La nécessité du permis d'urbanisme avant le commencement des travaux
Présentation des faits 1
Une société a fait appel aux services d'un entrepreneur pour la réalisation de travaux de modifications portant sur une maison. À cette fin, un architecte fut contacté pour qu'il accomplisse une mission limitée. Celle-ci consistait en une mission de conseil technique.
Après la réalisation de cette mission, le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur décidèrent de réaliser certaines modifications. Suite à des désaccords sur les factures émises par l'entrepreneur, les relations entre ce dernier et le maître de l'ouvrage se détériorèrent. L'entrepreneur intenta une action judiciaire pour réclamer le montant des prestations qu'il a accomplies. En première instance, le tribunal de commerce déclara le contrat d'entreprise nul car les travaux réalisés l'ont été sans l'obtention préalable d'un permis d'urbanisme. L'entrepreneur interjeta appel de cette décision.
Arrêt de la Cour d'appel de Liège
Dans son arrêt, la Cour constate que l'architecte n'a rempli aucune mission d'auteur de projet et est intervenu exclusivement au titre de conseil technique. L'entrepreneur lui a demandé de réaliser un relevé de la maison et d'en faire des plans pour avoir une base de discussion pour établir des modifications. Ce relevé a été communiqué à l'entrepreneur tout en précisant que pour faire un agrandissement, il fallait un permis d'urbanisme, mais que pour les modifications intérieures qui ne touchent pas à la structure du bâtiment, ce permis d'urbanisme n'était pas requis.
Ensuite, l'architecte fut contacté par le maître de l'ouvrage au sujet des travaux qui avaient été réalisés. Lorsqu'il s'est rendu sur place, l'architecte a constaté que des travaux nécessitant une demande de permis d'urbanisme avaient été réalisés sans ce permis. Par la suite, l'architecte a confectionné le dossier de la demande de régularisation des travaux.
Sur base de ces considérations, la Cour conclut que le contrat d'entreprise portant sur la réalisation de ces travaux était contraire à l'ordre public. En conséquence, la Cour prononce l'annulation du contrat et le non-paiement du solde des factures à l'entrepreneur. En outre, la Cour ne fait pas droit à la demande du maître de l'ouvrage de restitution des sommes versées à l'entrepreneur car cela aurait pour effet de lui procurer un avantage exorbitant étant donné qu'il conserve les travaux qui ont été exécutés même si ceux-ci sont affectés de malfaçons.
Bon à savoir
La loi rend obligatoire le concours d'un architecte pour l'établissement des plans et le contrôle de l'exécution de tous travaux nécessitant un permis de bâtir 2. En règle, il incombe de manière exclusive à l'architecte de veiller à ce que le projet soit conforme aux prescriptions urbanistiques existantes 3. Cependant, il ne peut être tenu pour responsable de la réalisation de travaux sans le permis d'urbanisme requis lorsqu'il intervient uniquement en tant que conseil technique avant la réalisation de ces travaux.
Un contrat dont l'objet porte sur une entreprise en l'absence du permis d'urbanisme requis crée une situation illicite et est nul pour contrariété à l'ordre public. Cela n'implique pas que le permis requis doit être obtenu avant la conclusion du contrat d'entreprise, mais que le permis doit exister avant que l'exécution des travaux ne commence. A défaut, l'objet des obligations exécutées est contraire à l'ordre public et la convention doit être déclarée nulle 4.
L'annulation du contrat produit des effets rétroactifs qui impliquent la remise des choses dans leur pristin état. Dans le cas d'un contrat synallagmatique, il faut procéder à la restitution réciproque, en nature ou par équivalent, des prestations exécutées. Toutefois, le juge conserve le pouvoir d'apprécier l'opportunité et l'étendue des restitutions. En fonction notamment de l'imputabilité de la violation à une partie plutôt qu'à l'autre ou lorsque l'ordre social exige que l'un des cocontractants soit plus sévèrement sanctionné, le juge peut refuser d'accorder la répétition soit aux deux, soit à l'un des cocontractants 5. Dans le cas d'espèce, tant le maître de l'ouvrage que l'entrepreneur ont concouru à la réalisation des travaux sans l'obtention du permis au préalable. Cela explique la décision du juge de ne pas faire droit aux demandes ni du maître de l'ouvrage, ni de l'entrepreneur.
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1. Appel Liège, 28 novembre 2013, J.T., 2014/4, p. 60.
2. Article 4 de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d'architecte.
3. Justice de paix d'Andenne, 2 mars 2000, J.L.M.B., 2000, p. 527.
4. A. Delvaux, et alii, Le contrat d'entreprise. Chronique de jurisprudence 2001 - 2011, Larcier, 2012, p. 60.
5. Appel Liège, 24 juin 2010, J.T., 2010, p. 599.