ne peut être admise. Pareil manquement de l'architecte constitue une faute grave qui justifie à elle seule la résolution du contrat à ses torts.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Appel Bruxelles, 18 février 2010, J.L.M.B., 2013/15, p. 830.
2. Cass., 6 janvier 2012, R.G. n° C.10.0182.F.
3. J.-P. Legrand, B. Louveaux et B. Mariscal, L'Immobilier en pratique, Mechelen, Kluwer, 2009, p. 70.
4. Tribunal de commerce de Charleroi, 27 septembre 1995, J.L.M.B.i., 1997, p. 401.