La poursuite d'un contrat d'architecture par une société
Présentation des faits 1
Deux personnes concluent un contrat avec un architecte et lui donnent une mission portant sur la construction d'une habitation. Au début de sa mission, l'architecte perçoit le montant de deux notes d'honoraires.
Quelques mois plus tard, il décide de créer une société (SPRL) d'architecture. Cette société adresse un courrier à l'un des maîtres de l'ouvrage contenant un décompte des frais et honoraires restant dus ainsi qu'une indemnité de résiliation du contrat d'architecture. Ce courrier est suivi d'une mise en demeure et d'une citation adressées aux deux maîtres de l'ouvrage.
Le premier juge a suivi la thèse des maîtres de l'ouvrage en déclarant la demande en justice irrecevable car il n'existait aucun lien contractuel entre ceux-ci et la société d'architecture. La SPRL interjeta appel.
Décision de la Cour d'appel de Bruxelles
Devant la Cour, les débats s'articulent autour de la question de la reprise du contrat d'architecte par la société créée par l'architecte.
La Cour rappelle le principe selon lequel le transfert d'un contrat à une société doit être décomposé en un transfert des créances et un transfert des dettes issues du contrat. En l'espèce, aucun transfert de dettes n'a valablement été prévu.
Par contre, les créances, dont les créances d'honoraires, de l'architecte ont été cédées à la SPRL conformément au régime de cession de créance. Les maîtres de l'ouvrage ont en effet eu connaissance de la cession de créances par l'envoi de la mise en demeure par pli recommandé et l'un d'eux a directement répondu par courrier à la société.
La Cour considère donc que les maîtres de l'ouvrage sont directement tenus envers la société des obligations issues du contrat conclu initialement avec l'architecte, personne physique.
Bon à savoir
En droit belge, le transfert des contrats synallagmatiques s'opère en application de la théorie du dépeçage. Cela implique que les droits et obligations qui découlent d'un contrat en cours conclu par un architecte en tant que personne physique ne peuvent en principe être transférés à une société qu'en scindant l'opération, d'une part, en une cession de créance et, d'autre part, en une convention organisant le transfert des dettes 2.
Dans le cas des créances, le législateur a instauré un régime de cession prévu par le Code civil qui assure l'opposabilité de cette cession. Si la simple conclusion de la convention de cession rend opposable la cession de créance aux tiers autres que le débiteur cédé 3, la cession n'est opposable à ce dernier qu'à partir du moment où il en a reçu une notification ou qu'il a reconnu cette cession 4.
L'envoi, par courrier recommandé, d'une mise en demeure permet de faire connaitre la cession de créances au débiteur cédé. Par ailleurs, cette thèse est appuyée par le fait que ce dernier communique directement avec le créancier cessionnaire, en l'espèce, la société.
En ce qui concerne les dettes, la loi ne prévoit pas de dispositions similaires. Il revient donc aux parties d'organiser le transfert des dettes par le biais d'un contrat conclu par le débiteur cédant, le débiteur cessionnaire et le créancier cédé.
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1. Appel Liège, 7 juin 2012, J.L.M.B., 2013/15, p. 827.
2. Cass., 4 mars 1982, Pas., 1982, I, p. 798.
3. Article 1690 du Code civil.
4. P. Van Ommeslaghe, « Le nouveau régime de la cession et de la dation en gage des créances », J.T., 1995, p. 532.