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ARCHITECTE

Bon a savoir

30 Septembre 2014

L'action en cessation introduite par l'Ordre des architectes

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Présentation des faits 1

Une entreprise de promotion-construction a offert aux candidats bâtisseurs, qui se tournent vers elle, un service complet, de la mise au point du projet de construction jusqu'à la réalisation et à la livraison de la construction elle-même. Dans divers journaux de diffusion locale, l'entreprise fit paraître une publicité selon laquelle les honoraires d'architecte, l'étude énergétique (P.E.B.), la coordination de sécurité et l'étude de sol « = 0 euro ». La formule proposée fait intervenir un architecte indépendant pour concevoir un projet personnalisé, le mener à bien jusqu'à son introduction en permis d'urbanisme et suivre le chantier en phase d'exécution. L'offre étant limitée dans le temps et soumise à conditions.

Ayant pris connaissance de cette offre, quelques architectes et l'Ordre des architectes ont intenté une action en cessation car ils ont estimé cette pratique contraire aux dispositions qui régissent les pratiques du marché et la protection du consommateur.

Jugement du tribunal de commerce de Bruxelles

Devant le tribunal, la discussion porte principalement sur l'intérêt qu'ont les demandeurs à agir. Le Tribunal rappelle que la réglementation en la matière prévoit que, par dérogation aux articles 17 et 18 du Code judiciaire, les groupements professionnels peuvent agir en justice pour la défense de leurs intérêts collectifs statutairement définis.

Cependant, l'objet statutaire de l'Ordre des architectes prévoit la protection des règles de déontologie régissant la profession d'architecte mais pas la défense de l'intérêt collectif des architectes. Or, la demande de l'Ordre n'est pas fondée sur une infraction aux lois et règlements protégeant le titre et la profession d'architecte, mais sur une contravention aux dispositions relatives aux pratiques du marché et à la protection du consommateur. Le tribunal constate donc que l'Ordre des architectes n'est purement et simplement pas habilité à introduire une action en cessation fondée sur une telle contravention étrangère à la déontologie des architectes.

Quant à l'action des architectes, le tribunal considère qu'elle n'est pas fondée à défaut d'intérêt. En effet, la publicité ne signifie pas qu'il ne sera pas recouru à un architecte rémunéré pour réaliser les constructions, mais simplement que l'entreprise de promotion-construction pendra en charge les honoraires des architectes qui interviendront.

Arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 12 septembre 2014

Tant l'Ordre que les architectes à la cause ont interjeté appel de cette décision. Dans son arrêt, la cour d'appel confirme le fait que, les statuts de l'Ordre ne prévoyant pas « la défense d'un intérêt collectif statutairement défini », l'Ordre ne peut introduire une telle action en cessation.

Par contre, la cour réforme les autres éléments du jugement entrepris. En ce sens, la cour considère que la publicité présentée par l'entreprise de promotion-construction est une pratique commerciale trompeuse.

En faisant référence à l'intervention d'un architecte indépendant, la publicité en cause donne à penser au consommateur moyen destinataire de cette publicité qu'il bénéficiera de l'assistance de cet architecte. Or, l'entreprise rappelle dans le contrat de promotion-construction que cet architecte ne peut en aucun cas être considéré comme l'architecte ni même le conseil du consommateur, à charge pour ce dernier de trouver son propre architecte qui pourra assister celui désigné par l'entreprise.

Par ailleurs, en indiquant que les frais d'architecte s'élèvent à « 0 euro », la publicité laisse croire au consommateur qu'il lui est possible d'obtenir l'intervention d'un architecte sans « bourse délier ». En effet, la publicité n'indique pas que l'entreprise offrira un avantage d'une valeur équivalente à ces frais mais que les honoraires d'architecte valent zéro euro.

En conséquence, la cour ordonne la cessation de cette pratique sous peine d'astreinte de 5.000 euros par support publicitaire et par infraction, astreinte plafonnée à 825.000 euros au total. De plus, la cour ordonne une certaine publication de la condamnation.

Bon à savoir

En matière de pratiques du marché et de protection des consommateurs, le législateur a instauré une action en cessation à l'encontre des actes qui contreviennent aux dispositions légales. Les groupements professionnels peuvent introduire une telle action pour autant que la défense de leurs intérêts collectifs soit prévue dans leurs statuts 2.

L'Ordre des architectes a pour mission d'établir les règles de la déontologie régissant la profession d'architecte et d'en assurer le respect. Il veille à l'honneur, à la discrétion et à la dignité des membres de l'Ordre dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de la profession et dénonce à l'autorité judiciaire toute infraction aux lois et règlements protégeant le titre et la profession d'architecte 3.

L'Ordre n'a pas été créé aux fins de défendre les intérêts collectifs des architectes, mais de veiller au respect par ses membres des règles de déontologie et au respect des lois et règlements protégeant le titre de la profession d'architecte. Les statuts du groupement ne prévoyant pas la défense d'un intérêt collectif, l'action deviendra irrecevable 4.

En droit judiciaire, l'intérêt à agir propre à une personne morale ne comprend que ce qui concerne son existence, ses biens patrimoniaux et ses droits moraux, spécialement son honneur et sa réputation. Le seul fait qu'une personne morale poursuive un but, fût-il statutaire, n'entraîne pas la naissance d'un intérêt propre 5. Il convient donc d'éviter la confusion entre les droits moraux et le but poursuivi par la personne morale. Ne constituerait pas une violation de ses droits moraux, le fait de voir méconnue ou violée la fin que la personne morale s'est donnée pour mission de réaliser, fût-ce aux termes de ses statuts. L'intérêt direct et personnel d'une personne moral ne se confond pas avec celui de la collectivité ou de certaines catégories de ses membres 6.

Ndlr. : l'Ordre des architectes signale toutefois qu'un autre jugement a été rendu dans le cadre d'un dossier de l'autre aile linguistique de l'Ordre des Architectes (contrats DBFM), lequel reconnait, à l'inverse, la recevabilité de l'action de l'Ordre.

_______________

1. Tribunal de commerce de Bruxelles, 18 février 2014, J.T., 2014/14, n° 6558, p. 249.

2. Article XVII.7 du Code de droit économique.

3. Article 2 de la loi du 20 juin 1963 créant un Ordre des architectes.

4. A. Tallon, La procédure, coll. Concurrence et pratiques du marché, 2e éd., 2012, p. 73.

5. Cass., 19 septembre 1996, R.C.J.B., 1997, pp. 110 et s.

6. G. Closset-Marchal, « Observations », J.T., 2003, p. 364, n° 8.