La demande d'expertise judiciaire par le maitre de l'ouvrage
Présentation des faits 1
Madame T. est propriétaire d'une maison sise à E. Le 2 février 2009, elle signe un contrat avec la SPRL N. par lequel elle confie à celle-ci une mission complète relative aux travaux de rénovation qu'elle souhaite entreprendre dans sa maison.
Par ailleurs, elle conclut le 16 juillet 2009 un contrat d'entreprise avec la SPRL F.
Les travaux débutent en juillet 2009 et doivent, en principe, être terminés pour la fin décembre 2009, période à laquelle madame T. doit emménager dans les lieux rénovés.
Le chantier prend, toutefois, du retard pour différents motifs.
Madame T. fait état de divers vices, malfaçons et inachèvements affectant les travaux. Elle impute la responsabilité de ces vices, malfaçons et inachèvements tant à l'entrepreneur qu'à l'architecte.
Le premier juge a estimé que la SPRL N. ne devait pas participer à l'expertise judiciaire. Madame T. conteste cette décision.
Décision de la Cour
La Cour rappelle que Madame T. conteste le fait que la SPRL N. ne doit pas participer à l'expertise judiciaire. Elle soutient que l'architecte a commis des fautes qui ont participé à la survenance du dommage et que l'expertise judiciaire devrait contribuer à mettre en lumière.
La Cour confirme les propos du premier juge en ce qu'il considère qu'une expertise judiciaire ne peut être instaurée pour pallier les lacunes du dossier de la demanderesse en ce qui concerne la responsabilité potentielle de l'architecte.
La Cour estime qu'il ne suffit pas pour la demanderesse d'affirmer que l'architecte a commis divers manquements susceptibles d'avoir joué un rôle dans l'apparition des vices et malfaçons et que la mesure d'instruction sollicitée ne manquera pas de le démontrer.
En effet, il faut que le dossier contienne des éléments solides qui confortent déjà cette assertion et la rende à tout le moins vraisemblable.
Or, la Cour estime que tel n'est pas le cas en l'espèce.
Par conséquent, la Cour confirme la décision du premier juge.
Bon à savoir
Le Code judiciaire prévoit la possibilité pour le juge d'ordonner une expertise judiciaire afin de procéder à des constatations ou de donner un avis technique en vue de la solution d'un litige porté devant lui. 2
Le maître de l'ouvrage peut, dès lors, demander au juge d'ordonner une expertise judiciaire afin d'établir les éventuelles fautes commises par un architecte en vue d'engager sa responsabilité.
Toutefois, le juge peut toujours refuser d'ordonner cette expertise « lorsque le demandeur ne fonde sa demande sur aucun élément rendant vraisemblables les faits avancés à l'appui de sa demande ». 3
En effet, une expertise judiciaire ne peut être instaurée pour pallier les lacunes du dossier en ce qui concerne la responsabilité potentielle d'un architecte. Par conséquent, « le maître de l'ouvrage a donc l'obligation de constituer un dossier permettant au tribunal d'apprécier l'opportunité et la nature de la demande » 4.
Toutefois, le maître de l'ouvrage n'a pas l'obligation de composer un dossier complet. Il n'aura, notamment, pas l'obligation d'établir de manière certaine l'existence du lien de causalité. 5
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d'appel de Bruxelles, 11 octobre 2012, J.L.M.B., 2013/15, pp. 816-817.
2. Article 962 et suivants du Code judiciaire ; Pour plus d'informations sur l'expertise judiciaire, voy. O. Mignolet, L'expertise judiciaire, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 218.
3. Cass. (1ère ch.), 15 juin 2012, J.L.M.B., 2013, p. 242.
4. B. Louveaux, « La demande d'expertise judiciaire en droit de la construction », J.L.M.B., 2013/15, pp. 820-821.
5. Cass. (2e ch.), 10 février 2010, Pas., 2010, p. 426.