Responsabilité civile de l'architecte : la participation aux frais de remise en état
Présentation des faits 1
Le Tribunal de première instance a été saisi d’une demande de remise en état, formulée par le fonctionnaire délégué et le collège échevinal à l’encontre d’un propriétaire, qui a appelé en garantie son architecte.
Le propriétaire avait obtenu un permis d’urbanisme pour la construction d’une maison d’habitation. La demande de permis d’urbanisme contenait d’importantes imprécisions concernant le niveau du relief du sol par rapport au projet de construction. En cours de réalisation des travaux, deux ordres de cessation des travaux ont été signifiés pour l’exécution et le maintien illégal des travaux suivants : l’augmentation de la volumétrie du bâtiment par la création de caves, le niveau trop élevé du rez-de-chaussée, l’adaptation des dimensions du bâtiment ainsi que la modification sensible du relief du sol.
Le fonctionnaire délègué préconise comme mode de réparation l’exécution de travaux d’aménagement, visant à implanter la construction de plain-pied avec le niveau de la voirie, à modifier les pentes de toiture des bâtiments afin d’en diminuer la hauteur et à retrouver le relief naturel du terrain par la création de terrasses.
Le collège communal propose, d’abord, de supprimer les caves et de construire le bâtiment en contrebas de la voirie et, ultérieurement, d’aménager les abords de la construction tels que figurés aux plans fournis par l’architecte et de rabaisser le toit.
Le propriétaire demande la condamnation in solidum, et l’une à défaut de l’autre, de son architecte et de la commune, qui a délivré un permis sur base d’une demande imprécise, à prendre en charge l’ensemble des frais directs et indirects liés à la réalisation des travaux d’aménagement qui seraient ordonnés.
Décision du Tribunal
Le Tribunal de première instance constate tout d’abord que les modes de réparation proposés par la Région wallonne et la commune divergent. A cet égard, le Tribunal estime devoir retenir la mesure légale la plus appropriée, en tenant compte du principe de proportionnalité et de l’importance des conséquences que chacun des modes de réparation requis pourrait présenter pour le contrevenant. Il a également égard à la mesure dans laquelle chacune des modalités répare le trouble occasionné à l’urbanisme par l’infraction. En l’espèce, la différence de hauteur constatée sur le bâtiment litigieux par rapport au niveau autorisé et par rapport au niveau naturel du sol, l’impact paysager du bâtiment et le bon aménagement des lieux permettent de retenir le mode de réparation préconisé par la Région wallonne comme justifié, suffisant et adéquat.
Le Tribunal rappelle ensuite que si la commune doit vérifier le caractère complet d’une demande, elle n’est pas tenue de vérifier la véracité des éléments mentionnés par le demandeur, à moins de sérieuses raisons d’en douter. Il considère qu’en l’espèce, ce n’était pas le cas, de sorte que la responsabilité de la commune ne peut être engagée.
En revanche, l’architecte, se devait, d’une part, de ne pas présenter des plans travestissant la réalité et, d’autre part, de se conformer aux exigences du permis délivré. Il lui appartenait, en cas d’imprévus en cours de chantier, d’adopter un comportement diligent et prudent visant à prendre les mesures adéquates de nature à résoudre légalement la situation et à obtenir les autorisations requises. Or, en l’espèce, il n’a pas agi de cette manière.
Par conséquent, le Tribunal décide que par le concours de leurs fautes respectives en lien direct avec le dommage, tant l’architecte que le maître d’ouvrage, qui n’ignoraient pas l’irrégularité de la situation et qui y avaient participé activement, ont concouru de façon certaine à la survenance du dommage, selon une proportion de 50 % pour le propriétaire et 50 % pour l’architecte fondée sur la gravité de leur faute respective.
Bon à savoir
L’architecte est un personnage central du projet de construction 2.
Ainsi, il est tenu de respecter les prescriptions urbanistiques et les règlements. Il doit également se conformer aux exigences du permis d’urbanisme délivré 3, à défaut de quoi il est susceptible d’engager sa responsabilité 4.
En outre, il ne peut pas présenter des plans qui travestissent la réalité.
Enfin, si des imprévus surviennent en cours de réalisation des travaux, il se doit d’agir comme un architecte normalement prudent et diligent 5. Ainsi, il lui incombe prendre les mesures adéquates de nature à résoudre légalement la situation et d’obtenir les autorisations requises.
En l’espèce, l’architecte n’a pas respecté ses obligations et a été condamné à participer, pour moitié, aux frais de remise en état.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
_______________
1. TPI Nivelles, 30 mars 2012, Amén., 2013, liv. 1, p. 40.
2. J. Vergauwe, « L'architecte », in Guide de droit immobilier, IV.2.3, Kluwer, Waterloo, 2002, p. 2.
3. Concernant le permis d’urbanisme, voy. : Gand, 24 sept. 1999, T.M.R., 2000, p. 162 ; Corr. Anvers 15 mars 1999, T.R.O.S., 2000, p. 13.
4. Voy. à cet égard : P. Henry et F. Pottier, « L’architecte est l’entrepreneur face aux infractions d’urbanisme », in Liber amicorum Yvon Hannequart et Roger Rasir, Kluwer, 1997, pp. 179 à 230.
5. J. Vergauwe, « L'architecte », in Guide de droit immobilier, IV.2.4., Kluwer, Waterloo, 2009, p. 10.