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ARCHITECTE

Bon a savoir

16 Février 2016

La reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne

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Présentation des faits 1

La Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après CJUE) a été saisie d’une question préjudicielle par le Conseil d’Etat belge. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 21 et 49 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles 2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Ordre des architectes à l’État belge au sujet de la dispense du stage d’architecte prévue par le droit belge en ce qui concerne les ressortissants des États membres autres que le Royaume de Belgique.

En effet, en date du 25 mai 2011, l’Ordre des architectes avait saisi le conseil d’Etat d’un recours en annulation de l’arrêté royal du 23 mars 2011. En effet, ledit arrêté royal prévoirait une dispense des obligations de stage pour tout ressortissant d’un État partie à l’accord EEE ou d’un État membre autre que le Royaume de Belgique en possession d’un diplôme, d’un certificat ou d’un autre titre visés à l’article 1er, paragraphe 2/2, et aux annexes 1re, b, et 2, a et b, de la loi du 20 février 1939.

Toutefois, il ne subordonnerait pas cette dispense au respect de conditions permettant de vérifier que ce ressortissant a effectué à l’étranger des prestations jugées équivalentes au stage. Cet arrêté royal prévoirait ainsi un mécanisme de dispense générale de stage en fonction des qualifications qu’il énumère sans subordonner cette dispense au fait que l’État membre d’origine ouvre ou non l’accès à la profession d’architecte au titulaire de ces qualifications.

En outre, les annexes V et VI de la directive 2005/36 n’auraient pas été correctement transposées en droit belge, à savoir dans les annexes 1re, b, et 2, a, de la loi du 20 février 1939. Cela aurait pour conséquence que des titulaires de diplômes d’architecte, qui ne possèdent pas le certificat complémentaire leur permettant d’accéder à la profession d’architecte dans leur État membre d’origine, pourraient y accéder en Belgique, sans que l’Ordre des architectes puisse leur imposer une obligation de stage, l’arrêté royal du 23 mars 2011 en prévoyant la dispense.

Selon le Conseil d’état, l’arrêté royal en question méconnaît l’article 52, alinéa 1er, de la loi du 26 juin 1963 qui ne permet d’accorder cette dispense qu’aux ressortissants concernés ayant effectué, à l’étranger, des prestations jugées équivalentes au stage, ce que la simple détention du titre ne suffit pas à établir. Il conviendrait, toutefois, d’examiner la compatibilité de l’article 52, alinéa 1er, de la loi du 26 juin 1963 avec les articles 21, paragraphe l, et 49 de la directive 2005/36.

Dans ces circonstances, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« En ce qu’ils obligent chaque État membre à reconnaître aux titres de formation qu’ils visent, en ce qui concerne l’accès aux activités professionnelles et leur exercice, le même effet sur son territoire qu’aux titres de formation qu’il délivre, les articles 21 et 49 de la [directive 2005/36] doivent-ils être interprétés comme interdisant à un État d’exiger que, pour être inscrit à un tableau de l’Ordre des architectes, le titulaire d’un titre de formation d’architecte conforme à l’article 46 de ladite directive ou celui d’un titre visé par l’article 49, [paragraphe] 1, [de celle-ci] satisfasse en outre à des conditions de stage professionnel ou d’expérience, équivalentes à celles qui sont exigées des titulaires des diplômes délivrés sur son territoire après l’obtention de ceux-ci? »

 

Décision de la CJUE

La Cour commence par constater que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 21 et 49 de la directive 2005/36, dans sa version applicable au litige au principal, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que l’État membre d’accueil exige du titulaire d’une qualification professionnelle obtenue dans l’État membre d’origine qu’il effectue un stage, ou prouve qu’il possède une expérience professionnelle équivalente, pour être autorisé à exercer la profession d’architecte.

A cet égard, la Cour rappelle que cette directive prévoit la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, s’agissant de l’accès à un certain nombre de professions réglementées. L’objet essentiel de la reconnaissance mutuelle est de permettre au titulaire d’une qualification professionnelle lui ouvrant l’accès à une profession réglementée dans son État membre d’origine d’accéder, dans l’État membre d’accueil, à la même profession que celle pour laquelle il est qualifié dans l’État membre d’origine et de l’y exercer dans les mêmes conditions que les nationaux.

Concernant les architectes, un système de reconnaissance automatique des titres de formation a été prévu par la même directive ; ce système étant basé sur la coordination des conditions minimales de formation.

La Cour rappelle sa jurisprudence relative à la directive 2005/36 selon laquelle un tel système de reconnaissance automatique des titres de formation s’oppose à ce que l’État membre d’accueil subordonne la reconnaissance des titres professionnels répondant aux conditions de qualification prévues par la réglementation de l’Union à des exigences complémentaires.

À cet égard, la Cour considère que les termes de cette directive sont dénués d’ambiguïté. Ainsi, s’agissant de l’accès à la profession d’architecte, l’article 21, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive prévoit que les États membres reconnaissent les titres de formation visés à l’annexe V, point 5.7.1, de la même directive, en leur donnant, en ce qui concerne l’accès à la profession d’architecte, le même effet qu’aux titres qu’ils délivrent. En vertu de l’article 21, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2005/36, ces titres doivent être délivrés par des organismes compétents et accompagnés, le cas échéant, de certificats complémentaires. L’annexe V, point 5.7.1, de cette directive énumère, pour chaque État membre, les titres de formation, les organismes habilités à les délivrer et les certificats complémentaires permettant d’obtenir l’accès à la profession d’architecte. Lesdits titres et certificats sont conformes aux conditions minimales de formation d’un architecte décrites par l’article 46 de ladite directive.

La Cour analyse ensuite l’article 49, §1er, de ladite directive, celui-ci complètent en effet l’article 21, § 1er. Il découle de cet article que les États membres reconnaissent les titres visés à l’annexe VI de ladite directive qui ont été délivrés à l’issue d’une formation entamée au plus tard au cours de l’année académique de référence figurant dans cette annexe, même si ces titres ne répondent pas aux exigences minimales visées à l’article 46 de la même directive. En ce qui concerne l’accès à la profession d’architecte, les États membres sont tenus de donner auxdits titres le même effet qu’aux titres qu’ils délivrent.

Après avoir exposé le système de reconnaissance automatique des qualifications professionnelles prévu aux articles 21, 46 et 49 de la directive 2005/36, la Cour constate que celui-ci ne laisse aucune marge d’appréciation aux Etats membres. Ainsi, dès lors qu’un ressortissant d’un État membre est titulaire de l’un des titres de formation et des certificats complémentaires figurant au point 5.7.1 de l’annexe V ou à l’annexe VI de cette directive, il doit pouvoir exercer la profession d’architecte dans un autre État membre sans que ce dernier ne puisse lui imposer d’obtenir ou de prouver qu’il a obtenu des qualifications professionnelles supplémentaires.

De plus, la Cour rappelle que le bon fonctionnement du système de reconnaissance mutuelle automatique prévu par la directive 2005/36 suppose donc que les États membres aient correctement transposé non seulement les articles 21, 46 et 49 de cette directive, mais aussi les annexes V et VI de ladite directive.

Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour dit pour droit que les articles 21 et 49 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 279/2009 de la Commission, du 6 avril 2009, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que l’État membre d’accueil exige du titulaire d’une qualification professionnelle obtenue dans l’État membre d’origine et visée aux annexes V, point 5.7.1, ou VI de cette directive, qu’il effectue un stage, ou prouve qu’il possède une expérience professionnelle équivalente, pour être autorisé à exercer la profession d’architecte.

 

Bon à savoir

Concernant le droit applicable, l’article 21 de la directive 2005/36/CE prévoit à ses paragraphes 1 et 5 que :

«1. Chaque État membre reconnaît les titres de formation [...] d’architecte, visés [à l’annexe V, point 5.7.1], qui sont conformes aux conditions minimales de formation visées [à l’article 46], en leur donnant, en ce qui concerne l’accès aux activités professionnelles et leur exercice, le même effet sur son territoire qu’aux titres de formation qu’il délivre.

 [...]

5. Les titres de formation d’architecte visés à l’annexe V, point 5.7.1, qui font l’objet d’une reconnaissance automatique au titre du paragraphe 1, sanctionnent une formation qui a commencé au plus tôt au cours de l’année académique de référence visée à ladite annexe ».

Quant à l’article 49 de ladite directive, il prévoit que :

 «1. Chaque État membre reconnaît les titres de formation d’architecte visés à l’annexe VI, délivrés par les autres États membres et sanctionnant une formation qui a commencé au plus tard au cours de l’année académique de référence figurant à ladite annexe, même s’ils ne répondent pas aux exigences minimales visées à l’article 46, en leur donnant le même effet sur son territoire qu’aux titres de formation d’architecte qu’il délivre en ce qui concerne l’accès aux activités professionnelles d’architecte et leur exercice.

[...]

2. Sans préjudice du paragraphe 1, chaque État membre reconnaît, en leur donnant en ce qui concerne l’accès aux activités professionnelles d’architecte et l’exercice de celles-ci sous le titre professionnel d’architecte, le même effet sur son territoire qu’aux titres de formation qu’il délivre, les attestations délivrées aux ressortissants des États membres par les États membres qui ont édicté des règles en matière d’accès aux activités d’architecte et d’exercice de ces activités [...] ».

Le droit belge dispose quant à lui, à l’article 50, alinéa 1er, de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes 3, que :

«Nul ne peut demander son inscription à un tableau de l’Ordre s’il n’a accompli un stage de deux ans auprès d’une personne inscrite au tableau depuis dix ans au moins ». L’article 52, sous a), de la loi du 26 juin 1963 est libellé comme suit : « Les conseils de l’Ordre dispensent de tout ou partie du stage, dans les conditions déterminées par le Roi:

a) les ressortissants des États membres de la Communauté économique européenne ou [d’]un autre État partie à [l’accord EEE] ayant effectué à l’étranger des prestations jugées équivalentes au stage ».

L’article 1er de l’arrêté royal du 23 mars 2011 relatif à la dispense du stage d’architecteprévoit que :

« Les conseils de l’Ordre des architectes dispensent du stage visé à l’article 50 de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes, les ressortissants des États membres de la Communauté économique européenne ou d’un autre État partie à [l’accord EEE] qui sont en possession d’un diplôme, d’un certificat ou autre titre visés à l’article 1er, § 2/2 et aux annexes 1re, b, et 2, a et b, de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architecte.

L’alinéa premier ne s’applique pas aux diplômes, certificats ou autres titres délivrés par un organisme belge visé aux annexes 1re, b et 2, a, de la loi précitée du 20 février 1939 ».

À la question de l’interprétation des articles 21 et 49 précités, la CJUE a estimé qu’ils devaient être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que l’Etat membre d’accueil exige du titulaire d’une qualification professionnelle obtenue dans l’Etat membre d’origine qu’il effectue un stage, ou prouve qu’il possède une expérience professionnelle équivalente, pour être autorisé à exercer la profession d’architecte.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

______________

1. CJUE, arrêt du 30 avril 2014, T.B.O., 2015, liv. 4, p. 180.

2. Telle que modifiée par le règlement (CE) n° 279/2009 de la Commission, du 6 avril 2009 (JO L 93, p. 11, ci-après la « directive 2005/36 »).

3. Moniteur belge du 5 juillet 1963, p. 6945, telle que modifiée par la loi du 22 décembre 2009 adaptant certaines législations à la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (Moniteur belge du 29 décembre 2009, p. 82151, ci-après la «loi du 26 juin 1963»).

4. Moniteur belge du 11 avril 2011, p. 23207, ci-après l’«arrêté royal du 23 mars 2011.