La responsabilité de l'architecte : signature du procès-verbal de chantier par le maitre de l'ouvrage
Présentation des faits 1
Un bâtiment industriel est construit en 1999 pour le compte de la SA I. par la SA J. sous la surveillance de l'architecte W.
La SA I. introduit une citation en justice visant à condamner l'entrepreneur et l'architecte à des dédommagements suite à des retards, malfaçons, vices cachés et problèmes d'étanchéité relatifs aux travaux effectués.
Le 21 mars 2002, le premier juge considère la clause d'arbitrage contenue dans le contrat d'entreprise contraire au Code judiciaire et désigne un expert afin de procéder à l'examen du bâtiment litigieux.
Ce dernier conclut que les travaux n'ont été réalisés ni dans les règles de l'art, ni conformément au permis de bâtir. En effet, le permis prévoyait un niveau inférieur à la voirie de 39 cm. Or, l'expert constate une différence de 70 cm, cette différence de niveau devant donner lieu à certaines adaptations du projet d'origine, comme la mise en place d'un système de drainage.
Le juge conclut au non-fondement de la demande dirigée contre l'architecte à défaut de faute dans son chef ou de manquement à son devoir de conseil conformément au contrat d'architecture conclu.
La SA I. demande la réformation de ce jugement en sollicitant la condamnation in solidum de l'entrepreneur et de l'architecte.
Décision de la Cour
La Cour estime, tout d'abord, sur base de plusieurs éléments factuels, que le niveau du terrain à bâtir situé sous la voirie était un élément connu de l'appelante avant son acquisition du terrain. Cette dernière n'est, par conséquent, pas en mesure de fonder ses griefs sur le fait d'une construction du bâtiment sous le niveau de la voirie.
La Cour constate, ensuite, que les procès-verbaux des réunions de chantiers confirment la version des faits produite par l'entrepreneur et l'architecte, à savoir l'accord du maître de l'ouvrage de prévoir un drainage ou une surélévation du bâtiment.
Toutefois, ces procès-verbaux n'ont pas été signés par l'appelante, ce qui l'autorise à reprocher à l'entrepreneur et à l'architecte un manquement à leur obligation de conseil.
La Cour considère également que l'appelante a commis une faute dans la mesure où, en sa qualité de maître de l'ouvrage et, en ayant décidé de construire sur un terrain mouillé situé sous la voirie, elle se devait de suivre la réalisation de son projet et s'inquiéter des conséquences de la signature de documents.
La Cour estime alors que les fautes commises respectivement par l'entrepreneur et l'architecte et par le maître de l'ouvrage sont d'égale importance.
Bon à savoir
Il existe une obligation de collaboration imposée à tous les participants à l'acte de construire, professionnels ou non. Le maître de l'ouvrage devra alors assumer le risque de la construction sur le terrain qui lui appartient et les conséquences de ses choix concernant cette construction.
Le maître de l'ouvrage sera, par conséquent, notamment, habilité à établir les fautes commises par les professionnels auxquels il fait appel 2. Il ne pourra, toutefois, pas fonder ses griefs sur un élément dont il avait connaissance avant l'acquisition de son terrain.
L'architecte est soumis à la garantie décennale 3. Il sera, par conséquent, tenu des vices compromettant la solidité ou la conservation de l'édifice 4.
Par ailleurs, l'établissement de procès-verbaux relatifs aux réunions de chantier ne justifiera l'avertissement des professionnels au maître de l'ouvrage qu'en cas de signature effective de ces procès-verbaux par le maître de l'ouvrage.
A défaut de signature par le maître de l'ouvrage, l'entrepreneur et l'architecte pourront être poursuivis pour manquement à leur devoir de conseil 5.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d'appel de Mons (22e ch.), 25 juin 2013, J.L.M.B., 2014/34, pp. 1622-1626.
2. Voy A. Delvaux, B. de Cocqueau, F. Pottier et R. Simar, « La responsabilité des professionnels de la construction », in Responsabilités – Traité théorique et pratique, Titre II, Livre 23bis, Kluwer, 2008, pp. 11-36.
3. Article 1792 du Code civil.
4. Cour d'appe de Mons (1ere ch.), 29 mai 2000, J.L.M.B., 2000, p. 827.
5. Voy. B. Louveaux, « Le devoir de conseil des professionnels de la construction », D.C.C.R., 1997, pp. 199-224.