La responsabilité de l'architecte : dépassement du budget sans accord du maitre de l'ouvrage
Présentation des faits 1
B., maître de l'ouvrage, et V., architecte, concluent un contrat d'architecture prévoyant la réalisation de travaux pour un montant de 50.000 euros HTVA. Les estimations de l'architecte ont été portées à un coût de l'ordre de 85.000 euros HTVA, soit une augmentation de 70 % par rapport au budget initialement convenu.
L'architecte V. soutient que cette augmentation de budget est due aux souhaits et demandes de travaux de rénovation supplémentaires émis par le maître de l'ouvrage. Il soutient, en outre, que les estimations de coût des travaux qu'il a établies ont été communiquées en temps utile au maître de l'ouvrage et que ce dernier a marqué son accord.
Le maître de l'ouvrage conteste cette version des faits. Il expose qu'à la suite de cette augmentation de budget, il a dû renoncer à son projet d'extension.
Décision de la Cour
La Cour rappelle que, conformément à l'article 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Il appartient à l'architecte V., en tant que demandeur, de prouver les faits qu'il allègue ainsi que l'accord du maître l'ouvrage B. sur des travaux supplémentaires augmentant le budget initialement prévu.
L'architecte V. invoque un courrier qu'il aurait envoyé au maître de l'ouvrage dans lequel il l'avise de prendre note des travaux supplémentaires. Le maître de l'ouvrage conteste la réception de ce courrier et V. reste en défaut d'en apporter la preuve.
Le maître de l'ouvrage conteste également avoir reçu les différents métrés et estimations produits par l'architecte. L'architecte ne prouve pas davantage la remise de ces documents au maître de l'ouvrage.
La Cour en conclut que la seule certitude porte sur le fait que le maître de l'ouvrage a uniquement reçu un courrier datant du 28 mai 2008 et qu'il n'apparait nullement que B. ait marqué son accord sur le dépassement du budget.
La Cour constate que l'architecte V. ne pouvait ignorer l'importance que revêtait pour son client l'impact budgétaire des travaux. Il devait donc veiller, avant de poursuivre ses travaux, à rédiger une convention additionnelle concernant les travaux supplémentaires et le budget à y consacrer.
En s'abstenant d'agir de la sorte, l'architecte V. a adopté un comportement fautif soit en sous-estimant le budget des travaux, soit en fixant un budget tenant compte des travaux supplémentaires sans informer son client de l'implication financière en résultant et sans recueillir son accord.
Toutefois, le maître de l'ouvrage aurait dû faire appel à un architecte pour se rendre compte de la faisabilité de son projet et aurait, à tout le moins, dû supporter le coût d'un avant-projet. La Cour estime que c'est à juste titre que le premier juge a évalué le montant des honoraires dû à V. par B. en mettant à charge de B. le coût de l'avant-projet.
Bon à savoir
L'article 1315 du Code civil prévoit que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. L'article 870 du Code judiciaire prévoit que chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elle allègue. 2
Il appartient, par conséquent, à l'architecte, en sa qualité de demandeur, de prouver les faits qu'il allègue ainsi que l'accord du maître de l'ouvrage sur des travaux supplémentaires augmentant le budget initialement prévu.
Même si le maître de l'ouvrage avait émis le souhait de faire réaliser des travaux complémentaires, l'architecte ne pouvait ignorer, en fonction du budget indiqué dès le début des relations contractuelles, l'importance que revêtait pour son client l'impact budgétaire des travaux envisagés. Dans ce contexte, il appartient à l'architecte de veiller, avant de poursuivre ses travaux, à rédiger une convention additionnelle contenant l'indication des travaux supplémentaires à réaliser et le budget approximatif à y consacrer. À défaut, l'architecte n'agit pas comme aurait agi un architecte prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances et commet une faute. 3
Quant au maître de l'ouvrage, celui-ci aurait en toute hypothèse dû faire appel à un architecte pour se rendre compte de la faisabilité de son projet et aurait à tout le moins dû supporter le coût d'un avant-projet. Ce coût doit rester à charge du maître de l'ouvrage.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d'appel de Liège (20e ch.), 5 décembre 2013, J.T., 2014/3, pp. 46-47.
2. Pour plus d'informations quant à la charge de la preuve, voy. D. Mougenot, « Les incidents relatifs à la preuve », in Droit judiciaire. Commentaire pratique, 2010, pp. VI.1-2.1 – VI.1-2.10.
3. Voy. sur le dépassement du budget, Bruxelles (2e ch.), 18 février 2010, J.L.M.B., 2013, liv. 15, p. 830 ; A. delvaux, B. de Coqueau, F. Pottier, R. Simar, « La responsabilité des professionnels de la construction », in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Titre II, Livre 23bis, pp. 17-20.