La portée d'une décision du conseil de l'Ordre des Architectes
Présentation des faits 1
Le 29 septembre 2009, un restaurant charge une société d'une mission complète d'architecture relative à la transformation d'un immeuble en hôtel. En annexe au contrat, se trouve un document signé par les parties et intitulé « remise de prix » dans lequel sont détaillés le contenu de la mission de l'architecte ainsi que le mode de calcul et l'exigibilité de ses honoraires.
Plusieurs notes d'honoraires sont ensuite établies par l'architecte. Le maître de l'ouvrage paie celles-ci sans réserve.
Le 29 novembre 2010, l'organisme bancaire consulté par le maître de l'ouvrage en vue de l'obtention d'un prêt, lui fait savoir que le prêt sollicité est refusé.
Suite à cela, les parties envisagent une reconversion du projet en appartements, l'architecte ayant toutefois précisé au maître de l'ouvrage que les honoraires payés pour le projet d'hôtel ne pouvaient être purement et simplement reportés sur le projet d'appartements.
Le 20 décembre 2010, le maître de l'ouvrage décide de décharger totalement et définitivement l'architecte de la mission qui lui a été confiée et consulte le Conseil de l'Ordre des Architectes pour lui demander de fixer les honoraires de l'architecte.
Le Conseil de l'Ordre des Architectes fixe les honoraires dus à l'architecte et estime qu'il y a lieu à un remboursement d'un trop perçu au profit du maître de l'ouvrage. L'architecte refuse de rétrocéder les honoraires perçus et estime que la décision du Conseil de l'Ordre des Architectes ne constitue qu'un simple avis ne liant pas les parties.
Décision de la Cour d'appel de Liège
Selon la Cour d'appel de Liège, la décision du Conseil de l'Ordre a été rendue dans le cadre de l'article 18, alinéa 1er, de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des Architectes lequel stipule que : « Le conseil de l'Ordre fixe le montant des honoraires à la demande conjointe des parties ».
Il résulte du terme « fixe », que le Conseil rend une décision qui a un caractère obligatoire, contrairement à la simple compétence d'avis prévue à l'alinéa 2 de l'article 18.
En conséquence, la décision rendue par le Conseil de l'Ordre sur la base de l'article 18, al. 1er de la loi du 26 juin 1963 est une décision à caractère obligatoire liant les parties, dès lors que celles-ci ont comparu devant le Conseil de l'Ordre après avoir été convoquées par celui-ci et qu'elles ont expressément déclaré lors de leur audition devant le Conseil de l'Ordre qu'elles acceptaient que la fixation des honoraires soit irrévocable. La décision du Conseil de l'Ordre peut donc être assimilée à une sentence arbitrale ayant autorité de chose jugée, et ce, quand bien même, la procédure devant le Conseil de l'Ordre diffère à plusieurs égards de celle applicable à l'arbitrage organisé par le Code judiciaire.
Bon à savoir
L'article 18 de la loi du 26 juin 1963 stipule que le Conseil de l'Ordre fixe le montant des honoraires à la demande conjointe des parties. L'alinéa 2 dispose que le Conseil donne son avis sur le mode de fixation et le taux des honoraires, à la demande des cours et tribunaux, d'office, en cas de manquement grave au devoir professionnel, en cas de contestation entre personnes soumises à la juridiction de l'Ordre 2.
Contrairement à la simple compétence d'avis prévue à l'alinéa 2 de cet article, la décision rendue par le Conseil de l'Ordre sur base de l'alinéa 1er a caractère obligatoire et a pour vocation de trancher le litige entre les parties. Cette décision doit donc être assimilée à une sentence arbitrale et se voir appliquer les mêmes règles notamment en matière d'annulation de la décision 3.
L'arbitrage est un mode de juridiction non étatique, à base conventionnelle, par lequel les parties choisissent une ou plusieurs personnes privées (les arbitres), qu'elles investissent de la mission de trancher les différends qui les opposent 4.
L'article 1717 du Code judiciaire prévoit qu'une sentence arbitrale ne peut être attaquée que devant le tribunal de première instance et elle ne peut être annulée que dans les cas qu'il énumère 5. C'est notamment le cas lorsqu'une des parties, pour une raison ou une autre, a été dans l'impossibilité de faire valoir ses droits et pour autant que cette irrégularité ait eu une incidence sur la sentence arbitrale 6.
L'arbitre doit en effet s'assurer que chaque partie a la possibilité de se défendre de manière effective ainsi que du temps requis pour répliquer aux arguments développés par la partie adverse 7.
Une sentence arbitrale peut par ailleurs être annulée en cas de défaut de motivation ou si les arbitres ont commis un excès de pouvoir 8.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Liège, 3 avril 2014, J.T., 2014/39, p. 765.
2. Loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes.
3. Liège, 3 avril 2014, J.T., 2014/39, p. 765.
4. G. de Leval et F. Georges, Précis de droit judiciaire, t. I, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 23.
5. Article 1717 du Code pénal.
6. M. Dal, « L'arbitrage en pratique : questions choisies », Jurim Pratique, 2014/1, p. 51.
7. B. Hanotiau et O. Caprasse, « Les droits de la défense dans la procédure arbitrale », note sous Cass., 25 mai 2007, R.C.J.B., 2010, p. 457.
8. Article 1717, § 3 du Code judiciaire.