L'exclusion de prestations du contrat d'architecture
Présentation des faits 1
Les propriétaires d'une maison conclurent un contrat d'architecture visant la réalisation de travaux. Les travaux portaient notamment sur le placement d'une poutrelle au rez-de-chaussée de la maison, au moyen d'achelets en béton. Pour cela une société de construction fut appelée.
Lors du placement d'une poutre, le mur mitoyen situé entre la maison et l'habitation voisine fut percé et cela causa des dommages à la propriété voisine. Les maîtres de l'ouvrage reprochèrent à l'architecte d'avoir manqué à son devoir de conseil et d'information, ainsi que d'avoir commis des fautes de conception et de coordination des études en relation causale avec le dommage causé. Ils engagèrent donc une procédure judiciaire aux fins d'engager la responsabilité de l'architecte.
Jugement du tribunal civil de Bruxelles
Le tribunal constate que le contrat d'architecture portait sur une mission globale, à savoir la conception et l'exécution des travaux.
Néanmoins, cela n'a pas empêché les parties de modaliser les obligations mises à charge de l'architecte. Ainsi, le contrat prévoyait que les prestations de l'architecte comprenaient les études préliminaires, l'avant-projet, l'établissement des plans et documents du dossier administratif nécessaires à la demande d'autorisation de bâtir, l'établissement des plans d'exécution nécessaires pour les soumissions des corps de métier et la coordination des études de stabilité, notamment avec les plans généraux de la construction.
Mais ce contrat prévoyait également que le relevé de la situation existante et l'étude de stabilité des ouvrages étaient exclus des missions de l'architecte. Le relevé a été réalisé par les maîtres de l'ouvrage qui l'ont ensuite transmis à l'architecte. Le tribunal constate également que ce relevé n'était pas conforme à la réalité, le voisin établissant que le mur mitoyen n'avait en réalité pas une épaisseur de 30 centimètres mais de 24 centimètres.
Ainsi, il n'était pas fautif, dans le chef de l'architecte, d'avoir établi des plans représentant un mur mitoyen de 30 centimètres d'épaisseur sur la base dudit relevé. La preuve d'une faute de l'architecte, n'étant pas établie, la demande des maîtres de l'ouvrage est rejetée.
Bon à savoir
La déontologie impose à l'architecte de faire signer un contrat à son client au plus tard lorsque sa mission a été suffisamment définie 2. Ce contrat d'architecture doit notamment préciser l'identité des parties, la mission détaillée de l'architecte et les obligations de l'architecte et du maître d l'ouvrage 3. Toutefois, et même si la mission de l'architecte est présumée complète 4, aucune règle déontologique ne s'oppose à un aménagement des tâches entre le maître de l'ouvrage et l'architecte.
Lorsque l'une des missions normalement dévolue à l'architecte est attribuée au maître de l'ouvrage, en l'espèce l'établissement du relevé de la situation des lieux, l'architecte ne peut réaliser cette mission sous peine de manquer au contrat d'architecture. Si l'exécution de la mission par le maître de l'ouvrage s'avère défectueuse, l'architecte ne peut être tenu de ce manquement ni de ceux qui en découlent, pour autant qu'il n'a pas commis lui-même une faute.
Étant donné le caractère particulier de la profession d'architecte, ses fautes doivent être appréciées en fonction des obligations légales, déontologiques et contractuelles qui pèsent sur lui 5. Lorsqu'aucun élément objectif du dossier des travaux ne laisse apparaître une erreur commise par le maître de l'ouvrage dans l'exécution d'une mission confiée à lui contractuellement, l'architecte ne commet pas de faute en réalisant ses prestations sur base des informations erronées.
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1. Tribunal civil de Bruxelles, 18 novembre 2011, J.L.M.B., 2013/15, p. 854.
2. J.-P. Legrand, B. Louveaux et B. Mariscal, L'Immobilier en pratique, Mechelen, Kluwer, 2009, p. 63.
3. P. Van Someren, Le guide pratique de l'Immobilier en Belgique, Bruxelles, Corporate Copyright s. a., 2010, p. 322.
4. Appel Liège, 7 mars 1996, J.L.M.B.i., 1997/10, p. 404.
5. Appel Liège (13ème ch.), 9 mars 1999, J.L.M.B.i., 2000/04, p. 171.